La Palme d’or de Cannes 2025, Un simple accident, signée Jafar Panahi et réalisée clandestinement en Iran, sort en salle le 1er octobre 2025 en France ; Jafar Panahi, cinéma clandestin, Iran, censure, liberté d’expression sont au cœur de ce retour médiatique, alors que le réalisateur affirme vouloir rentrer dans son pays malgré l’interdiction qui le frappe.
Jafar Panahi, cinéma clandestin, Iran, censure, liberté d’expression : un film né de l’expérience carcérale
Un simple accident, Palme d’or de la 78e édition du Festival de Cannes, suit Vahid, ancien détenu et ouvrier, qui croit reconnaître son ex-bourreau au grincement de la prothèse d’une jambe après un accident banal. La tension monte quand il enlève l’homme suspecté et le cache dans le coffre de sa camionnette, puis sollicite d’autres anciens prisonniers pour confirmer son identification. Le film interroge la tentation de la vengeance et la possibilité de ne pas céder à la violence.
Le récit puise largement dans le vécu du réalisateur. Jafar Panahi a été incarcéré à deux reprises : 86 jours en 2010 et près de sept mois entre 2022 et 2023 à la prison d’Evin à Téhéran. À la suite de sa détention, il explique que la parole des détenus l’a poussé à agir : « Quand vous êtes emprisonné pendant sept mois, vous parlez beaucoup avec les autres. Et une fois que vous sortez de prison, quand la porte s’ouvre et que vous vous retournez, vous vous rendez compte que vous êtes libre, mais que ceux qui sont derrière le mur, sont encore en prison. Je me suis dit : ‘Il faut que je fasse quelque chose’. Je suis un réalisateur, je ne sais pas faire autre chose que des films. C’est avec ce moyen que je peux parler d’eux ». Son film est né de la nécessité de « payer sa dette envers » ceux qui sont restés enfermés.
Interdit d’exercer son métier en Iran depuis 2010 — condamnation à six ans de prison pour « propagande contre le régime » après son soutien aux manifestations de 2009 — Panahi ne cesse pourtant de filmer clandestinement. Il raconte les contraintes du tournage : cacher le matériel, suspendre le projet après l’arrestation de membres de l’équipe, et apprendre à jouer « au chat et à la souris » avec les autorités. Il rappelle des épisodes célèbres de son parcours clandestin, comme la sortie à l’étranger de Ceci n’est pas un film sur une clé USB cachée dans un gâteau, la réalisation de Closed Curtain chez lui en 2013 et la transformation d’une voiture en plateau pour Taxi Tehran en 2015.
« Ce n’est pas évident. C’est quelque chose que nous [les cinéastes iraniens] avons acquis avec l’expérience », dit-il, ajoutant : « Notre méthode de travail nous permet d’éviter le danger à chaque moment, et de respecter le côté sécuritaire quand il le faut pour pouvoir mettre un point final à notre film. »
Retour à Téhéran et réactions
Après sa récompense à Cannes en mai 2025, Jafar Panahi est rentré à Téhéran et a été applaudi à l’aéroport par des confrères, des familles de prisonniers politiques et des membres de son équipe. Il se souvient : « Je n’ai pas été accueilli comme un héros, mais parce que ce prix a suscité de l’espoir ».
Les autorités iraniennes, en revanche, ont critiqué le film et tenté de le discréditer. Selon le réalisateur : « La population m’a accueilli comme ça, mais le régime, lui, traite toujours de la même manière les réalisateurs dont il ne valide pas le travail, critiquant et discréditant le film, par tous les moyens. Ils disent notamment que ce sont les services de renseignement et d’espionnage étrangers qui l’ont mis en avant pour qu’il obtienne un prix ».
Le film, coproduit par un producteur français, a été choisi pour représenter la France aux Oscars de mars 2026, un choix qui devrait être suivi de près par les autorités iraniennes.
Face à la qualification politique que certains pourraient lui prêter, Panahi oppose la nature sociale de son cinéma : « Je ne prétends pas avoir crée ce film pour créer un courant de résistance. J’ai fait un film auquel je crois ». Il refuse de le qualifier de « film politique », tout en reconnaissant que ses personnages féminins apparaissent sans voile et que certains dialogues critiquent ouvertement le régime ; il préfère parler d’un « cinéma social dont le sujet est politique ».
Le réalisateur rend un hommage explicite au soulèvement de 2022 : « Ce film, je le dois au soulèvement ‘Femme, vie, liberté’. C’est ce mouvement qui a donné le courage aux cinéastes iraniens de dépasser les lignes rouges et d’être aux côtés du peuple. Ce sont eux qui m’ont enseigné cette leçon d’humanité ». Interrogé sur la crainte de retourner en Iran après ses déplacements en Europe et Amérique, il affirme : « Je ne peux vivre qu’en Iran ».
Panahi évoque aussi un épisode survenu après le bombardement israélien d’une partie de la prison d’Evin en juin 2025 : des prisonniers auraient pu profiter de la confusion pour s’enfuir, mais ont choisi d’extraire des blessés, « sans doute leurs propres bourreaux ». « C’est là qu’être un être humain prend le pas sur la vengeance », conclut-il, faisant écho au thème central de son film : le choix entre punition et pardon, et la fin possible du cycle de la violence.
Un simple accident sort en salle le 1er octobre 2025 en France. Jafar Panahi sera l’invité de l’émission À l’Affiche sur France 24 jeudi 2 octobre.