Table of Contents
Après qu’un comité des Nations unies a approuvé une exemption temporaire à l’interdiction de voyager, le chef de la diplomatie afghane, Amir Khan Moutaqi, entame une tournée entre la Russie et l’Inde. Cette visite marque un test important du rôle diplomatique de Kaboul depuis le retour au pouvoir du mouvement taliban en 2021.
Autorisation de déplacement temporaire
La dérogation accordée par le comité des sanctions permet à Moutaqi de se rendre à New Delhi du 9 au 16 octobre, après une participation prévue à la réunion de la « formule de Moscou » sur l’Afghanistan.
Les exemptions temporaires sont prévues par le dispositif instauré au titre de la résolution 1988 (2011) du Conseil de sécurité et peuvent couvrir des motifs pratiques : rencontres officielles, raisons médicales ou démarches consulaires.
Dans le cas présent, le comité a approuvé une dérogation spécifique pour le déplacement de Moutaqi, sans pour autant lever définitivement les sanctions ni modifier le statut international de la représentation afghane.
Objectifs affichés de la visite
Des représentants du ministère afghan des Affaires étrangères cités auprès des médias indiquent que la tournée vise avant tout à « renforcer les canaux de coopération humanitaire et commerciale » et à montrer la volonté d’engagement régional du mouvement.
Selon ces sources, l’objectif reste de construire une confiance pratique et de trouver des solutions aux défis communs avec les voisins, sans que ces démarches signifient une reconnaissance diplomatique formelle.
Participation à la réunion de Moscou
Moutaqi doit assister à la septième réunion de la « formule de Moscou », lancée en 2017 et réunissant des responsables de pays comme l’Inde, l’Iran, le Kazakhstan, la Chine, le Pakistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan.
La Russie a annoncé que Moutaqi représentera officiellement le gouvernement afghan et tiendra une rencontre bilatérale avec son homologue Sergeï Lavrov.
La porte-parole du ministère russe, Maria Zakharova, a indiqué que les discussions porteront sur les dossiers en cours et la coopération bilatérale.
Enjeux et priorités russes
L’intégration officielle du gouvernement afghan dirigé par les talibans à la table de la « formule de Moscou » est perçue comme une évolution notable de l’approche russe et régionale.
Moscou cherche à consolider son rôle dans le dossier afghan autour de trois priorités principales :
- Sécurité et lutte contre l’extrémisme, notamment la crainte d’un reflux du groupe État islamique – province du Khorasan (EI-K).
- Rééquilibrage régional pour réduire l’influence occidentale, en particulier américaine, sur les questions de sécurité, d’énergie et de transport en Asie centrale.
- Maintenir un canal direct avec Kaboul pour rassurer des partenaires comme le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et le Turkménistan face aux risques potentiels.
Les positions régionales varient : l’Ouzbékistan et le Turkménistan adoptent une approche pragmatique axée sur les routes commerciales, tandis que le Tadjikistan affiche des réserves liées à ses sensibilités internes.
Visite en Inde : enjeux humanitaires et économiques
Après Moscou, Moutaqi se rendra en Inde pour la première visite officielle d’un haut responsable taliban depuis 2021. New Delhi n’a pas reconnu le gouvernement mais maintient des canaux humanitaires et commerciaux.
L’Inde a investi des milliards de dollars en Afghanistan au cours des deux dernières décennies, notamment dans des infrastructures telles que le barrage de Shatoot et le bâtiment du parlement afghan, ainsi que des projets en santé et éducation.
Le projet du port iranien de Tchabahar, soutenu par l’Inde, demeure un corridor stratégique pour contourner le Pakistan et accéder aux marchés d’Asie centrale.
Caractère tactique des déplacements
Des analystes estiment que ces invitations et exemptions de voyage traduisent davantage une dynamique tactique qu’un changement stratégique de reconnaissance internationale.
Les visites permettent aux talibans de briser symboliquement l’isolement et de se présenter comme un acteur régional incontournable, tandis que les pays partenaires cherchent à gérer une relation pratique sans formaliser une reconnaissance.
Les observateurs soulignent la nécessité d’actions concrètes dans des domaines sensibles — droits des femmes, formation d’un gouvernement inclusif, lutte contre le terrorisme — pour que ces rencontres aboutissent à des évolutions durables.
Selon des experts afghans, chaque déplacement est un test de confiance : il faut équilibrer les intérêts des voisins et la volonté de Kaboul de sortir de l’isolement, tout en maintenant des conditions strictes de surveillance et de respect des engagements internationaux.