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En août 2003, durant la canicule la plus meurtrière que la France ait connue, le ministre de la Santé de l’époque, Jean-François Mattei, apparaît en polo dans sa maison de vacances du Var, ce qui a suscité une vive polémique. Cette image reste gravée dans les mémoires des politiques qui lui ont succédé, symbolisant un « traumatisme » pour les ministres de la Santé.
Un moment marquant
Lors de son intervention au journal de 20H00, Jean-François Mattei déclare : « Je ne pense pas du tout qu’il y ait eu de sous-estimation (…) Cette canicule n’était pas prévisible ». Il affirme également que « le travail est fait, et croyez-moi, il est bien fait ». Cependant, cette vague de chaleur historique a causé environ 15 000 morts, déclenchant une tempête politique sans précédent.
Les conséquences du syndrome Mattei
François Braun, ancien ministre de la Santé de 2022 à 2023, témoigne des effets durables de cet événement : « Pour les ministres de la Santé successifs, ça a été certainement une espèce de traumatisme ». Il se souvient de l’écart entre les discours rassurants du ministre et la réalité sur le terrain. « On avait des malades partout, et entendre le ministre dire ça, on ne comprenait pas », déplore-t-il.
Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France, évoque également la situation « catastrophique » dans les hôpitaux à l’époque, soulignant l’attitude « désinvolte » de Mattei face à la crise. « Vous vous dites, le mec ne comprend pas que là, tout le monde est en train de crever », confie-t-il.
Une leçon en communication
L’épisode de 2003 est devenu un « cas d’école de non-communication de crise », selon les experts. Les températures extrêmes, dépassant les 40°C dans plusieurs villes comme Toulouse et Bordeaux, ont mis en lumière les dysfonctionnements des services de santé. Jean-François Mattei a été critiqué pour sa gestion, avant d’être remplacé en mars 2004 par Philippe Douste-Blazy.
Une ancienne conseillère gouvernementale a souligné que Mattei aurait dû se rendre à l’hôpital près de son lieu de vacances, affirmant qu’il est arrivé trop tard. « On a l’impression d’un retard à l’allumage », dit-elle.
Un changement de stratégie
Depuis le syndrome Mattei, les ministres de la Santé ont appris à anticiper les crises. Les visites sur le terrain sont désormais planifiées à l’avance, près des lieux de vacances des ministres, afin de pouvoir réagir rapidement en cas de canicule. Emilie Zapalski, communicante, note : « Il y a toujours cette idée de faire attention, de ne pas être pris au dépourvu ».
Le Premier ministre de l’époque, François Bayrou, avait également reporté un déplacement pour se concentrer sur la canicule, tandis que la ministre actuelle de la Santé, Catherine Vautrin, a multiplié les conseils, allant jusqu’à boire un verre d’eau devant les caméras pour sensibiliser le public.
Un défi persistant
Malgré les leçons tirées, des défis demeurent. Emilie Zapalski déplore les coupes budgétaires dans les hôpitaux, affirmant : « C’est bien de faire un grand raout en termes de communication, mais il serait préférable d’avoir les moyens de prendre en charge les gens au niveau des urgences. » Entre 2003 et 2021, 75 000 lits d’hospitalisation ont fermé, selon un rapport de la Drees.
La communicante conclut en soulignant que si l’on apprend à gérer la communication pendant les crises, il reste encore beaucoup à faire pour aborder les problèmes de fond en dehors des périodes de crise.