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Dans l’économie suisse, le rôle des grands-mères dépasse souvent celui de simple soutien familial. En effet, beaucoup d’entre elles s’occupent de l’éducation des enfants et des tâches ménagères, contribuant ainsi à maintenir la dynamique économique du pays. Comment cette contribution est-elle perçue et quelle est sa pérennité ?
Une vie dédiée aux petits-enfants
«Oma, plus vite !» s’exclame Arthur, quatre ans, pressant sa grand-mère de mettre sa petite sœur dans la poussette et de donner un bon coup de balancement à la balançoire. Une autre grand-mère intervient pour aider, car sa petite-fille s’amuse dans le bac à sable. Arthur rit aux éclats.
Les grands-mères échangent leurs expériences. L’une, venue de la Forêt-Noire, révèle qu’elle se lève deux fois par semaine à l’aube pour prendre le bus et le train jusqu’à Zürich Höngg, où elle passe huit heures à s’occuper d’Arthur et de sa sœur avant de rentrer chez elle le lendemain matin.
Un engagement souvent nécessaire
Une autre grand-mère, originaire d’Aarau, met 35 minutes pour rejoindre son fils. Elle garde sa petite-fille une fois par semaine, mais prévoit d’augmenter son aide au printemps, lorsque la nouvelle sœur arrivera. Elle avoue : «Mon mari dit que je fais trop, mais je me sens obligée d’aider mon fils et sa famille.»
Ce n’est pas un cas isolé. Partout en Suisse, des milliers de femmes âgées continuent de jouer un rôle actif dans la vie familiale, poussées par l’amour, l’affection et un sens profond du devoir. Que ce soit par habitude ou nécessité financière, leur engagement reste constant, même si les rires des enfants cachent la réalité du travail qu’elles accomplissent.
Une aide indispensable pour les familles
«Je dois me désinscrire quatre semaines à l’avance si je veux un jour de congé», explique la grand-mère de la Forêt-Noire. La grand-mère d’Aarau acquiesce : «Quand je dis que nous sommes une semaine au Tessin, et que je vois ma belle-fille s’affoler au téléphone, cela me fait culpabiliser.»
Dans une ferme près du Greifensee, Maya Cajöri, une psychologue pour enfants de 64 ans, a difficilement refermé la porte du dortoir. Les jumeaux de 18 mois dorment, tandis que les deux autres, âgés de sept ans, viennent de rentrer de l’école et peuvent utiliser leurs iPads pendant une demi-heure. Maya prend une grande respiration, fatiguée par une matinée riche en émotions.
Une réalité souvent ignorée
Une étude récente du Berner Generationenhauses révèle que deux tiers des grands-parents en Suisse considèrent la garde d’enfants comme une opportunité précieuse pour renforcer les liens familiaux. Près de 25 % d’entre eux souhaitent éviter les garderies externes. Cependant, des statistiques plus frappantes montrent que 42 % des grands-parents aident leurs enfants afin qu’ils puissent travailler, et 11 % le font parce que les parents ne peuvent pas se permettre d’autres solutions de garde.
La contribution des grands-parents constitue une base invisible de l’économie suisse. Sans leur aide, de nombreuses familles seraient incapables d’élever des enfants, entraînant une pénurie de travailleurs sur le marché. De plus, leur travail non rémunéré freine le développement d’une garde d’enfants subventionnée par l’État, car beaucoup de familles parviennent à se débrouiller ainsi.
La question de l’égalité des chances
Il existe une inégalité croissante entre les familles qui bénéficient de l’aide des grands-parents et celles qui doivent payer pour la garde d’enfants. Un père dont les parents vivent en Norvège remarque : «La plus grande disparité sociale est entre les parents ayant des grands-parents à proximité et ceux qui doivent tout financer eux-mêmes.»
Bien que les grands-mères suisses apprécient la relation intime qu’elles entretiennent avec leurs petits-enfants, elle ne peuvent pas envisager qu’une personne étrangère, même bien formée, puisse remplacer cette proximité.
Les défis de la garde d’enfants
Une recherche de 2021 révèle qu’un tiers des enfants suisses sont gardés chaque semaine par leurs grands-parents ou des voisins, plaçant ainsi la Suisse parmi les leaders européens en matière de garde informelle. Contrairement aux crèches, dont le coût peut s’élever à plusieurs milliers d’euros par mois, la garde par les grands-parents est généralement gratuite.
«Je n’aurais jamais l’idée de demander de l’argent à mes deux fils», affirme Maya Cajöri. La plupart des grands-mères interrogées refusent d’être rémunérées pour leur aide, bien qu’elles se montrent ouvertes à des solutions comme des crédits d’impôt ou des augmentations de retraite qui ne pèsent pas sur leurs enfants.
Vers une nouvelle phase de vie
Maya, qui garde également son petit-fils de deux ans chaque mardi, prévoit de réduire son engagement à partir de janvier 2025, se concentrant sur une aide ponctuelle plutôt que régulière. Elle et son mari Christoph souhaitent retrouver du temps pour eux-mêmes, tout en restant disponibles pour leurs petits-enfants lorsque nécessaire.
Dans une ère où de plus en plus de femmes choisissent d’avoir des enfants plus tard, la question de la disponibilité des grands-parents se pose de manière cruciale. L’étude du Berner Generationenhauses montre que 57 % des grands-parents de 56 à 65 ans voient leurs petits-enfants chaque semaine, alors que ce chiffre tombe à 26 % chez les plus de 75 ans.
Une dépendance économique et affective
La charge des grands-parents dans l’économie familiale est immense, mais elle est souvent sous-évaluée. Les grands-mères comme Maya et Maria, qui consacrent leur temps à leurs petits-enfants, ressentent une pression considérable, mais également une immense satisfaction. Elles sont conscientes de l’impact de leur aide, tant sur le bien-être de leurs familles que sur l’économie suisse.
«Je suis très heureuse de cette période intense avec mes petits-enfants», confie Maya. «Mais pour être honnête, je suis aussi contente que cela devienne bientôt un peu moins fréquent.»