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À Marseille, Alexandre Georges, militant LGBT de 28 ans, témoigne d’un trauma lié à une intervention policière en civil lors d’un rassemblement en février 2024. Ancré dans la défense des droits humains, il annonce, après une longue période d’émotion et d’incertitude, son intention de retirer sa plainte et d’en faire un levier militant pour dénoncer les dysfonctionnements des institutions policières et judiciaires.
Contexte et déroulé des faits
Ce soir du 1er février 2024, environ une centaine de personnes répondent à l’appel des organisations antifascistes et de défense des droits LGBTQIA+ devant une école de commerce marseillaise, où une conférence sur le wokisme est organisée par le Syndicat de la famille, proche de la Manif pour tous. Des élus de la majorité municipale participent au rassemblement, et la tension reste modérée pour l’instant, même si un dispositif d’ordre est prévu par les organisateurs de Marseille révoltée.
Des policiers en tenue sont déployés pour contenir les manifestants. Selon Alexandre Georges, le face-à-face n’explose réellement que lorsque trois hommes « énervés » s’approchent, sans répondre lorsqu’on leur demande s’ils sont policiers. Des vidéos prises à leur arrivée et l’adjoint EE-LV en charge de la lutte contre les discriminations, Théo Challande Névoret, confirment que ces individus ne portent pas de brassard et pourraient être des policiers en civil.
- Alexandre Georges croit reconnaître des militants d’extrême droite parmi eux et réagit en lançant l’alerte et en utilisant un spray au poivre contre l’un des agresseurs.
- À ce moment, les trois individus s’alignent avec les CRS; c’est alors qu’un des agents répond par une « patate dans l’œil » au militant.
Sonné, Alexandre Georges consulte son médecin le soir même et bénéficie d’un contrôle sans garde à vue. Quelques jours après, son état se dégrade lorsque, en se mouchant, il constate que son œil droit « commence à sortir de son orbite ». Son œil voit désormais moins ou plus du tout, et les jours qui suivent aggravent la blessure.
Réactions et suites judiciaires
Quelques jours plus tard, le militant est convoqué au commissariat : un policier a porté plainte contre lui pour « violence avec arme sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Malgré l’état de santé, Alexandre Georges et son avocat poursuivent la voie judiciaire et saisissent l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Le premier rendez‑vous avec l’IGPN, en présence de Me Clémence Lachkar, se passe « plutôt bien », selon lui.
Cependant, les auditions qui suivent révèlent des éléments qui le surprennent : lors de l’audition de son compagnon, qui n’était pas présent au rassemblement, les enquêteurs posent des questions intrusives sur leur vie privée et leur orientation. Ils auraient aussi récupéré les dossiers médicaux du médecin traitant pour vérifier d’éventuels antécédents et auraient interrogé des proches sur des MST, en allant jusqu’à interroger des personnes proches à propos de l’intimité du couple.
Juridique et soutien institutionnel
Théo Challande Névoret, adjoint, réagit en confirmant avoir signalé à la préfecture de police des « méthodes abusives » et avoir préalablement informé le procureur via l’article 40 sur les faits observés. Alexandre Georges doit encore se rendre à Montpellier pour un examen par un expert médical. Si l’expert confirme la cécité de l’œil droit, il demande des examens complémentaires, notamment une IRM, afin d’établir que le coup est bien à l’origine de l’infirmité et non d’un facteur antérieur.
Le militant ironise sur la nécessité d’examens complémentaires, écrivant dans sa lettre ouverte : « Faisons de nouveaux examens pour être bien certains qu’elle n’est pas étrangère à la sortie de mon œil de son orbite… peut-être qu’un petit lutin derrière mon œil s’amuse à débrancher les câbles ». Cette forme d’autodérision illustre sa volonté de garder le cap malgré la gravité des faits.
Retrait de la plainte et réactions militantes
Face à la complexité de l’enquête et des exigences médicales, Alexandre Georges décide, le 19 août, de retirer sa plainte, contre l’avis de son avocate. Il explique vouloir éviter que son affaire ne soit « classée dans l’indifférence générale » et affirme mener sa lutte sur d’autres terrains, notamment par son engagement politique chez EE-LV. Le quotidien La Marseillaise publie son récit en une le jour même, renforçant la visibilité de l’affaire.
Cette décision suscite des réactions chez plusieurs organisations. La Ligue des droits de l’homme a décidé de se constituer partie civile, et Stop Homophobie, ainsi que d’autres associations, envisage de les rejoindre. Alexandre Georges justifie son choix comme un moyen de réveiller la communauté LGBTQIA+ et d’insister sur la nécessité de continuer le combat pour préserver les droits humains face à des dysfonctionnements qui perdurent.
Des enjeux majeurs et perspectives
Selon des sources judiciaires, l’enquête reste « minutieuse et à la hauteur des faits », avec l’objectif d’établir si le coup a bien provoqué l’infirmité. L’expertise médicale et l’IRM apparaissent comme des éléments déterminants avant une éventuelle transmission au procureur pour décision. Le parquet devra alors décider de classer ou non l’affaire, mais le retrait de la plainte n’empêche pas que l’auteur du coup puisse être poursuivi en correctionnelle, avec ou sans la circonstance aggravante d’insultes à caractère homophobe.
Pour Alexandre Georges, ce qui est en jeu dépasse une simple affaire personnelle : c’est la question plus vaste des droits humains, de la transparence des méthodes policières et de la capacité des institutions à rendre une justice équitable lorsque des tensions liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre entrent dans le récit d’un conflit collectif.