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L’Attiéké de Côte d’Ivoire : symbole de patrimoine culturel mondial
Il se murmure que certains Ivoiriens peuvent manger de l’attiéké matin, après-midi et soir. Cette semoule de manioc fermentée est depuis longtemps un marqueur de l’identité nationale en Côte d’Ivoire, appréciée à tous les niveaux de la société dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a reconnu le statut de l’attiéké comme l’un des plats les plus importants de la région.
En décembre, l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) a inscrit l’attiéké au patrimoine culturel immatériel. Cette décision élève ce plat piquant au même statut que d’autres spécialités culinaires mondialement reconnues, telles que le kimchi sud-coréen et les tacos mexicains.
Pour les femmes ivoiriennes qui préparent ce plat en grande quantité pour la vente, et qui ont transmis cette compétence culinaire intensive de génération en génération, l’attiéké est aussi un moyen de créer des liens et un chemin vers l’indépendance financière.
Pourquoi l’attiéké a-t-il été reconnu ?
Un panel de l’UNESCO a ajouté l’attiéké à sa liste du patrimoine culturel immatériel le 5 décembre lors de la 19ème session de l’organisation sur la sauvegarde du patrimoine non matériel à Asuncion, au Paraguay. Cette liste met en avant des pratiques, des connaissances ou des expressions culturellement significatives propres à une région ou à un pays.
Aux côtés du plat ivoirien, l’UNESCO a également reconnu dix autres plats ou boissons culturels, dont le saké japonais, un vin de riz traditionnel, et le pain de manioc des Caraïbes, consommé par les communautés autochtones.
Lors de l’examen de l’attiéké, l’UNESCO a noté les compétences liées à sa production : « Les connaissances et les compétences sont transmises par voie orale et par observation au sein des familles… Les connaissances et les compétences associées jouent un rôle important dans la vie sociale des communautés », a-t-elle déclaré.
Origine et signification traditionnelle de l’attiéké
L’attiéké est un plat accessible et abordable qui est devenu un aliment de base dans les repas familiaux, note l’UNESCO. Il est souvent servi lors des mariages, des anniversaires ou d’autres événements, accompagné d’une sauce pimentée, de tilapia grillé ou frit, et d’oignons hachés.
Le plat est généralement préparé par des femmes dans les régions lagunaires du sud de la Côte d’Ivoire, notamment dans les groupes Adioukrou, Avikam et Ebrie. En fait, le nom provient du terme Ebrie pour ce plat : « adjeke ».
Au cours des dernières décennies, la production s’est répandue dans tout le pays, et la demande pour l’attiéké augmente dans des pays voisins comme le Burkina Faso, le Ghana et dans les diasporas africaines à travers l’Europe et l’Amérique du Nord.
Comment l’attiéké est-il préparé ?
La préparation de la pulpe de manioc fermentée prend généralement de trois à cinq jours. Des groupes de femmes se réunissent pour préparer le plat en grandes quantités, puis portionnent et vendent le produit aux vendeurs de marchés dans de petits sachets en plastique.
Le processus de fermentation, connu sous le nom de magnan, donne à l’attiéké son goût distinctif. Voici comment le plat est traditionnellement préparé :
- Tout d’abord, des racines de manioc légèrement bouillies sont trempées pendant un à trois jours pour fermenter et servir de levure dans le produit final.
- Ensuite, d’autres racines fraîches sont pelées, coupées et lavées. Avec les racines fermentées, de l’huile de palme chauffée et de l’eau, le mélange est ensuite broyé.
- Après cela, la pulpe est portionnée dans des sachets en plastique et laissée à fermenter pendant environ 12 à 15 heures.
- Le mélange fermenté est ensuite bien pressé pour en extraire l’eau.
- La pâte séchée est ensuite tamisée, généralement avec un tamis de 5 mm pour enlever les impuretés.
- La pâte séchée est ensuite étalée en fines couches sur des bâches et laissée au soleil pour sécher pendant environ une demi-heure ou plus.
- Les granulés sont ensuite cuits à la vapeur plutôt que cuits, ce qui prend 30 à 40 minutes.
- Le produit fini, doux et aéré, est typiquement emballé dans de petits sachets en plastique pour la vente sur les marchés.
Controverses autour de l’attiéké
De nombreux Ivoiriens sont passionnément attachés à l’attiéké. Certains voient l’augmentation de la production dans les pays voisins comme une menace pour l’identité nationale. En 2019, une polémique a éclaté sur les réseaux sociaux ivoiriens après qu’une cheffe burkinabé a remporté un prix lors d’une foire agricole à Abidjan.
Suite à la reconnaissance par l’UNESCO, des locaux ont déclaré à un journaliste de Radio France Internationale que cette reconnaissance mondiale était importante et aiderait à faire ressortir l’attiéké ivoirien. En 2019, le gouvernement ivoirien a commencé à faire des démarches pour breveter le nom « Attiéké des Lagunes » afin de protéger son authenticité.
D’autres plats africains au patrimoine de l’UNESCO
Avec son nouveau statut, l’attiéké rejoint le plat de riz sénégalais, le thiebou dieune, qui est le seul autre plat subsaharien reconnu par l’UNESCO. Ce plat, originaire de la ville nordique de Saint-Louis, est préparé avec du poisson et des légumes, et est souvent consommé lors du déjeuner ou du dîner.
L’UNESCO a également reconnu ce plat en 2021, ainsi que la danse rumba de la République Démocratique du Congo. La danse Isikuti du Kenya a également été inscrite sur la liste en 2021.