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Syrie : retour à l’université pour les étudiants interrompus par la révolution

by Sara
Syrie : retour à l'université pour les étudiants interrompus par la révolution
Syrie

Le président syrien a promulgué mardi le décret numéro 95 de l’année 2025, permettant aux étudiants universitaires et aux doctorants ayant interrompu leurs études depuis l’année académique 2010-2011, en raison exclusive de la révolution syrienne, de solliciter la reprise de leur parcours universitaire dans les établissements publics et privés.

Ce décret vise notamment les étudiants dont l’arrêt d’études est lié à la révolution, que ce soit par leur engagement direct, des exclusions motivées par leurs prises de position, des poursuites sécuritaires ou toute autre cause en lien avec ce contexte.

Pour être éligibles, les candidats doivent soumettre une demande officielle via un formulaire approuvé par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, accompagnée d’un engagement écrit attestant qu’ils n’ont pas obtenu de diplôme universitaire pendant leur période d’interruption. Les frais d’inscription seront appliqués selon le tarif de l’année de leur dernier suivi académique.

Modalités du décret

Selon le texte officiel, les étudiants en années de transition suivront une équivalence des cours basée sur le cursus actuellement en vigueur. Quant aux étudiants en dernière année, ils seront soumis au programme en vigueur avant leur interruption.

Si la faculté ou l’institut initialement inscrit a fermé, l’étudiant bénéficiera d’une option pour être transféré vers un établissement similaire dans une autre université ou, sous condition d’une moyenne suffisante, vers une autre faculté ou institut au sein de la même université.

Le décret stipule également que la période d’interruption sera considérée comme une suspension d’inscription et ne sera pas comptabilisée dans les délais d’exclusion mentionnés dans le règlement des universités.

Le ministre de l’Enseignement supérieur publiera prochainement les instructions d’application détaillées, y compris celles relatives aux frais d’inscription universitaire, via une décision distincte.

Une joie empreinte de réserves

Diyaa Al-Hameer, âgé de 38 ans, ancien étudiant en lettres et actuellement inscrit en sciences politiques à l’université de Damas, exprime sa satisfaction quant à ce décret qui lui permet, ainsi qu’à ses pairs, de retrouver les bancs de l’université après plus d’une décennie de privation.

Cependant, Diyaa confie à Al Jazeera que cette joie reste mitigée, teintée d’une certaine amertume. Après plus de 14 années d’interruption, il souligne que reprendre les études à son âge est beaucoup plus difficile, d’autant plus que ses responsabilités ont augmenté avec le temps. Cette situation complique sa réintégration, d’autant plus qu’elle survient après la chute du régime de Bachar al-Assad.

Initialement inscrit en décembre dernier dans le cadre du système d’« enseignement ouvert » à la faculté des sciences politiques de Damas, un programme destiné aux détenteurs du baccalauréat depuis 2006, Diyaa a choisi d’utiliser ce nouveau décret pour reprendre sa spécialité originelle en lettres, tout en poursuivant ses études en sciences politiques.

Concernant son interruption, il explique qu’il a été inscrit dès 2011 sur les listes des personnes recherchées par les services de sécurité du régime pour sa participation active aux manifestations anti-gouvernementales dans la ville d’Izraa, dans la province méridionale de Deraa. Craignant l’arrestation, il est resté confiné dans sa ville natale avant de rejoindre les factions armées de l’opposition dans la région de Lajat, ce qui l’a privé de toute possibilité d’éducation.

Parcours semé d’embûches

Janan Al-Jundi, 27 ans, étudiante en génie agricole à l’université de Hama, a dû interrompre ses études en 2019 suite aux pressions et aux poursuites des forces de sécurité du régime contre son activisme politique dans sa ville natale, Al-Salamiyah.

Elle rapporte avoir reçu des menaces d’arrestation via des messages anonymes sur WhatsApp, ce qui l’a contrainte à fuir successivement vers Alep, Lattaquié, puis le Liban avant de revenir en Syrie après la libération de certaines zones.

Cette interruption a eu un impact négatif sur sa carrière professionnelle, l’empêchant de progresser malgré son travail avec plusieurs organisations dans le domaine de la recherche agricole, notamment auprès des réfugiées syriennes. Janan déplore que ces institutions attribuent son effort à d’autres chercheurs, la classant simplement comme « assistante de recherche », ce qui a freiné son évolution professionnelle.

Outre ces préjudices professionnels, elle évoque un lourd fardeau psychologique provoqué par cette rupture dans son parcours universitaire, se traduisant par un manque de confiance en elle et la conviction qu’une personne sans diplôme ne peut pas asseoir sa stabilité sociale et professionnelle.

Avant ce décret, Janan n’imaginait pas pouvoir un jour reprendre ses études. Aujourd’hui, elle se réjouit sincèrement de cette opportunité et espère obtenir son diplôme l’année prochaine.

Des milliers d’étudiants syriens ont été contraints d’abandonner leurs études universitaires et de troisième cycle depuis quatorze ans à cause de leurs positions vis-à-vis du régime syrien. Cette situation a engendré un défaut d’accès à l’éducation, un recul dans leurs parcours professionnels, et une dispersion de leurs talents dans les conditions difficiles du déplacement et de la réinstallation.

Ce décret présidentiel marque une étape importante dans la réintégration de ces jeunes dans le système éducatif, offrant une chance de reconstruire leur avenir après des années d’interruption forcée.

source:https://www.aljazeera.net/politics/2025/6/18/%d8%a7%d9%84%d8%ac%d8%b2%d9%8a%d8%b1%d8%a9-%d9%86%d8%aa-%d8%aa%d8%b1%d8%b5%d8%af-%d9%85%d8%b4%d8%a7%d8%b9%d8%b1-%d8%b7%d9%84%d8%a8%d8%a9-%d8%b3%d9%88%d8%b1%d9%8a%d9%8a%d9%86

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