Table of Contents
Playtime, Jacques Tati : l’histoire de ce film a transformé un triomphe du cinéma français en fiasco financier, puis en réhabilitation culturelle ; ici, le destin de Playtime et la création de « Tativille » sont racontés tels qu’ils ont été relatés dans le documentaire d’Adrien Morat.
Playtime, Jacques Tati et Tativille : un projet audacieux en 70 mm
Au début des années 1960, Jacques Tati est au sommet de sa gloire. En trois films seulement, il s’est imposé comme le maître français du burlesque ; à l’instar de Charlie Chaplin et de son Charlot, Jacques Tati a son Monsieur Hulot — un personnage identifiable à son imperméable, sa pipe, son pantalon court et sa démarche inimitable de grand dadet, marchant sur la pointe des pieds et toujours un peu dans la lune. Après trois succès commerciaux et critiques et un Oscar du meilleur film étranger pour Mon Oncle, Tati se lance dans Playtime.
Pour ce film audacieux tourné en 70 mm, le réalisateur imagine un décor monumental que la presse surnomme rapidement « Tativille ». Le plateau est une création en grandeur réelle ; sa construction exige le travail de centaines d’ouvriers. Tati, que son équipe appelle « Tatillon », orchestre chaque plan dans ses moindres détails, au point que le tournage s’éternise et que le coût de production explose.
Considéré à l’époque comme l’un des films les plus chers, Playtime se heurte à un marché où d’autres productions rencontrent un succès populaire écrasant. À titre d’exemple, La Grande Vadrouille, avec Bourvil et Louis de Funès, totalisa 17 millions d’entrées au box-office — un contraste brutal avec l’accueil réservé à Playtime.
Après la sortie : faillite et redécouverte
La réception commerciale et critique de Playtime est, à sa sortie, un échec. Le film, malgré son ambition formelle et la monumentalité de son décor, ne trouve pas son public et entraîne Jacques Tati vers la faillite, plombant la suite de sa carrière. Ce renversement de fortune marque durablement le parcours du réalisateur.
Pourtant, au fil des décennies, l’image de Playtime a changé : le film est désormais considéré comme l’un des chefs-d’œuvre du cinéma français et du cinéma mondial. Cette réévaluation met en lumière la singularité de la démarche de Tati — un auteur soucieux du moindre détail visuel et sonore, cherchant à capter le comique dans les aménagements de l’espace urbain et dans les interactions humaines au sein de décors hypermodernes.
Le récit de cette aventure tatinesque est retracé dans un documentaire d’Adrien Morat, qui s’appuie notamment sur les travaux et l’expertise de Stéphane Goudet, critique et historien du cinéma et maître de conférences à l’université Paris I. Goudet a documenté longuement l’œuvre de Tati, notamment dans deux ouvrages : Playtime (avec François Ede, Éditions Cahiers du Cinéma, Paris, 2002) et Jacques Tati, de François le facteur à Monsieur Hulot (Éditions Cahiers du Cinéma, Paris, 2002).
Documents, musiques et équipe évoqués
Le documentaire et les travaux cités rassemblent plusieurs sources documentaires et éléments sonores qui accompagnent la compréhension de Playtime :
- Ouvrages : les deux titres de Stéphane Goudet mentionnés ci‑dessus.
- Discographie citée : Boris Vian — Complainte du progrès (1956), Francis Lermarque — Play time : manège (2008), Keren Ann — Paris amour (2025).
Parmi les mentions de production et de l’équipe figure une liste de fonctions évoquées dans le documentaire : journaliste et comédien français, réalisation, programmation musicale, production déléguée, chargé(e) de programme, attaché(e) de production, auteur. Ces crédits reflètent la pluralité des métiers mobilisés pour raconter la genèse et la postérité du film.
Un héritage complexe pour le cinéma français
Playtime illustre la tension entre ambition artistique et contraintes industrielles : filmé en 70 mm sur un plateau conçu comme une ville réelle, il montre la volonté de Tati de renouveler le langage cinématographique et de proposer une expérience sensorielle et visuelle hors norme. Mais cette audace a eu un coût immédiat et dramatique pour le réalisateur, qui en subit les conséquences financières et professionnelles.
La relecture contemporaine de Playtime, qui le place désormais parmi les grands films du XXe siècle, témoigne d’une capacité du public et des critiques à redécouvrir certaines œuvres hors du temps de leur sortie. Le documentaire d’Adrien Morat et les travaux de Stéphane Goudet participent à cette réhabilitation, en restituant le contexte de création, les choix esthétiques et l’ampleur du projet « Tativille ».
Invités et contributions citées
Dans le cadre du documentaire et des ressources présentées :
- Invité : Stéphane Goudet, critique et historien de cinéma, maître de conférences en cinéma à l’université de Paris I.
- Documentaire : Adrien Morat (réalisation).