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Dacia Maraini : son enfance en camp de concentration au Japon

by Sara
Dacia Maraini : son enfance en camp de concentration au Japon
Italie, Japon

Quand ses yeux bleus croisent les vôtres, c’est un pan d’histoire qui vous regarde. Dacia Maraini, à 88 ans, incarne une vie traversée par la création littéraire, l’engagement et des épreuves profondes. Son enfance au Japon durant la Seconde Guerre mondiale, où elle fut internée dans un camp réservé aux Italiens antifascistes, constitue un chapitre poignant de son existence qu’elle dévoile dans son ouvrage Vita Mia, publié aux éditions Payot.

Dacia Maraini en février 2024

« Traîtres à la patrie » : un souvenir douloureux

En septembre 1943, la famille Maraini vit à Kyoto. Fosco Maraini, anthropologue et écrivain reconnu, enseigne à l’université. Face à la pression des autorités japonaises, alliées à l’Allemagne nazie et à la République Sociale Italienne de Mussolini, il doit choisir son camp. Lui et son épouse Topazia, aristocrate sicilienne, refusent de faire allégeance au régime fasciste.

Cette décision courageuse leur vaut d’être internés, avec leurs trois filles, dans un camp de concentration à Tempaku, en périphérie de Nagoya, réservé aux Italiens considérés comme « traîtres à la patrie ». Un destin partagé par dix-huit autres Italiens alors présents au Japon.

Résistance et épreuves dans le camp

Dacia Maraini évoque la réaction de ses parents face aux critiques : « Beaucoup ont reproché à mes parents d’avoir mis nos vies en danger. Moi, jamais. Ils m’ont montré un exemple d’esprit de résistance et la valeur suprême de la fidélité à ses convictions, même au prix de la souffrance. »

La vie dans le camp est marquée par des conditions extrêmes. Les enfants, gravement affaiblis par le scorbut et le béribéri, vivent dans un espace restreint, avec l’interdiction de s’allonger ou de s’asseoir contre les murs. Pour Dacia, la mémoire sensorielle est vive : elle se souvient avoir joué avec des cailloux qu’elle imaginait être de la nourriture et même avoir avalé des fourmis en cachette, affrontant la peur de sa mère.

Elle décrit la douleur du scorbut : insomnies, baisse de la vue, affaiblissement général. « Il faut penser à ce que vivent les enfants en temps de guerre. C’est effroyable », confie-t-elle.

Dacia Maraini

Une mémoire vivante face aux violences répétées

Face aux guerres contemporaines, notamment en Ukraine et à Gaza, et à la montée de courants extrémistes en Italie, Dacia Maraini perçoit l’histoire comme un cycle. « Le temps n’est pas une ligne droite, mais un cercle où l’on revient sans cesse à la cruauté des hommes », explique-t-elle, évoquant la persistance des violences et des exclusions.

Elle se souvient des gardiens japonais qui les traitaient comme des traîtres, bien que ce soient des enfants. Cette expérience a profondément marqué sa vision de la culture japonaise et du temps.

Les figures marquantes de sa vie

En 2022, elle publie Caro Pier Paolo, un hommage à son ami Pier Paolo Pasolini, poète et cinéaste complexe et engagé. Pour elle, les défunts restent présents dans la vie quotidienne, permettant un dialogue invisible mais vivant. Elle décrit Pasolini comme un homme de vérité, courageux dans ses combats personnels et politiques, notamment son homosexualité et son opposition au pouvoir.

Dacia Maraini évoque aussi l’ombre mystérieuse entourant la mort de Pasolini, affirmant que la version officielle est fallacieuse et que l’écrivain connaissait des vérités dérangeantes.

Par ailleurs, l’écrivain italien Alberto Moravia, avec qui elle a partagé une relation amoureuse, reste une figure clé. « Il a été le premier existentialiste européen, un auteur fondamental », souligne-t-elle, précisant qu’elle a cependant tracé sa propre voie littéraire.

Vita Mia, traduction de Marc Lesage, Éditions Payot, 192 pages, 19 euros.

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