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Hommage à Mohamed Gaber : Six décennies de passion littéraire
Le romancier Mohamed Gaber se distingue parmi ses contemporains. Il a lu pour son plaisir personnel et écrit pour lui-même, sans jamais faire de la publication un but en soi. Pendant 60 ans, il a vécu en retrait, consacré à la lecture, à la réflexion et à la création. À 88 ans, alors qu’il continue de vivre, il n’a pas pu réaliser tous ses rêves littéraires. Son héritage littéraire, qui dépasse les 70 ouvrages, fait de lui l’un des piliers de la narration arabe contemporaine.
Pour lui, l’histoire était une boussole, l’écriture un principe fondamental, la géographie un soutien, et les événements tumultueux son sanctuaire. Il a écrit sur les amoureux de l’Égypte à toutes les époques et dans tous les lieux, exprimant sa douleur face à leur sort tragique. Cependant, il ne s’est pas limité à la simple chronique ou au constat ; il a aussi confronté les ennemis de la patrie par ses écrits, comme en témoigne son œuvre phare : « Égypte… Qui la veut du mal ? ».
Dans ce roman, Mohamed Gaber a réussi à offrir une image vivante de la vie du leader « Omar Makram », en alliant narration romanesque et documentation historique.
Un lien profond avec le lieu
Le lieu a toujours été son terrain de jeu. Il a écrit sur ses deux villes de cœur, Le Caire et Alexandrie, partageant son amour pour elles et dépeignant les détails de la vie quotidienne dans leurs quartiers historiques. Alexandrie, en particulier, et plus précisément la région de Bahari, était une source d’inspiration, où il a tissé des amitiés et a capturé des images vibrantes de ses habitants dans un style proche du réalisme magique.
Gaber a entretenu des relations étroites avec les « pères de l’écriture » au sein de la Commission de publication des universitaires. Il a vécu leur époque et a été témoin de leurs luttes, de leurs rêves et de leurs larmes. Néanmoins, il a également vécu les conflits intellectuels qui l’ont ensuite suivi, marqués par les malédictions des enfants et les rancœurs des petits-enfants, comme il le décrivait.
Une carrière riche et passionnée
Né en 1938, Mohamed Gaber n’a commencé à écrire qu’à la fin des années 1950. Il se considérait comme « un écrivain des années 1970 », bien qu’appartenant à la génération des années 1960. Il a déclaré : « J’ai passé 30 ans à lire et 50 ans à écrire ce que j’ai lu, et je n’ai toujours pas terminé ».
La maladie l’a affecté dans ses dernières années, le rendant dépendant d’un fauteuil roulant, mais son esprit est resté vif et sa créativité intacte. Avant sa mort, nous avons eu l’occasion de le rencontrer chez lui à Héliopolis, où il nous a livrés ses réflexions sur trois générations d’écrivains, partageant son amour pour l’histoire et la presse qui lui a tant donné.
Réflexions sur la condition des écrivains arabes
En 60 ans de carrière dans le journalisme, il a produit 74 livres, y compris des romans et des études. Interrogé sur la façon dont le journalisme a influencé son ambition créative, il a répondu que cela avait été un soutien, lui permettant de vivre dans un climat difficile pour les écrivains arabes. Il a déploré que, au XXIe siècle, un écrivain arabe ne puisse vivre de sa plume, contrairement à ses homologues en Europe et en Amérique.
Gaber a souligné que la presse lui avait permis de côtoyer de grands maîtres, mais il a aussi noté le triste constat que la profession d’écrivain n’est pas considérée comme un véritable métier dans le monde arabe.
Un héritage littéraire inestimable
Les œuvres de Gaber sont imprégnées de réflexions sur l’histoire et la culture. Son père, comptable et traducteur, possédait une bibliothèque riche, nourrissant son amour pour la littérature. Il a déclaré que son désir d’écrire sur l’Égypte et son histoire l’a guidé tout au long de sa carrière.
Gaber a évoqué ses projets littéraires, notamment la nécessité d’écrire l’histoire de l’Égypte à travers le roman, bien qu’il n’ait pas encore accompli cela. Ses œuvres, telles que « Les Murs », ont été inspirées par des événements contemporains, mêlant fiction et réalité avec une profondeur d’analyse.
Engagement envers la culture arabe
Malgré les défis, Gaber a toujours cru en la valeur de la culture arabe. Il a exprimé son dédain pour ceux qui perdaient confiance en eux-mêmes et en leur projet national. Pour lui, la culture et la langue sont des éléments unificateurs qui transcendent les clivages.
Son analyse des figures emblématiques de l’Égypte, comme Naguib Mahfouz, témoigne de sa passion pour la littérature et son engagement envers ses compatriotes écrivains. Gaber a su rendre hommage à ceux qui ont laissé une empreinte indélébile dans le paysage littéraire arabe.
Une voix unique dans la littérature
Dans toutes ses œuvres, Gaber a mis en avant des valeurs de bravoure et de résistance, illustrant les luttes de l’individu contre les forces de l’oppression. Ses personnages, empreints de réalisme, vivent des expériences intenses qui résonnent avec la réalité égyptienne.
Le parcours de Mohamed Gaber reste une source d’inspiration pour les générations futures, témoignant d’une passion indéfectible pour la littérature et un engagement envers son pays et sa culture.