Quelle vision pour un Moyen Âge politique et culturel en France ?

Usage de l’histoire du Moyen Âge en politique et culture, et appropriation par l’extrême droite

L’intérêt pour l’histoire est profondément ancré en France : musées locaux et nationaux se multiplient, et le nombre d’amateurs et de lecteurs de livres d’histoire reste, selon le constat général, étonnamment élevé par rapport à d’autres pays. L’histoire du Moyen Âge connaît une recrudescence de popularité : elle se vend bien en librairie, prend la forme de podcasts ou de fictions audiovisuelles, irrigue les jeux vidéo, les festivals et les parcs à thèmes.

Mais la question cruciale porte sur le Moyen Âge dont il est question. Des groupes et acteurs politiques cherchent à réécrire ou instrumentaliser cet imaginaire pour légitimer des projets contemporains. À l’étranger comme en France, des symboles médiévaux servent de repères identitaires et de cadres d’action.

Exemples internationaux d’appropriations médiévales

Aux États‑Unis, des manifestants suprémacistes à Charlottesville (Virginie), le 12 août 2017, se sont présentés comme de « nouveaux Templiers », selon un article universitaire de Katharine Millar et Julia Costa Lopez publié dans Politics. L’imaginaire des croisades a également été mobilisé après les attentats du 11 septembre 2001 par le président George W. Bush et ses soutiens pour justifier l’engagement militaire au Moyen‑Orient.

Plus récemment, une milice du Kansas, autoproclamée « The Crusaders », a été arrêtée pour avoir projeté des attaques contre plusieurs mosquées en 2016. Ces exemples montrent comment des symboles médiévaux peuvent être réactivés dans des projets violents ou exclusifs.

Financement et stratégies culturelles en France

En France, des acteurs économiques et culturels contribuent aussi à la diffusion d’un récit nationaliste fondé sur l’idée de racines partagées. Outre des figures telles que Vincent Bolloré, le milliardaire Pierre‑Edouard Stérin a été mis en lumière pour son « plan Périclès », conçu pour faire accéder l’extrême droite au pouvoir. Selon les enquêtes, ce plan prévoit notamment d’investir dans la diffusion à grande échelle d’un roman ultranationaliste et d’appuyer des rendez‑vous culturels présentés comme « traditionnels ».

La stratégie évoquée comprend le soutien à des fêtes et festivals, visant à populariser une narration historique et identitaire. Parmi ces événements, les Murmures de la cité, à Moulins, ont été qualifiés par L’Humanité de « mini‑Puy du Fou », expression destinée à souligner le caractère spectaculaire et reconstitué de ces manifestations.

Conséquences culturelles et politiques de ces appropriations

La réactivation d’un imaginaire médiéval a des effets à la fois culturels et politiques. Sur le plan culturel, elle contribue à la consommation de représentations historiques simplifiées ou romancées — par l’édition, l’audiovisuel, les jeux ou les festivals. Sur le plan politique, l’instrumentalisation de symboles médiévaux sert à construire des récits identitaires et à mobiliser des publics autour d’un projet politique précis.

Le croisement entre histoire, spectacles et stratégies de communication pose des questions sur les frontières entre pédagogie, divertissement et propagande. Les débats portent sur la responsabilité des institutions culturelles et des mécènes, ainsi que sur la vigilance démocratique face à des usages politiques de l’histoire.

Éléments factuels et repères cités

• Manifestation de Charlottesville (Virginie), 12 août 2017 : militants se décrivent comme « nouveaux Templiers » (Katharine Millar et Julia Costa Lopez, Politics).
• Référence aux croisades utilisée après les attentats du 11 septembre 2001 par George W. Bush et ses partisans.
• Milice du Kansas, « The Crusaders », arrêtée pour projet d’attaque contre des mosquées en 2016.
• En France, mention du « plan Périclès » lié à Pierre‑Edouard Stérin visant à favoriser l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir.
• Festival Les Murmures de la cité à Moulins, qualifié de « mini‑Puy du Fou » par L’Humanité.

Ces éléments documentés montrent la diversité des modes d’appropriation du Moyen Âge, depuis des usages culturels commerciaux jusqu’à des instrumentalités politiques assumées par certains réseaux.