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À l’occasion de son 80e anniversaire, Wim Wenders est à l’honneur dans un parcours qui mêle ruines d’après-guerre et cinéma mondial. Né à Düsseldorf, le réalisateur allemand a grandi dans un contexte où la destructions était encore présente dans le quotidien, après que deux bombes atomiques avaient été lancées sur le Japon quelques jours plus tôt. Bien que la guerre ait pris fin dans sa ville natale, les traces du conflit avaient laissé Düsseldorf en grande partie dévastée, et ce contexte a peut-être éveillé en lui le goût du “grand dans le petit” et l’attention portée aux lieux comme acteurs du récit.
Une enfance marquée par les ruines et le goût du voyage intérieur
Le jeune Wim Wenders voyait dans les ruines ce que d’autres percevaient comme destruction. « En tant qu’enfant de deux à trois ans, je traînais dans chaque cave et sur chaque tas de décombres », raconte-t-il à l’agence allemande dpa. Il était acquis à ce monde, et ces espaces devenaient pour lui des terrains d’aventure. « Ce qui m’a frappé plus tard, c’était de comprendre que l’ailleurs pouvait être plus beau — ce fut un choc », confie-t-il.
Aujourd’hui, alors qu’il souffle ses 80 bougies, Wenders est reconnu comme un réalisateur de renommée mondiale, spécialiste des films où les lieux jouent un rôle déterminant. Pour qui n’a pas vu ses œuvres, il suffit parfois de lire les titres — Paris, Texas ou Le Ciel sur Berlin — pour saisir l’importance accordée aux lieux.
Une figure lumineuse du cinéma mondial
Le parcours de Wenders est aujourd’hui célébré en Allemagne par une exposition d’envergure à Bonn, où la Bundeskunsthalle met en valeur non seulement son travail de cinéaste mais aussi ce qu’il représente: une sorte de « lumière » dans le paysage cinématographique. Cette reconnaissance témoigne de l’empreinte durable qu’il laisse dans le monde du film.
À l’aube des années 2020-2026, le réalisateur n’est pas en retrait de l’actualité: un nouveau film est attendu en 2026, un documentaire en 3D consacré à l’architecte Peter Zumthor. L’an dernier, il a de nouveau été nominé à l’Oscar pour le film Perfect Days, et il a récemment présenté le court-métrage Schlüssel der Freiheit, produit pour le ministère fédéral allemand des Affaires étrangères.
La mère espérait une carrière « bien rangée »
Wenders naît en 1945 à Düsseldorf et sa famille déménage ensuite successivement à Boppard puis à Oberhausen. Les premières images qui lui parviennent sont des reproductions de Van Gogh et de Camille Corot; très vite, il se met à dessiner lui-même. Une œuvre d’art d’enfance est même exposée lors d’une exposition à Bonn, représentant un chevalier combattant un dragon — geste que lui-même ignore qui en a conservé le souvenir.
Sa mère, loin d’être enthousiaste, avait plutôt tendance à tout jeter et ne soupçonnait pas encore les احتمités artistiques de son fils. « Ma mère voulait secrètement que je devienne quelque chose de « bien » », se souvient Wenders. L’année d’inscription initiale est marquée par des hésitations familiales: il envisage des études de médecine et de philosophie, mais décide en 1966 de partir pour Paris afin de devenir peintre. Le lieu essentiel pour lui à Paris devient la Cinémathèque française, où les classiques du cinéma tournent sans interruption, et où il paraît avoir vu plus de mille films en une année — une forme de binge-watching avant l’heure.
Des films qui conjuguent voyage et profondeur existentielle
Le cinéma finit par devenir sa forme d’art. À partir de 1967, il intègre la première promotion de l’HFF (Hochschule für Film und Fernsehen) à Munich. Avec l’adaptation du roman Die Angst des Tormanns beim Elfmeter de Peter Handke (1972), il devient l’emblème du « Nouveau Filme allemand ». Le mélancolique Paris, Texas (1984) est rapidement considéré comme un chef-d’œuvre et remporte la Palme d’or à Cannes. Le Ciel sur Berlin (1987) est une méditation iconique sur une ville alors encore partiellement divisée.
Si un genre demeure étroitement lié à son nom, c’est sans doute le road movie. Le voyage et la découverte d’autres lieux lui permettent de se découvrir lui-même — « Où que soit l’autre, c’est devenu mon thème », affirme-t-il. Et il conserve cette préoccupation tout au long de sa carrière, en l’incorporant dans sa manière de raconter.
Le tournage sans script et l’esprit d’exploration
Le voyage guide également sa relation au scénario. « La plupart des scénarios, je ne les ai pas regardés après le premier jour de tournage », confie-t-il. « Tourner selon un script, c’est plutôt reproduire que produire. Beaucoup de films deviennent alors une sorte de travail à la chaîne, ce qui ne me plaît pas. »
Pour lui, il n’est pas nécessaire de savoir ce que sera le lendemain: « Cette perspective peut effrayer beaucoup de gens, mais pas moi. » L’action suit une logique d’ouverture: le mouvement, l’exploration et l’arrachement au cadre pour tenter autre chose restent au cœur de sa pratique.
La question des outils modernes — notamment Internet — le préoccupe aussi. « Je pense qu’il est crucial de s’exposer dès l’adolescence. Sur Internet, on peut voyager partout sans être réellement présent, et cela m’effraie », lit-on dans ses propos. « Pour moi, mieux vaut un véritable terrain de jeu qu’un écran sans réalité », conclut-il, préférant l’aventure tangible à l’illusion virtuelle.
Une vie d’exploration et d’influence
La vie et l’œuvre de Wim Wenders restent ainsi marquées par une quête permanente: explorer le monde pour comprendre ce qui nous rattache à lui. Son approche du cinéma — et du processus créatif en général — invite à voir les lieux comme des vecteurs d’émotion et de sens, et à préférer l’instinct à la rigidité des protocoles.
Au-delà des récompenses et des expositions qui ponctuent son parcours, le nom de Wim Wenders demeure celui d’un réalisateur allemand qui a su faire de chaque lieu une scène, d’un voyage une réflexion, et d’un film, une expérience partagée. Son anniversaire met en lumière un destin longtemps en mouvement, toujours en quête de sens et de lumière.