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Traité Franco-Polonais : Un Nouveau Chapitre pour la France et la Pologne

par Sara
France, Pologne

Le 9 mai 2024, un nouveau traité d’amitié entre la France et la Pologne a été signé à Nancy, marquant un tournant majeur dans les relations bilatérales. Emmanuel Macron et Donald Tusk, président du Conseil des ministres polonais, ont ainsi renouvelé un pacte qui n’avait pas vu d’équivalent depuis l’accord signé en 1991 entre François Mitterrand et Lech Wałęsa. Cette signature intervient dans un contexte de tensions croissantes face à la menace russe en Europe et réaffirme l’importance stratégique du partenariat franco-polonais.

Un traité ambitieux et complet

Ce traité s’inscrit dans la continuité des accords de grande envergure que la France a conclus avec ses principaux partenaires européens : l’Allemagne (2019), l’Italie (2021) et l’Espagne (2023). Pierre Buhler, ancien ambassadeur français à Varsovie, souligne qu’il s’agit d’un véritable « changement de braquet » dans les relations franco-polonaises, couvrant une vaste gamme de domaines :

  • Énergie
  • Environnement
  • Défense
  • Migration
  • Sécurité
  • Culture
  • Enseignement supérieur et recherche

Ce cadre juridico-politique est destiné à stimuler une coopération dense et durable entre Paris et Varsovie.

Un passé tumultueux entre la France et la Pologne

Les relations entre les deux pays ont connu plusieurs cycles de rapprochement et de refroidissement depuis le XVIe siècle, époque où Henri de Valois fut brièvement roi de Pologne. Après le soutien français au syndicat Solidarnosc durant la guerre froide et la création de la Fondation France-Pologne en 1989, un certain ressentiment s’est installé. Les Polonais ont reproché à la France de freiner leur adhésion à l’Union européenne, tandis que la France critiquait les orientations pro-américaines des gouvernements polonais successifs.

Des épisodes comme celui du « plombier polonais » en 2005, lié à la directive Bolkenstein, ont exacerbé les craintes et les tensions. Ce n’est qu’avec la visite d’État de François Hollande en 2012 que les relations se sont améliorées, avant une nouvelle période de froideur sous le gouvernement conservateur de Droit et Justice (PiS) de 2015 à 2023. L’arrivée au pouvoir de Donald Tusk en décembre 2023 a permis de renouer le dialogue et de poser les fondations de ce traité décisif.

Une évolution influencée par la géopolitique européenne

La fascination française pour Moscou, notamment sous Nicolas Sarkozy, a souvent compliqué les relations avec Varsovie, perçue comme trop russophobe. L’annexion de la Crimée en 2014 et le conflit dans le Donbass ont renforcé les inquiétudes polonaises. Le « format Normandie », réunissant la France, l’Allemagne, l’Ukraine et la Russie, a été jugé un échec par Varsovie.

Depuis l’invasion russe de l’Ukraine, la Pologne s’affirme comme un pivot essentiel de la défense européenne, défendant un rôle historique de « rempart » face aux agressions venues de l’Est. Cette menace perçue comme existentielle renforce la coopération sécuritaire entre les deux nations.

Une posture polonaise en mutation

Avec Donald Tusk, la Pologne affiche une orientation pro-européenne affirmée, tout en conservant des liens solides avec les États-Unis. Tusk a déclaré en septembre 2024 : « Nous ne serons plus jamais seuls et plus jamais faibles. » Cette stratégie multilatérale inclut des partenariats avec les pays nordiques, le Royaume-Uni, l’Otan et la France, illustrant une diversification des alliances face aux enjeux de sécurité.

Cette dynamique accompagne la présidence semestrielle polonaise de l’Union européenne, dont le programme se concentre sur la « Sécurité, Europe ! ».

Enjeux politiques intérieurs et élections présidentielles

La signature du traité intervient à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle polonaise, prévu le 18 mai 2024. Le candidat de la Plateforme civique, Rafal Trzaskowski, maire de Varsovie, est donné favori face au candidat du PiS, Karol Nawrocki, et à l’extrême droite radicale incarnée par Slawomir Mentzen.

Une victoire pro-européenne permettrait de mettre fin à une période de blocages institutionnels sous la présidence actuelle d’Andrzej Duda, et de restaurer l’État de droit fortement fragilisé sous le PiS.

La place croissante de Varsovie dans l’Union européenne

La Pologne gagne en influence grâce à son rôle stratégique dans la sécurité européenne et son soutien actif à l’Ukraine. Donald Tusk, fort de son expérience à la présidence du Conseil européen, profite d’un réseau solide à Bruxelles, notamment au sein du Parti populaire européen. La collaboration avec Ursula von der Leyen et la présence du commissaire au budget Piotr Serafin renforcent cette position.

Une puissance en devenir, mais des défis persistants

Économie

La Pologne ne peut pas encore être considérée comme une grande puissance économique. Son PIB représente environ un quart de celui de la France, un cinquième de l’Allemagne et la moitié de l’Espagne, avec une population similaire. Ne faisant pas partie de la zone euro, elle reste un pays en phase de rattrapage économique, dépendant largement des investissements étrangers, notamment allemands. Son secteur de la recherche et de l’innovation demeure faible comparé à ses voisins.

Défense

Avec plus de 200 000 militaires, la Pologne est en voie de devenir la première armée conventionnelle de l’Union européenne, devant l’Italie, avec un budget défense représentant environ 4,7 % du PIB en 2025. Cependant, cette puissance militaire reste très dépendante des États-Unis, notamment pour l’achat et la maintenance d’armements sophistiqués comme les avions de chasse F-35, limitant son autonomie stratégique.

Transformations sociétales rapides

La Pologne connaît une évolution marquée par la suppression progressive des zones anti-LGBT, jugées discriminatoires par Bruxelles, et une sécularisation accélérée. Si le catholicisme a longtemps été un pilier identitaire, la pandémie de Covid-19 a accéléré le recul de la pratique religieuse. Les scandales d’abus sexuels au sein de l’Église, largement médiatisés, ont également érodé son autorité morale.

Malgré une législation restrictive sur l’avortement sous le gouvernement actuel, la jeunesse polonaise aspire à un mode de vie plus proche de celui des jeunes Allemands et Français, loin de l’emprise d’un catholicisme conservateur et parfois obscurantiste.

source:https://www.lexpress.fr/monde/europe/traite-de-nancy-la-relation-entre-la-france-et-la-pologne-va-changer-de-braquet-36T2PZKWNRA3BJWBDGSGH4VGCE/

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