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Des cris, des larmes, puis un claquement sec sur les fesses. Cette scène, malheureusement banale dans de nombreux foyers à travers le monde, soulève pourtant des questions cruciales. Selon une série d’études récentes, la fessée pourrait engendrer des conséquences invisibles mais durables sur le cerveau et le comportement des enfants. De l’Amérique du Nord au Japon, les recherches mettent en lumière des effets neurologiques, cognitifs et émotionnels inattendus.
Pourquoi cette pratique, encore largement banalisée, continue-t-elle de susciter autant de débats ? Après avoir analysé neuf études scientifiques publiées ces dix dernières années, voici ce que révèlent les données sur les effets cachés de la fessée.
Des modifications visibles dans le cerveau des enfants
Ce qui frappe en premier dans ces recherches, c’est la similarité entre les effets de la fessée et ceux de formes plus sévères de maltraitance. Une étude menée en 2021 par Jorge Cuartas a utilisé l’imagerie cérébrale pour observer les réactions d’enfants soumis à cette pratique. Le verdict est clair : leur cerveau présente une activité anormalement élevée dans le cortex préfrontal face à des signaux de menace.
Autrement dit, leur système de détection du danger est en alerte permanente, comme s’ils vivaient dans un environnement violent. Ce phénomène révèle que la fessée n’est pas anodine sur le plan neurologique.
Par ailleurs, la fessée affecterait certaines fonctions exécutives du cerveau. Une analyse longitudinale de 2023 conduite par Jeehye Kang a montré que les enfants ayant subi des fessées dès leur jeune âge présentent un moindre contrôle inhibiteur et une flexibilité cognitive réduite. Bien que leur mémoire de travail ne soit pas affectée, leur capacité d’adaptation et de régulation émotionnelle semble clairement altérée.
Ces résultats démontrent que la fessée modifie la manière dont un enfant perçoit son environnement, ses pairs et lui-même, bien au-delà d’une simple punition passagère.
Une spirale comportementale et émotionnelle bien réelle
Au-delà des effets neurologiques, plusieurs études pointent des troubles comportementaux liés à la fessée. En 2013, une analyse de C. Ferguson a établi des corrélations robustes entre la fessée et des comportements agressifs, de l’anxiété ainsi qu’une faible performance cognitive. Si ces effets semblent modestes sur le plan statistique, leur accumulation au fil du temps a un impact important.
Une méta-analyse de 2016 réalisée par Elizabeth T. Gershoff et Andrew Grogan-Kaylor affirme que les conséquences de la fessée sont comparables à celles d’actes de maltraitance physique plus graves. Quelle que soit la rigueur scientifique des études, la fessée reste associée à des issues négatives durables.
Ces effets perdurent jusqu’à l’adolescence. Une étude canadienne de 2021 révèle que les adolescents ayant reçu des fessées dans leur enfance présentent plus de troubles mentaux et physiques. Ils manifestent aussi une tendance accrue à défier l’autorité, à consommer alcool ou drogues, voire à avoir des idées suicidaires.
Cette tendance est observable aussi dans les pays à revenu intermédiaire. L’équipe de Garrett Pace a examiné 62 pays et montré que dans 59 d’entre eux, la fessée est liée à un score socio-émotionnel plus bas chez les enfants de 3 à 4 ans, témoignant d’une détérioration du développement affectif global.
Une violence éducative banalisée, aux effets minimisés
Pourquoi cette pratique persiste-t-elle malgré ses effets néfastes ? Une étude japonaise de 2017 a suivi des enfants de la petite enfance à l’âge scolaire et constaté un risque accru de troubles du comportement chez ceux exposés fréquemment à la fessée. Pourtant, cette forme de discipline est souvent perçue comme normale, voire nécessaire, dans certains contextes culturels.
Le consensus scientifique évolue toutefois rapidement. En 2017, Tracie Afifi a proposé de classer la fessée comme une « expérience adverse de l’enfance » (ACE), au même titre que les abus ou la négligence. Cette classification repose sur le lien établi entre la fessée et une augmentation significative du risque de dépression, d’alcoolisme, et même de tentatives de suicide à l’âge adulte.
Il ne s’agit pas de condamner toute discipline, mais de souligner que la violence physique, même légère et sporadique, a un coût. D’autres méthodes éducatives, plus respectueuses et efficaces, existent pour faire respecter les règles sans nuire au développement de l’enfant.