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À Washington, DC, l’expérience d’être enchaînée aux poignets, à la taille et aux chevilles continue de hanter Ximena Arias Cristobal, 19 ans, longtemps après sa libération de la détention par les services d’immigration américains (ICE).
Originaire de Géorgie, cette étudiante a été arrêtée début mai après un simple contrôle routier pour un feu rouge tournant. Elle s’est retrouvée en centre de détention, confrontée à une procédure d’expulsion. « Cette expérience a laissé une marque profonde, émotionnellement et mentalement », a-t-elle raconté lors d’une conférence de presse, évoquant son passage au centre de détention de Stewart à Lumpkin, en Géorgie.
Elle ajoute que la douleur est d’autant plus grande en sachant que des millions d’autres vivent ces mêmes épreuves. Son histoire illustre la politique d’expulsions massives menée aux États-Unis, ciblant les immigrés sans distinction — même ceux sans casier judiciaire.
Une politique d’expulsions massives
Le président Donald Trump, lors de sa campagne pour un second mandat, avait promis d’expulser les « criminels » présents illégalement sur le territoire américain. Pourtant, en intensifiant la campagne de « déportations massives », les services d’immigration semblent viser des profils très variés, indépendamment du risque qu’ils représentent.
Vanessa Cardenas, directrice exécutive d’America’s Voice, un groupe de défense des droits des immigrés, dénonce une politique de quotas qui pousse ICE à arrêter « littéralement toute personne qu’ils peuvent attraper ». Selon elle, les « Dreamers », jeunes immigrés sans papiers protégés temporairement, figurent parmi les plus vulnérables.
« Dans cette rafle générale, beaucoup de Dreamers installés depuis longtemps aux États-Unis sont affectés », précise-t-elle.
Le cas particulier des Dreamers
Ximena Arias Cristobal est aussi une Dreamer, l’un des 3,6 millions de jeunes arrivés enfants aux États-Unis, souvent accompagnés ou seuls. Depuis 2012, la politique DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals) leur offre une protection temporaire contre l’expulsion, à condition d’être arrivés avant juin 2007.
- Environ 530 000 Dreamers bénéficient actuellement de ce statut.
- Nombreux sont ceux qui ne remplissent pas les critères, notamment ceux arrivés après la date butoir.
- Le traitement des nouvelles demandes est suspendu et les recours juridiques autour de DACA se poursuivent dans les tribunaux fédéraux.
Gaby Pacheco, dirigeante de TheDream.US, dénonce que beaucoup de Dreamers soutenus par son organisation au début de leurs études supérieures ne bénéficient d’aucune protection. Elle affirme que « les Dreamers sont attaqués » depuis plusieurs mois.
L’augmentation des quotas d’arrestations
Récemment, la secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, et le chef adjoint de cabinet de la Maison-Blanche, Stephen Miller, ont annoncé une hausse drastique des quotas d’arrestations ordonnées par ICE — passant de 1 000 à 3 000 par jour.
Par ailleurs, un projet de loi budgétaire, surnommé « One Big Beautiful Bill », vise à injecter environ 150 milliards de dollars pour renforcer les opérations liées à l’immigration et aux expulsions. Ce texte a été adopté de justesse à la Chambre des représentants et doit désormais être examiné au Sénat.
Ces mesures témoignent d’une intensification significative des contrôles, malgré les critiques qui dénoncent une vision déformée de la réalité par l’administration Trump.
Des faits qui contredisent les discours
Les études montrent régulièrement que les immigrés sans papiers commettent moins d’infractions, y compris des violences, que les citoyens nés aux États-Unis. Les données officielles remettent en question les affirmations de Trump sur une supposée abondance de criminels clandestins.
Selon le projet de recherche TRAC, entre le 26 janvier et le 3 mai, l’administration Trump a procédé à une moyenne de 778 arrestations quotidiennes, seulement 2 % de plus que sous la présidence Biden. Le nombre d’expulsions quotidiennes est même légèrement inférieur.
Une opposition grandissante face aux quotas d’expulsions
Les défenseurs des droits craignent que la pression pour augmenter les arrestations n’entraîne des méthodes plus agressives.
- La politique de non-intervention dans les lieux sensibles (écoles, églises) a déjà été annulée.
- Une loi de guerre de 1798 est utilisée pour expulser rapidement des suspects sans procès équitable.
- Les protections temporaires de certains ressortissants étrangers ont été révoquées.
De plus, la coopération entre ICE et les autorités locales s’est renforcée, avec des délégations de pouvoirs d’immigration à la police locale.
Des opérations d’envergure, comme en mai dans le Tennessee ou en juin dans le Massachusetts, ont abouti à des centaines d’arrestations. Celle d’un lycéen de 18 ans à Milford, Massachusetts, a provoqué une vive contestation populaire.
Vanessa Cardenas voit dans ces mobilisations un « rejet croissant » des politiques migratoires actuelles, mais avertit que l’administration reste déterminée à poursuivre ses objectifs si le Congrès lui accorde davantage de moyens.