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Disney : Un Siècle d’Opportunisme Économique et de Diversification

by Sara
Disney : Un Siècle d'Opportunisme Économique et de Diversification
France, États-Unis, Émirats Arabes Unis

Disney s’est imposé comme un géant mondial du divertissement grâce à sa diversification constante, tout en se mettant au service de valeurs consuméristes, au risque de sacrifier la créativité artistique.

Des résultats impressionnants

Disney ne connaît pas la crise. Après cent ans d’existence, ses résultats du deuxième trimestre 2025 révèlent un chiffre d’affaires de 21,6 milliards d’euros, soit une augmentation de 7 % par rapport à l’année précédente. Le bénéfice net atteint 2,8 milliards d’euros.

« Disney ne veut plus jamais vivre les périodes de difficultés économiques qu’elle a subies à différents moments de son histoire, notamment lorsqu’au début des années 1980 planait la menace d’un rachat par Coca-Cola », rappelle Olivier Cotte, historien du cinéma d’animation et auteur de Walt Disney : l’homme qui rêvait d’être un enfant (Perrin, 2024).

Une créativité en déclin

Le revers, c’est que le groupe ne prend désormais plus de risque artistique dans le cinéma, se contentant de produire des suites sans grand intérêt. Il est passé de l’esprit aventurier à l’esprit commerçant. Cette année, son remake de Blanche-Neige a d’ailleurs essuyé des critiques assassines : un « désastre total », selon nos confrères de Télérama.

Une stratégie de diversification

Mais Disney voit bien au-delà des films : depuis les années 1950, toute sa stratégie repose sur la diversification. « Disney a transformé l’industrie du divertissement à l’échelle mondiale en perfectionnant un modèle de production culturelle verticalement intégré », souligne Joseph Zornado, professeur à Rhode Island College et auteur de Disney and the Dialectic of Desire : Fantasy as Social Practice (Palgrave MacMillan, 2017).

« Si Walt Disney n’avait pas créé son premier parc en 1955, l’entreprise aurait mis la clé sous la porte. Pour financer ce parc, Disney avait même créé une émission, le Disney Club, sur la chaîne ABC, qui a été sa première incursion dans la télévision », précise Olivier Cotte. Aujourd’hui encore, la rentabilité de l’entreprise repose principalement sur ses douze parcs d’attractions dans le monde. En 2024, ils ont représenté 31,1 milliards d’euros de revenus, contribuant à 59 % du bénéfice de Disney.

Entre parcs d’attractions et croisières

Disneyland Paris, l’attraction touristique la plus visitée d’Europe, a néanmoins enregistré en 2024 une baisse de 50 % de son bénéfice. Le parc a connu en 2023 une grève importante, son personnel réclamant de meilleures conditions de travail et une revalorisation des salaires. Outre-Atlantique, la santé des complexes est florissante : même les tensions entre les États-Unis et plusieurs pays, ainsi que le ralentissement économique, n’ont pas eu d’impact sur la fréquentation.

Le prochain parc devrait ouvrir entre 2030 et 2033 à Abu Dhabi. L’objectif est d’attirer la population du Moyen-Orient et du sous-continent indien. Avec un risque économique limité pour Disney, qui n’apportera aucun capital, le projet étant financé par le groupe émirati Miral, mais supervisera le développement et percevra des frais de service et des redevances pour permettre l’utilisation de ses marques.

Des contradictions notables

Le New York Times met toutefois en garde : ce projet « pourrait exposer la marque tant vantée à des critiques ». Les Émirats arabes unis sont en effet pointés du doigt pour leurs atteintes aux droits de l’homme et pour leurs ventes d’armes aux paramilitaires au Soudan.

Mais Disney n’est pas à une contradiction près. Tout en diffusant dans ses dessins animés des messages écologistes, le groupe développe des croisières sur des paquebots géants. Cette année, il a lancé son huitième navire, le Disney Adventure, un parc d’attractions flottant de 342 mètres de long, pouvant accueillir 6 000 personnes. Pour Joseph Zornado, « les parcs à thème, les croisières, les complexes touristiques sont au cœur du projet Disney : organiser le désir à travers le temps et l’espace, et servir la société de consommation. Le fantasme Disney permet à la supercherie capitaliste de se déployer et de polluer le monde ».

Disney+ en croissance rapide

Même si sa part est plus limitée dans les résultats du groupe (représentant, en 2024, 11,4 % du chiffre d’affaires global), la plateforme de streaming Disney+ connaît une croissance rapide. Au deuxième trimestre 2025, elle a enregistré une hausse du nombre d’abonnés de 1,4 million, pour s’établir à 126 millions, bien que cela reste loin des 300 millions d’abonnés de Netflix.

Pour conquérir de nouveaux abonnés en France, la plateforme a profité cette année de la renégociation sur la chronologie des médias, qui a fait avancer la fenêtre de diffusion des films (neuf mois après leur sortie, contre dix-sept mois jusqu’alors). Elle mise aussi sur l’exclusivité : depuis janvier, Canal+ ne peut plus diffuser ses contenus. L’atout de Disney+, c’est son catalogue, bien au-delà des films estampillés à son nom. Au fil des années, l’entreprise a racheté Pixar, Marvel, et Lucasfilm.

Une créativité bridée

Mais ces rachats en cascade ont un impact sur la production artistique. « Depuis son acquisition par Disney, Pixar a complètement changé d’esprit. Nous n’avons plus du tout la même liberté, nous devons rendre en permanence des comptes à nos responsables. Cela bride la créativité », confie une ancienne employée de Pixar.

« Tout est extrêmement contrôlé et verrouillé chez Disney », déclare Olivier Cotte. En 2024, les revenus générés par les films (les recettes au box-office, les droits de distribution…) n’ont représenté que 2,6 % du chiffre d’affaires global de Disney. On est loin des débuts de l’entreprise, qui misait alors uniquement sur les films d’animation.

Un discours figé

Le premier âge d’or correspond aux années 1930 et début 1940 (Bambi sort en 1942). Après-guerre, faute de renouvellement des équipes, les films Disney perdent déjà une grande part de leur attractivité. Au moment de l’essor de la contre-culture dans les années 1970, Disney n’est plus dans l’air du temps. Il faudra attendre les années 1990 pour que la marque retrouve un moment son attrait, notamment avec Le Roi Lion. Mais depuis lors, le groupe vit sur son héritage et ses acquisitions.

Pour Olivier Cotte, « Disney ne crée plus mais se contente de racheter des marques ». En un siècle, le discours délivré par les films n’a que peu évolué.

Un opportunisme inquiétant

« Disney a constamment promu une vision de la société fondée sur un individualisme idéalisé. Alors qu’on est passé du fordisme au post-fordisme, puis au capitalisme néolibéral, Disney a mis à jour ses esthétiques, en diversifiant ses personnages, mais continue à éviter toute réelle critique sociale », analyse Joseph Zornado.

Après avoir défendu les valeurs d’inclusivité dans ses derniers films, Disney change de braquet depuis la réélection de Donald Trump. Les messages d’avertissement avant le début des films sont abrégés, et son programme Reimagine Tomorrow, destiné à amplifier les voix sous-représentées, est supprimé. Dans un monde marqué par la montée de l’extrême droite, l’opportunisme économique de Disney inquiète car la marque contribue à façonner les imaginaires.

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