Avant même d’atterrir à New Delhi pour le 23e sommet Inde-Russie, Vladimir Poutine peut nourrir l’espoir de tirer parti de cette visite pour obtenir des accords importants. Le programme évoque notamment l’éventualité d’achats d’éléments de défense tels que des systèmes S-400 et des avions de combat Su-57. L’Inde cherche aussi à sécuriser des approvisionnements en pétrole russe, les échanges entre les deux pays s’inscrivant dans un contexte où l’Europe se retire peu à peu du jeu stratégique. En parallèle, New Delhi aimerait profiter de la décote introduite par les sanctions occidentales pour acheter du brut russe à un prix plus favorable.
Relation avec le Sud global
Selon l’économiste Julien Vercueil de l’Inalco, l’Inde veut tirer parti de cette décote et des prix de l’énergie sous pression. Les chiffres montrent une croissance spectaculaire des échanges russes vers l’Inde: en 2024, les achats russes ont été multipliés par plus de sept par rapport à 2021, et, en 2025, la Russie est devenue le premier fournisseur de pétrole de l’Inde avec une part qui approche les 40% des besoins. Moscou espère pérenniser cette dynamique malgré les pressions américaines visant à limiter ces livraisons et à protéger les intérêts pétroliers indiens.
Au-delà des contrats, ce déplacement sert surtout à projeter une image: malgré les sanctions, les liens du Kremlin avec une grande partie du monde restent vivants et parfois même renforcés. Tatiana Kastouéva‑Jean, directrice du centre Russie‑Eurasie de l’Ifri, rappelle que les sanctions n’ont pas mis fin aux échanges et que les pays du Sud global ont développé des relations économiques plus durables avec la Russie, alors que les liens avec l’Europe restent plus fragiles.
Une levée de son isolement
Sur le plan diplomatique, Moscou a montré qu’il était loin de s’isoler complètement. Des visites d’État et de gouvernement, venant aussi bien d’anciens partenaires que de pays européens, témoignent d’un réseau de relations en évolution. Parmi les visiteurs figurent le Premier ministre hongrois Viktor Orban, présent à plusieurs reprises, et le Premier ministre slovaque Robert Fico, qui a assisté aux commémorations du 80e anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie en mai 2025. Le réchauffement des rapports avec Washington s’est manifesté avec le retour de Donald Trump et la tenue du sommet en Alaska, marquant la première visite de Poutine aux États‑Unis depuis 2015.
Parallèlement, Moscou a renforcé ses partenariats stratégiques avec ses alliés traditionnels. La Chine demeure son principal partenaire commercial et fournit une part croissante de matériel clé, notamment des composants à double usage pour l’appareil de guerre russe. Au défilé de septembre à Pékin, Poutine était aux côtés du président Xi Jinping, sur le tapis rouge à côté d’autres alliés, dont le dirigeant nord‑coréen Kim Jong‑un. Le régime nord‑coréen aurait livré des obus et des combattants engagés dans le conflit, et l’Iran, avec qui Moscou a signé en janvier un accord de partenariat global, participe à la production de drones et au soutien capacitaire. Ces partenariats montrent que, malgré la guerre, la Russie continue d’élargir et de diversifier ses soutiens internationaux.
En dépit du contexte, la Russie parvient à obtenir des soutiens au-delà de l’Europe et à présenter une image de puissance capable de dialoguer avec des partenaires variés dans le Sud global et ailleurs.