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L’entretien annuel d’évaluation, jadis fondamental dans le domaine des Ressources Humaines, fait aujourd’hui l’objet de critiques croissantes et est parfois abandonné par certaines entreprises. Autrefois considéré comme un moment crucial pour évaluer les performances des salariés et discuter de leur développement, cet exercice se révèle souvent inefficace et anxiogène, tant pour les évaluateurs que pour les évalués. Les critiques soulignent principalement son caractère dépassé, les biais influençant les évaluations, ainsi que la confusion des objectifs de cette pratique. Dans ce contexte, de nouvelles approches émergent pour offrir un suivi plus adapté et constructif aux employés.
Les limites de l’entretien annuel d’évaluation
Une des principales limites de l’entretien annuel réside dans la confusion entre l’évaluation de la performance et le développement des compétences. Bien que ces deux objectifs soient nécessaires, ils sont difficilement conciliables lors d’un même entretien. En effet, l’idée de faire progresser un collaborateur tout en l’évaluant crée une tension, nuisant à la sincérité et à l’ouverture des échanges. Les collaborateurs hésitent souvent à aborder leurs difficultés ou à demander de l’aide, craignant que cela n’ait des répercussions négatives sur leur carrière ou leur rémunération.
De plus, l’entretien annuel est affecté par de nombreux biais qui compromettent l’objectivité des évaluations. Les biais cognitifs, tels que le favoritisme envers des personnes similaires au manager ou les stéréotypes de genre, altèrent souvent les jugements. La mémoire sélective des managers et l’influence de facteurs contextuels, comme leur humeur, rendent l’évaluation subjective et peu précise. De surcroît, des études ont montré que les femmes, bien qu’ayant de meilleures performances, sont souvent sous-estimées en termes de potentiel par rapport à leurs collègues masculins, soulignant ainsi l’importance de remettre en question la pertinence des évaluations basées sur des impressions personnelles.
Enfin, l’entretien annuel, en se concentrant sur des performances passées et non sur des objectifs continus, favorise une approche rétrospective et peu constructive. Il tend à réduire les échanges à un exercice formel dénué de sens, perçu davantage comme une corvée administrative qu’un véritable outil de développement. Cela explique en partie pourquoi de nombreuses entreprises envisagent de supprimer ce rituel au profit de solutions plus fréquentes et axées sur l’amélioration continue.
Quelles alternatives à l’entretien annuel d’évaluation ?
Face aux limites de l’entretien annuel, des alternatives se mettent en place pour répondre aux besoins des entreprises et des collaborateurs de manière plus adaptée. La dissociation entre le suivi RH et l’évaluation opérationnelle en est un exemple. Certaines entreprises ont opté pour des « points RH » réguliers, consacrés exclusivement aux préoccupations personnelles et au bien-être des employés, sans aborder directement les questions de performance. Ces échanges permettent de maintenir un dialogue ouvert et d’identifier les problèmes potentiels sans pression, tout en favorisant un climat de confiance.
Une alternative qui se développe est le feedback continu. Contrairement à l’entretien annuel, qui se concentre sur une évaluation ponctuelle, le feedback continu vise à offrir des retours réguliers tout au long de l’année, permettant ainsi une correction des comportements et une amélioration des performances en temps réel. Certaines entreprises ont adopté des séances de feedback 360°, où le collaborateur reçoit des retours de ses pairs ainsi que de ses supérieurs, afin de co-construire un plan de développement plus précis et adapté. Ce type de démarche favorise une dynamique d’apprentissage collectif, tout en évitant les effets de surprise négatifs souvent associés aux entretiens annuels.
Enfin, le concept du keeper test, inspiré des pratiques de Netflix, propose une approche radicalement différente en posant directement la question suivante : « Si je devais quitter l’entreprise demain, est-ce que tu te battrais pour me retenir ? ». Cette méthode mensuelle vise à encourager une franchise totale entre le manager et le collaborateur. Bien que cette approche puisse s’avérer efficace pour éviter les situations de stagnation, elle nécessite une culture d’entreprise fondée sur la transparence et la bienveillance, sans quoi elle risque de devenir une source d’angoisse supplémentaire avec un jeu de pouvoir contre-productif entre l’entreprise et le salarié.
Vers une culture du feedback et de la reconnaissance continue
Au-delà des solutions évoquées, il est essentiel de promouvoir une culture du feedback régulier et de la reconnaissance continue au sein des entreprises. Les collaborateurs étant de plus en plus mobiles, le besoin de reconnaissance est une attente forte qui ne peut plus être satisfaite par un simple entretien annuel. La mise en place de points de rencontre réguliers, tels que des échanges en tête-à-tête hebdomadaires ou mensuels, permet d’aborder tous les aspects du travail et de créer des opportunités d’évolution en temps réel.
Cette culture du feedback continu aide également à éviter les ressentiments qui peuvent s’accumuler lorsque les problèmes ne sont pas traités rapidement. La transparence et l’authenticité deviennent des éléments clés pour renforcer l’engagement et la satisfaction des employés. La pratique des « retours sur expérience », qui se tiennent peu après la fin d’un projet, est également une approche efficace pour permettre aux équipes de s’améliorer continuellement.
Il est toutefois nécessaire de former les managers et les collaborateurs à l’art du feedback. Les entreprises qui réussissent à instaurer une communication bienveillante parviennent à tirer le meilleur potentiel de leurs équipes, tout en créant un environnement de travail favorable à l’épanouissement de chacun. Pour ce faire, des formations sur la communication et l’adoption de principes tels que les accords toltèques peuvent être des outils précieux.