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Tensions entre la France et l’Italie autour du célèbre escalier

by Sara
Italie, France

Tensions entre la France et l’Italie autour du célèbre escalier

Au sommet des célèbres escaliers de la place d’Espagne à Rome, un spectacle mémorable a été offert par le célèbre acteur de films d’action, Tom Cruise, au volant d’une Fiat 500, dans le septième épisode de la série « Mission: Impossible ». Cet événement a renforcé la réputation de cet escalier historique, connu sous le nom de « Trinità dei Monti », comme une destination prisée par les cinéastes et les réalisateurs du monde entier.

Le célèbre escalier, composé de 174 marches reliant la place d’Espagne à l’église Trinità dei Monti, ne se limite pas à sa popularité au cinéma. Il est également un lieu de choix pour les défilés de mode et figure sur de nombreuses cartes postales touristiques.

Pour des millions de touristes, cet escalier, qui célèbre cette année les 300 ans de sa construction, est l’un des lieux emblématiques de l’Italie et de l’Europe en général.

Cependant, bien qu’il soit situé au cœur de Rome, il ne tombe pas sous la pleine souveraineté de la ville. Paris revendique que l’escalier et l’église Trinità dei Monti, ainsi que la zone environnante, sont d’entière propriété française, s’appuyant sur des arguments historiques et des accords antérieurs entre les deux pays.

Escalier de la place d'Espagne et église Trinità dei Monti

Un flou juridique

Les informations officielles indiquent que la construction de l’escalier remonte au XVIIIe siècle, à la suite d’un accord entre le pape Benoît XIII, le roi de France Louis XV et le cardinal français Michéa de Polignac en 1725, stipulant que la France assumerait entièrement la construction sous la direction de l’architecte Francesco de Sanctis.

L’escalier fait partie d’autres institutions religieuses construites par la France pour accueillir les pèlerins français au Vatican. L’historien italien Sebastiano Roberto a noté que « les monarchies de France, d’Espagne et d’autres pays européens de l’époque cherchaient toutes à établir une présence ici à Rome ».

Bien que l’escalier ne soit pas le seul monument historique à être administré et entretenu directement par les autorités françaises à Rome — cinq églises le sont également — la question de la propriété de l’escalier a refait surface depuis la publication d’un rapport de la Cour des comptes française en septembre 2024.

Actuellement, la France gère 13 monuments historiques et religieux à Rome, dont cinq églises. Le rapport de la Cour des comptes, qui compte 107 pages, a relevé plusieurs critiques concernant la gestion de ces institutions, notamment :

  • Une gestion opaque et imprécise du monument historique.
  • Des comptes bancaires cachés pendant de longues périodes.
  • Des dépenses et des investissements sans planification réelle.
  • Ce patrimoine ne bénéficie pas d’une définition claire.
  • Les églises et les collections ne sont pas incluses dans l’inventaire comptable.
  • Absence d’évaluations pour déterminer la valeur des monuments.

Le rapport conclut que toutes ces lacunes pourraient conduire à priver la France de sa propriété par défaut, ce qui est devenu apparent dans certains cas où la mairie de Rome a parfois pris en charge l’entretien de l’escalier par le biais de dons.

Inauguration des escaliers

Réaction italienne

Les Italiens rejettent aujourd’hui l’idée que Paris puisse revendiquer la souveraineté sur l’escalier au sens politique et juridique moderne. Ce sujet diplomatique délicat a été soulevé par le gouvernement de Giorgia Meloni lors du sommet du G7 à Naples en septembre 2024.

La position italienne repose sur le fait que le monument est situé sur le territoire italien. Dans un passé lointain, Benito Mussolini avait déjà appelé à une restitution totale de la souveraineté italienne sur ce symbole lors de son accession au pouvoir en 1922, arguant qu’il était « sous une gestion française illégale ».

Récemment, les réactions italiennes oscillent entre colère et ironie face à la position française. Fabio Rampelli, vice-président du parlement italien pour le parti « Frères d’Italie », a même proposé d’envoyer des experts italiens au Louvre à Paris pour faire l’inventaire des œuvres italiennes volées au fil de l’histoire, notamment au XIXe siècle.

La ministre du Tourisme italienne, Daniela Santanchè, a également exprimé son indignation sur la plateforme X, déclarant : « Comment la France serait-elle sans l’Italie ? Ils ne peuvent se passer de nos trésors, de nos œuvres et de notre beauté, mais aujourd’hui ils exagèrent. »

Réactions sur la place d'Espagne

Historique des tensions

Historiquement, ce conflit entre la France et l’Italie dans le domaine du patrimoine et des arts n’est pas le premier du genre. Les siècles passés révèlent des opérations d’appropriation systématiques d’œuvres d’art par les armées françaises sous la conduite de Napoléon Bonaparte.

Les sources françaises rapportent qu’entre 1796 et 1814, lors de plusieurs campagnes militaires, les armées de Napoléon ont pris certaines des plus prestigieuses collections d’art italiennes pour les exposer au Louvre, qui était alors en cours de création. Avant d’être couronné empereur en 1804, Napoléon avait été chargé par le conseil exécutif de faire de la France une puissance dominante dans le domaine des beaux-arts, notamment par le biais du Louvre.

Le succès de la campagne italienne, entre 1796 et 1797, a permis à Napoléon de demander au pape Pie VI, lors du traité de Tolentino du 19 février 1797, un grand nombre d’œuvres d’art.

En 1811, l’empereur français a ordonné la collecte de « toutes les peintures et œuvres d’art des bâtiments publics » de Rome et de ses environs. Cinq ans plus tard, après la chute de Napoléon, les œuvres d’art ont été restituées à l’Italie.

Historique des tensions entre France et Italie

Une crise bilatérale

Cette crise concernant l’escalier pourrait provoquer des tensions supplémentaires entre Rome et Paris, qui ont déjà connu une série de désaccords diplomatiques ces dernières années, notamment sur la question de l’immigration.

Cette crise pourrait également entraîner des conflits autour du statut de l’ambassade française à Rome, située dans le palais Alexandre Farnèse, qui ne relève pas légalement de la souveraineté française, car Mussolini l’a achetée en 1936 aux autorités françaises avant de la céder au ministère des Affaires étrangères français pour 99 ans, à un prix symbolique.

Il n’est pas clair si Rome acceptera de renouveler l’accord de Mussolini en 2036 en réponse à la crise de l’escalier. Cependant, le journal « Le Point » a rapporté qu’un diplomate italien à Paris a affirmé qu’il n’y avait pas d’intention de Rome de mettre de l’huile sur le feu, sachant que le ministère des Affaires étrangères italien est également conscient que son ambassade à Paris ne relève pas de la souveraineté italienne, car elle appartient à la « Caisse des dépôts » française depuis 1937.

Dans un effort pour contenir la crise et apaiser l’opinion publique officielle et populaire en Italie, Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes française, a déclaré à l’agence italienne ANSA, à propos des observations relatives à « la gestion de l’escalier de la place d’Espagne », que les juges ne demandent qu’à clarifier les accords anciens entre la France et le Saint-Siège, datés de plusieurs siècles, qui doivent être adaptés à l’époque actuelle.

Moscovici a également souligné qu’il n’y avait dans le rapport de la Cour aucune intention de faire quoi que ce soit avec ces actifs qui ont été gérés pendant des siècles, ni de les privatiser ou de les vider de leur signification.

Ambassade française à Rome

Un parcours mouvementé

Le site Al Jazeera Net a exploré, à travers plusieurs sources françaises, le parcours tumultueux de la gestion des monuments patrimoniaux et religieux français sur le sol italien depuis le XVIIIe siècle.

Les problèmes relatifs à ces institutions ont commencé à émerger après la chute de la monarchie suite à la Révolution française de 1789. À cette époque, le pape Pie VI a émis une note datée du 10 décembre 1793, stipulant que les institutions religieuses et patrimoniales devaient être placées sous « la supervision, la gestion et l’autorité » du cardinal de Bernis, ambassadeur du roi de France au Saint-Siège.

En 1797, par le traité de Tolentino, après la campagne militaire de Napoléon Bonaparte, et en échange de concessions territoriales et d’indemnités de guerre, la République naissante a transféré la gestion des institutions religieuses aux États pontificaux.

Cependant, ces institutions ont rapidement été remises sous la gestion française sous Napoléon, en vertu de l’accord signé en 1801 entre la République française et le Saint-Siège. Elles sont restées sous cette administration jusqu’à nos jours.

Après le retour de la « maison Bourbon » en France, les institutions religieuses ont été unifiées en 1816 par ordre de l’ambassadeur du roi Louis XVIII, le comte de Blacas. Des décennies plus tard, le statut de gestion des institutions religieuses a été établi en 1843.

Les règlements ont été modifiés plusieurs fois par les ambassadeurs successifs pendant les périodes de monarchie et de Second Empire, ainsi que durant les Troisième et Quatrième Républiques (1845, 1860, 1872, 1874, 1891, 1946 et 1956). Ces règlements placent les institutions religieuses sous l’autorité de l’ambassadeur français au Saint-Siège.

Gestion des institutions religieuses

source:https://www.aljazeera.net/politics/2025/3/4/%d8%af%d8%b1%d8%ac-%d8%b3%d8%a7%d8%ad%d8%a9-%d8%a5%d8%b3%d8%a8%d8%a7%d9%86%d9%8a%d8%a7-%d9%8a%d8%af%d9%82-%d8%a3%d8%b3%d9%81%d9%8a%d9%86-%d8%a8%d9%8a%d9%86-%d8%b1%d9%88%d9%85%d8%a7

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