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Les Ukrainiens de Donetsk revendiquent leur terre face aux demandes de Poutine

by Sara
France

Donetsk, Ukraine, guerre, territoire, Poutine, Donbas — À Kramatorsk, ville proche de la ligne de front, les habitants répètent qu’ils ne céderont pas leurs terres malgré les demandes du président russe et la pression militaire continue.

Donetsk, Ukraine, guerre, territoire, Poutine, Donbas — témoins et vie quotidienne à Kramatorsk

Dans un établissement de la chaîne Lviv Croissants à Kramatorsk, sur le comptoir, un tableau d’affichage est couvert de Post‑it colorés portant de petits messages dessinés à la main. L’un d’eux se contente d’afficher “Kramatorsk”, avec des cœurs rouges en dessous et un éventail semi‑circulaire jaune et bleu au‑dessus, aux couleurs de l’Ukraine.

Parmi les personnes qui regardent ces notes se trouve Bohdan, 26 ans, qui sert dans l’armée depuis trois ans. Soldat désormais affecté à la logistique, il a choisi de passer son jour de repos à Kramatorsk avec son chien Arnold pour photographier les récents bombardements russes sur une ville où il a été basé pendant 18 mois. “I have a history with this place,” he says. “It is part of my destiny and my puzzle.”

Kramatorsk est au cœur des 30 % de l’oblast de Donetsk que les forces ukrainiennes contrôlent encore face à une avancée russe prolongée. Cette semaine, la région a été au centre d’une négociation apparemment avortée entre Donald Trump et Vladimir Poutine : le président russe aurait exigé l’ensemble du Donetsk — qui, avec la province de Luhansk, compose le Donbas — dans le cadre d’un accord de paix, une proposition que Trump aurait brièvement soutenue malgré le rejet par l’Ukraine.

La rhétorique russe change, mais aux yeux de Poutine, Donetsk, région industrielle à tradition russophone de l’est de l’Ukraine, serait plus proche culturellement de Moscou que de Kyiv. Les habitants, eux, affichent un point de vue très différent : “these are Ukrainian lands; there are recognised borders,” comme l’exprime l’une d’elles au marché local.

Attaques, tatouages et mémoire

Quelques minutes avant, Bohdan avait photographié le lieu d’un bombardement russe dans le centre‑ville, le 31 juillet, qui avait tué cinq personnes, saisissant l’image d’un arbre abîmé devant un immeuble en ruines. Il compte transformer la photo en tatouage : “The tree is symbolic; like Ukraine, it holds on despite the strike.”

Ce n’est pas son premier tatouage. Sur le mollet gauche du soldat figure la liste de tous les frappes aériennes russes ayant causé plus de 15 victimes civiles n’importe où en Ukraine ; il l’a fait il y a quatre mois, lors d’un changement d’unité. “I was having a civilian life, mostly. It was so easy to forget what’s going on,” dit‑il en parlant de la transition.

La ligne de front se trouve à environ 19 km au point le plus proche, mais Kramatorsk reste animé sous le soleil d’août. Les sirènes d’alerte aérienne retentissent régulièrement — selon des habitants, souvent pour des missiles qui passent au‑dessus — et ils ajoutent que lorsqu’une attaque vise la ville, il n’y a souvent aucun avertissement.

La vie commerciale et les réactions locales

Environ 250 000 civils vivent à Kramatorsk et dans le reste du Donetsk, soit près d’un huitième des niveaux d’avant l’invasion. Beaucoup de fenêtres sont planchées, mais la ville n’est pas massivement détruite : certains commerces et cafés restent ouverts. À la Sweet Coffee House Bakery, Kateryna Seledtsova vend gâteaux aux fruits, éclairs et autres pâtisseries ; la clientèle, désormais davantage masculine avec l’afflux de soldats, l’a poussée à modifier son offre. “Men like simpler food,” explique‑t‑elle, ayant troqué certaines pâtisseries à la française pour des produits plus lourds comme le gâteau Napoléon ou des trubochki (rouleaux gaufrés fourrés au lait concentré).

Donner le reste du Donetsk est, selon elle, “as idiocy. Men have been digging trenches here. All of those fortifications for nothing? I don’t believe it will happen, it is just stupid.” Seledtsova est originaire de Kramatorsk ; son père et son fils de huit ans vivent là, et l’idée d’être forcée de partir lui semble si irréelle qu’elle préfère ne pas trop y penser. Elle souligne les difficultés pratiques d’une relocalisation : “it’s impossible for us just to go somewhere and buy or rent an apartment elsewhere in Ukraine because we don’t have the money.”

Au marché de Sloviansk, au nord de Kramatorsk, des habitants vendent les excédents de leurs jardins, sur l’une des meilleures terres agricoles du pays. Une commerçante vend des raisins à 80 hryvnia le kilo, soit environ 1,68 € le kilo, en expliquant : “We should keep going and fighting for our lands. These are Ukrainian lands; there are recognised borders.”

Évacuations, centres d’accueil et pression sur les infrastructures

Le combat le plus intense se déroule toujours dans la province de Donetsk, notamment autour de Pokrovsk, à 56 km au sud‑ouest de Kramatorsk. Les responsables régionaux se montrent réticents à accorder des interviews en raison des sensibilités politiques ; le gouverneur de Donetsk, Vadym Filashkin, a toutefois fait état d’un bilan humain : trois tués à Kostyantinivka et, vendredi, 26 attaques sur des localités avec 3 649 personnes évacuées.

À Pavlohrad, à l’ouest, un centre pour réfugiés fonctionnait depuis près d’un an mais la hausse de l’offensive russe a fait grimper les arrivées à “350 to 450 people a day for the past two weeks”, selon Kateryna Makarova, cheffe de l’équipe. C’est comparé à 200 personnes par jour il y a deux mois et 100 durant l’hiver. Les conditions restent serrées : lits sur la scène d’un auditorium, construction d’un dortoir d’urgence en tente pour porter la capacité nocturne de 100 à plus de 200, et ouverture prochaine d’un autre centre à Dnipro.

“We are trying to figure out the algorithm for how we should work when there will be more evacuations,” says Makarova. Les autorités locales préparent aussi des aménagements le long de l’axe d’approvisionnement vers Kramatorsk — filets et protections — avant qu’il ne soit ciblé par des équipes de drones russes de plus en plus efficaces.

Récits individuels et détermination

Serhii et Nadiya, mariés depuis 46 ans et déplacés de Mezhova (à 16 km dans l’oblast de Dnipropetrovsk), patientent dans un centre pour réfugiés avec leurs affaires dans une douzaine de sacs plastiques. “We never thought the war would come to our village,” admite Serhii à propos des frappes de drones qui ont commencé il y a deux mois. Le couple reste étonnamment calme : Serhii admet prendre du Valium pour tenir. À leur départ, Nadiya fait un signe d’au revoir.

Sur le fond, peu d’habitants semblent prêts à envisager la cession des terres. “They [the Russians] are saying we’re brothers, but if I would have such a brother, I would change my last name and my father’s name,” Serhii dit encore. “I don’t need this kind of brother.”

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source:https://www.theguardian.com/news/ng-interactive/2025/aug/23/ukraine-donetsk-putin-territorial-demands

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