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Vincent Debaene : Redécouverte de la littérature africaine

by Sara
Vincent Debaene : Redécouverte de la littérature africaine
France, Sénégal, Côte d’Ivoire, Bénin

Vincent Debaene propose une réévaluation majeure de la littérature indigène africaine, mêlant anthropologie et critique littéraire pour revisiter l’histoire des premiers écrivains francophones d’Afrique. Son approche offre une nouvelle lecture des créations littéraires nées dans un contexte colonial complexe, à la croisée des enjeux identitaires et culturels.

Une approche novatrice entre anthropologie et littérature

Dans son ouvrage La Source et le Signe. Anthropologie, littérature et parole indigène, publié chez Seuil dans la collection « La librairie du XXIe siècle », Vincent Debaene explore une facette méconnue de la littérature africaine. Par une analyse rigoureuse, il met en lumière la parole indigène à travers un prisme anthropologique, redéfinissant ainsi la place de ces œuvres dans le champ littéraire francophone.

L’ouvrage de 432 pages, disponible au prix de 25 euros en version papier et 18 euros au format numérique, s’impose comme une référence pour comprendre les tensions et les enjeux qui ont façonné les premières expressions littéraires africaines sous domination coloniale.

Le théâtre scolaire « franco-africain » de William-Ponty

Avant les indépendances, l’école normale William-Ponty, située au Sénégal et dédiée à la formation des instituteurs et cadres de l’Afrique-Occidentale française (AOF, 1895-1958), fut un lieu central pour la production d’une littérature indigène. Un théâtre scolaire « franco-africain » y fut mis en place, où des classiques étaient adaptés à des thématiques africaines.

En 1937, cette initiative culmina avec la représentation de deux pièces composées et interprétées par des élèves ivoiriens et dahoméens au prestigieux Théâtre des Champs-Élysées à Paris. Ce succès sur scène fut toutefois marqué par une ambivalence forte : Charles Béart, directeur à plusieurs reprises de William-Ponty, considérait ces spectacles comme des exercices destinés à développer chez les élèves une conscience d’eux-mêmes, mais strictement en tant qu’« indigènes ».

Il écrivait ainsi en 1935 : « Que leurs pensées restent africaines et qu’ils ne se servent du français que pour les exprimer… voilà l’idéal ». Cette posture illustre les contradictions profondes entre expression culturelle et contrôle colonial.

Les enjeux de la reconnaissance littéraire et identitaire

Jusqu’à récemment, ces productions littéraires ont été analysées principalement sous un angle sociologique, les plaçant à la marge de la littérature officielle. Elles étaient perçues comme conformes aux normes imposées par le colonisateur, sans réelle autonomie créatrice.

De leur côté, les spécialistes de la littérature francophone ont longtemps cherché dans ces textes un désir de subversion, une capacité des auteurs « subalternes » à s’émanciper par l’écriture, défiant ainsi les attentes de leurs formateurs coloniaux. Cependant, les travaux de Vincent Debaene invitent à dépasser cette lecture binaire.

En articulant anthropologie et critique littéraire, il révèle que cette littérature indigène ne se réduit pas à une simple reproduction des cadres coloniaux, mais constitue une parole vivante, complexe et riche de sens, qui mérite une relecture attentive et renouvelée.

Le chercheur en littérature Vincent Debaene, chez lui, à Genève, le 5 mai 2025.

Vincent Debaene, chercheur en littérature, chez lui à Genève, le 5 mai 2025.

source:https://www.lemonde.fr/livres/article/2025/05/06/la-source-et-le-signe-vincent-debaene-rend-la-litterature-indigene-a-elle-meme_6603464_3260.html

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