Table of Contents
Les Enfants de Gaza Victimes du Froid : Une Tragédie Annuelle
Gaza – Un père porte sa petite fille dans ses bras, la serrant contre son cœur avec toute la force qu’il possède, courant d’un pas pressé vers l’hôpital, s’accrochant à l’espoir que les médecins le rassureront. Aïcha, qu’il surnomme « le croissant de lune », est inanimée dans ses bras, ses yeux grands ouverts mais sans vie. Adnan Al-Qassas court plus d’un kilomètre, défiant le froid de l’aube et la douleur de son cœur, pour finalement être accueilli par un médecin qui lui annonce un verdict dévastateur : « Que Dieu te console, le cœur de ta fille est arrêté depuis plus d’une heure. »
Adnan crie : « Oh Aïcha, je n’ai pas encore eu la chance de me réjouir avec toi, lève-toi pour jouer, ma chérie! »
Une Nuit Tragique
Aïcha était la joie tant attendue d’Adnan après quatre garçons. Maintenant, il se retrouve à porter son corps froid, tout comme il a transporté les corps des martyrs vers les morgues de l’hôpital Nasser pendant la guerre. Il confie à Al Jazeera : « Je n’aurais jamais imaginé que le corps de ma fille serait parmi ces cadavres que je transporte. »
Adnan se souvient de cette « nuit noire » qui a bouleversé sa vie, vivant dans une tente sur la plage de Khan Younès avec sa famille, l’eau de pluie s’infiltrant dans leur abri précaire. Alors qu’il regroupe ses quatre enfants au centre de la tente, sa femme tient la petite Aïcha contre elle. « Les extrémités d’Aïcha sont très froides », dit-elle à son mari, qui essaie de l’envelopper avec les restes de couvertures sèches. Après la tempête, ils s’endorment, mais à l’aube, Adnan découvre que sa fille est rigide, ses yeux ouverts semblant le regarder sans vie.
La Peur et la Souffrance Persistentes
La mère d’Aïcha est encore sous le choc et pleure continuellement les vêtements de sa fille. Pour Adnan, le froid est devenu un spectre qui le hante, lui faisant craindre pour ses autres enfants, redoutant la mort, que ce soit par les bombardements, le froid ou les morsures des chiens errants, après plusieurs attaques nocturnes contre leur tente.
Adnan, comme des milliers d’autres pères dans la bande de Gaza, se sent impuissant, accablé par la douleur de sa fille emportée par le froid. Ses mots résonnent dans sa mémoire : « Assez de pertes, arrêtez la guerre… Elle nous vole tout. »
Aïcha n’était pas la seule enfant victime du froid ; Sila Al-Fasi a à peine survécu trois semaines avant que son corps ne cède à l’âpreté de la pauvreté et de la souffrance.
Des Tragédies Multiples
Un matin, la mère de Sila réveille son mari pour allumer du bois afin de chauffer de l’eau pour le biberon de leur fille. Alors qu’il attend que l’eau bout, il va jouer avec Sila, mais il découvre un spectacle déchirant : « Un corps bleu, des mains raides comme si elles appelaient à l’aide, la mort l’a emportée sans avertir, d’une froideur inattendue. »
Le père de Sila, qui a tout perdu à Gaza avant de fuir vers Mawasi Khan Younès, explique : « Nous vivions dans une maison chaude, mes enfants dormaient dans de grandes chambres, avec des armoires pleines de vêtements. Aujourd’hui, ils n’ont plus que deux vêtements chacun, malgré leur besoin crucial de s’en vêtir, surtout vivant sur le sable. »
Il ajoute : « Nous nous enveloppons de tissus qui ne nous protègent en rien, le froid ronge nos os. » Il conclut avec une lamentation poignante : « Nous en avons assez de cette vie d’humiliation, nous sommes des déplacés sans abri, malades et mendiants, notre vie est un cauchemar sans fin ! Assez ! »
Une Alarme Sanitaire
Les histoires des trois enfants rapportées par Al Jazeera ne sont pas uniques ; elles ne sont qu’une partie d’une tragédie plus profonde. Cette saison, sept enfants sont décédés pour la même raison, un chiffre sans précédent par rapport aux saisons précédentes, où il n’y avait généralement qu’une seule mort par saison.
Le Dr Ahmad Al-Fara, chef du service pédiatrique de l’hôpital Nasser, indique qu’ils ont reçu, en seulement cinq jours, des cas de décès d’enfants nouveau-nés dont les corps n’ont pas supporté le froid. Il souligne que les causes incluent un manque de glycogène comme source d’énergie, l’absence de graisse sous-cutanée, et la rapidité avec laquelle leurs corps perdent la chaleur.
Il explique que l’hypothermie provoque le rétrécissement des vaisseaux sanguins et des troubles du rythme cardiaque, pouvant aller jusqu’à l’arrêt cardiaque complet. Le Dr Al-Fara révèle que l’hôpital reçoit quotidiennement 4 à 5 cas similaires, traités d’urgence pour sauver ce qui peut l’être.
Il met en garde contre les dangers de laisser les enfants dans les tentes, conseillant aux mères d’adopter des mesures pour préserver la vie de leurs enfants, comme la position « kangourou » qui repose sur le contact direct entre la mère et l’enfant pour le réchauffer, en s’assurant de sceller toutes les ouvertures des tentes et en plaçant un isolant au sol où l’enfant dort. L’utilisation de film plastique pour envelopper l’enfant du bas des pieds jusqu’à la poitrine est également recommandée en cas d’absence de vêtements adaptés.
Un Appel à la Vigilance
Le Dr Al-Fara insiste sur l’importance de surveiller constamment les enfants, notant que des pertes de vie dues au froid peuvent survenir en 60 à 90 minutes. Dans l’abandon des tentes, la tragédie fauche les âmes innocentes de différentes manières, sans que les tissus ne puissent les protéger. Alors que le froid s’installe, les habitants de Gaza se demandent : « Le jour de la fin de toutes ces pertes approchera-t-il un jour ? »