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L’avenir fragile des festivals : entre coûts et subventions en chute

by Sara
L'avenir fragile des festivals : entre coûts et subventions en chute
France

Entre baisse des subventions et hausse des coûts, les festivals se retrouvent extrêmement fragilisés, avec un impact direct sur la programmation artistique.

Un paradoxe économique

Le paradoxe est criant. D’un côté, selon les premiers indicateurs de billetterie, les spectateurs sont déjà nombreux à réserver leurs places cet été dans les festivals. Mais de l’autre, ces manifestations n’ont jamais été aussi fragiles économiquement. Déjà en 2024, selon le bilan du Centre national de la musique, 44 % des festivals affichant des taux de remplissage supérieurs à 90 % avaient fait état d’une édition déficitaire. Cette année, avec la diminution drastique des budgets culture de nombreuses collectivités (régions, départements, villes), la situation s’annonce encore plus périlleuse.

Retards et coupes franches

Les festivals Travelling à Rennes et Fema à La Rochelle doivent faire face à la baisse de 50 % du budget culture de leurs départements respectifs, Ille-et-Vilaine et Charente-Maritime. À cela s’ajoutent également les retards administratifs. Le vote du budget s’étant fait tardivement, les attributions de l’État aux collectivités ont été retardées. « Les festivals arrivent en bout de chaîne : il y a jusqu’à six mois de retard dans le versement des subventions. Nous devons faire des demandes d’avance aux banques. Mais des festivals plus petits ou plus jeunes n’y ont pas accès », explique Maria-Carmela Mini, directrice de Latitudes contemporaines à Lille et co-présidente de France Festivals, qui réunit une centaine de festivals de spectacle vivant.

L’apport en nature des collectivités (prêt de matériel, mise à disposition de lieux…) se réduit lui aussi très nettement. Quant aux actions pédagogiques des festivals, elles subissent l’impact de la diminution de 15 % des crédits des Drac dédiés aux projets de transmission et de démocratisation culturelle ainsi que par la suspension de la part collective du Pass culture, destinée aux établissements scolaires.

Explosion des coûts

En face, les coûts augmentent de manière spectaculaire. « Les dépenses en matière de transport ou d’hébergement bondissent. L’année dernière, nous avions des accords avec des hôtels trois étoiles à Lille pour des nuits à 90 euros. Désormais, le seuil minimal est de 110 euros », observe Maria-Carmela Mini. L’inflation est tout aussi galopante pour les dépenses techniques, du matériel son jusqu’aux installations lumière. Les structures doivent généralement louer ces équipements, en raison de leur prix et de leur obsolescence.

« De nouvelles normes plus contraignantes, comme le décret son, nous obligent à opter pour un matériel technique plus onéreux », note Stéphane Krasniewski, directeur des Suds à Arles et président du Syndicat des musiques actuelles. Les assurances sont également à la hausse, en raison de l’augmentation des risques dus au réchauffement climatique. L’été dernier, les conditions météorologiques ont conduit à l’annulation de plusieurs manifestations.

Un fort impact sur le plan artistique

La masse salariale permanente des festivals est généralement assez réduite, une grande partie de l’activité au moment de l’événement étant assurée par des bénévoles et par des intermittents (notamment les techniciens). Pour ces derniers, la réduction de la voilure de plusieurs événements diminuera inévitablement leur nombre de cachets. Antoine Leclerc attire l’attention : « Le contexte actuel peut nourrir au sein des équipes des envies de départ et de reconversion. »

Les conséquences sur la programmation se font déjà sentir. À Saint-Nazaire, Les Escales suppriment cet été l’une de leurs scènes ; en Mayenne, Au foin de la rue passe désormais en biennale ; à La Rochelle, le Fema dure un jour de moins. « Les politiques doivent comprendre qu’en diminuant leur soutien à la culture, les retombées vont atteindre quantité d’autres secteurs, comme l’hôtellerie, la restauration… C’est un effet domino », rappelle Antoine Leclerc.

Des solutions face à la crise

Certains responsables politiques locaux glissent aux directeurs de festivals : ne devraient-ils pas augmenter le prix des places ? Rares sont les manifestations à appliquer le taux d’inflation qu’elles subissent sur le prix des billets. « Nous voulons rester accessibles au plus grand nombre, c’est dans notre ADN », plaide Maria-Carmela Mini. Cependant, rien ne garantit que cela fonctionnerait. « Nous ne sommes pas un bien de première nécessité pour lequel le consommateur n’a pas d’autre choix que de payer. Pas sûr que les spectateurs consentiraient à une telle hausse de dépenses pour leurs sorties », glisse Stéphane Krasniewski.

Dans un paysage déjà difficile, l’État reste en retrait. Depuis les États généraux des festivals, lancés par Roselyne Bachelot en 2020 et 2021, aucune politique d’envergure n’a été mise en place pour soutenir ces manifestations. L’État se contente de verser d’importantes subventions à quelques-uns, laissant aux collectivités territoriales la gestion de la majorité des événements, ce qui est devenu insupportable pour de nombreux acteurs culturels.

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