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La force féministe du cinéma de George Cukor : entretien avec Hélène Frappat
À l’occasion de la rétrospective dédiée à George Cukor à la Cinémathèque, qui se tient jusqu’au 7 octobre, nous avons eu le plaisir d’interviewer Hélène Frappat, écrivaine et philosophe. Elle nous partage son analyse de la portée émancipatrice du cinéma de Cukor.
George Cukor, un pionnier des comédies américaines
Roi incontesté des comédies américaines des années 1930 à 1960, George Cukor est également un cinéaste à l’œil précurseur, notamment grâce à son oscarisé _My Fair Lady_. Dans son essai intitulé Le Gaslighting ou l’art de faire taire les femmes, Hélène Frappat utilise le film _Gaslight_ (connu sous le titre _Hantise_ en français) comme une lentille d’analyse pour explorer ses thèmes.
Cukor, un cinéaste toujours d’actualité
Hélène Frappat souligne que l’œuvre de Cukor reste résolument contemporaine. « Il nous a précédés et notre compréhension de son travail est encore en cours, » déclare-t-elle. Le cinéma de Cukor agit comme un laboratoire pour les enjeux sociaux. Par exemple, son film _Sylvia Scarlett_ (1935) anticipe déjà les réflexions queer. Son œuvre _Gaslight_ (1944) préfigure même la révolution féministe, transformant une histoire ancrée dans le contexte victorien en un outil critique face à la violence conjugale et politique. En tant que juif-hongrois, Cukor a également pressenti les atrocités du nazisme.
La conversation au cœur de son art
Dans le cadre de son analyse, Hélène Frappat évoque la notion de dialogue dans le cinéma de Cukor. Elle le présente comme « le cinéaste de la conversation », soulignant que même dans les conflits, la communication reste centrale. _Gaslight_ est un exemple pertinent de cette thématique, mettant en lumière la norme hétéro-conjugale où la parole de la femme est étouffée par un monologue masculin. Frappat fait un parallèle avec des récents cas d’actualités, tel que celui de Gisèle Pelicot, pour illustrer ce phénomène d’effacement de la voix féminine.
L’ironie queer : un atout majeur de Cukor
Selon Hélène Frappat, Cukor est aussi en avance sur les débats contemporains concernant « l’auteur dictateur ». Il réussit à établir un équilibre entre son autorité de metteur en scène et l’émancipation de ses actrices. L’ironie, qu’elle qualifie d' »ironie à la fois juive et queer », devient un instrument pour déconstruire les notions d’identité. Dans son dernier film, _Riches et Célèbres_ (1981), Cukor défie les clichés de rivalité féminine, offrant une représentation innovante des femmes artistes. Il aborde également des thèmes tels que la duplicité de Marilyn Monroe, en dissociant l’actrice de son image mythique, ce qui démontre sa capacité à anticiper les tendances artistiques de son temps.
Pour découvrir ces réflexions et plus encore sur George Cukor, ne manquez pas la rétrospective à la Cinémathèque française jusqu’au 7 octobre.
Le Gaslighting ou l’art de faire taire les femmes par Hélène Frappat est disponible aux éditions de l’Observatoire, collection La Relève.