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Une double exposition rend hommage au plasticien genevois de 76 ans, à travers un aperçu de travaux couvrant plus de cinq décennies de carrière artistique.
En bref :
– John Armleder, 76 ans, a consacré sa vie entière à l’art contemporain.
– L’exposition «Soubresauts» illustre cinquante ans de création artistique.
– Les œuvres explorent souvent le hasard, l’appropriation et la répétition.
John Armleder : Un parcours artistique riche
Il se demande, en s’asseyant dans le fauteuil, si les vieux messieurs prennent aussi bien l’âge que les bons vins. Mais ses pattes ont beau le trahir parfois quelque peu, sa pensée et son verbe demeurent d’une vigueur printanière. Né à Genève en 1948, John Armleder a voué toute son existence à l’art. Actuellement, certaines de ses pièces sont exposées dans divers musées de la ville, mais il est à noter qu’il n’avait pas eu d’exposition monographique dans sa ville natale depuis longtemps.
En lui offrant conjointement leurs cimaises dans le quartier des Bains, Olivier Varenne et Balthazar Lovay rendent hommage à une figure qui a joué un rôle crucial pour plusieurs générations d’artistes helvétiques. Baptisé «Soubresauts» – un titre qui évoque le mouvement entre ses œuvres – ce double accrochage propose un aperçu de travaux qui ont jalonné une carrière longue de plus de cinquante ans.
Réalisations sur papier
Du côté de la rue des Bains, Varenne fait la part belle aux réalisations sur papier. Couvrant une période allant de 1967 à 2023, aquarelles, collages, lithographies, dessins à l’encre ou au crayon renvoient à divers moments clés de la production pléthorique de John Armleder. Une série de petites pièces datant de 1967, réalisées le matin avant d’aller à l’école, évoquent clairement les inspirateurs du début, à l’instar de Paul Klee ou Kazimir Malevitch.
«Klee était incontournable pour le tout jeune artiste suisse que j’étais à cette époque-là, souligne le Genevois. Les mouvements du Bauhaus et du suprématisme étaient ceux qui m’impressionnaient le plus.» C’est au MoMA (Musée d’art moderne de New York), devant le «Carré blanc sur fond blanc» de Malevitch, qu’il a vécu, à l’âge de 8 ans, sa deuxième Épiphanie artistique.
Il s’en amuse aujourd’hui : «J’avais 3 ans, j’en ai eu les larmes aux yeux et ma vision toute floue m’a gâché la visite des Giotto, après!» Armleder évoque un moment clé de son parcours lorsque, âgé de 12 ans, il assiste à un festival de musique contemporaine en Allemagne et déclare à John Cage qu’il veut devenir peintre, ce qui provoque un immense éclat de rire.
Coulures et flaques
Accrochée derrière le bureau, une gouache de 1980 représentant deux chaises et une canne sur fond bleu rappelle les «Furniture sculptures». Commencée à la fin des années 1970, cette série installative dialogue avec des pièces de mobilier ou des instruments de musique et des tableaux abstraits. Deux sérigraphies iridescentes rappellent les «Pour paintings», qui laissent au hasard le tracé des couleurs déversées sur des toiles tenues à la verticale.
Cette idée de remettre l’art sous le signe de la chance et de l’accident traverse toute la pratique d’Armleder. Des œuvres, comme «Quelques objets volants» (1967-1975), présentent des boîtes en bois contenant diverses babioles qui se déplacent au gré du mouvement.
Un autre groupe d’œuvres assemble des cartes à jouer trouvées lors de promenades urbaines depuis 1967. «La plupart étaient conservées dans un carton à chaussures qui a ressurgi en mai, sourit Balthazar Lovay. Cela faisait des années que John les cherchait!» Ces pièces démontrent l’obsession d’Armleder pour l’appropriation, la collecte et la répétition.
Une exposition à ne pas manquer
«Soubresauts» permet de survoler le parcours foisonnant d’un Armleder plus adepte de la persistance que des cycles. «Pour expliquer cela, je prends souvent l’exemple d’artistes illustres, dont je ne suis pas, raconte-t-il. Picasso ou Mondrian ont eu leurs périodes et c’est ainsi qu’on les classe. D’autres, comme Picabia, ont décliné leur style toute leur vie, parfois en le dégradant. Je me sens beaucoup plus proche de cette idée que de celle de faire une chose après l’autre.»
«John Armleder: Soubresauts», jusqu’au 24 mars 2025 à la galerie Olivier Varenne (37-39 rue des Bains) et chez Lovay Fine Arts, 4, rue des Sablons.