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Trump et l’attaque contre l’enseignement supérieur aux États-Unis
Le quotidien New York Times a organisé un dialogue en ligne avec des chroniqueurs, Masha Gessen, Tracy McMillan Cottom et Bret Stephens, au sujet de ce qu’ils appellent la « campagne dévastatrice » menée par le président américain Donald Trump et ses alliés contre l’enseignement supérieur. Ils ont examiné comment les universités elles-mêmes se sont affaiblies par des comportements internes et des changements culturels, les rendant des cibles faciles pour des attaques politiques féroces.
Patrick Healy, vice-président des rédactions du New York Times, a ouvert le dialogue en partageant une conversation qu’il a eue avec un président d’université, qui lui a dit qu’il avait été conseillé de se doter d’un garde du corps. Il a affirmé qu’il n’avait jamais vu autant de peur dans le monde de l’éducation supérieure auparavant, précisant que de nombreux présidents d’université « ont très peur » des réductions de financement de la part de l’administration Trump.
Inquiétudes croissantes parmi les présidents d’université
Le président de l’université a mentionné les attaques incessantes d’Elon Musk, conseiller proche du président, via sa plateforme (X), l’entrée des agents de l’immigration et des douanes américains sur les campus, ainsi que les courriels enflammés remplissant les boîtes de réception des universités. Les manifestations étudiantes sur Gaza et Israël ont également suscité des craintes de violences ciblées.
Il a ajouté que les présidents et les professeurs ont sous-estimé de nombreux enjeux, pensant qu’ils seraient toujours perçus comme une « utilité publique » bénéfique à la société. Cependant, ils sont désormais considérés comme élitistes et déconnectés des Américains ordinaires. Il a rappelé que les Américains détestent profondément les élites qui se croient supérieures, et nous assistons actuellement à une remise en question importante de l’enseignement supérieur sur le plan idéologique, culturel et financier, menée par Trump et la droite.
Une crise existentielle pour les universités américaines
Les participants au dialogue se sont accordés à dire que les universités américaines, autrefois considérées comme une fierté nationale, font maintenant face à une crise existentielle. Ils ont attribué ce changement à une perception altérée des institutions académiques, passant d’une image de « bien public » à celle d’entités perçues comme isolées, élitistes et arrogantes.
Cette transformation a conduit à une érosion de la confiance envers les universités par de larges segments de la société américaine. L’administration Trump a exploité ce fossé croissant entre les élites académiques et le grand public pour inciter à des slogans tels que « lutte contre les élites » et « justice dans le financement des universités ».
Bret Stephens a souligné que les problèmes ont commencé au sein même des universités, où un intérêt excessif pour la diversité et les identités a restreint la liberté d’expression et de pensée. Il a cité un incident à l’Université de Yale en 2015, qui a montré comment les étudiants étaient devenus plus sensibles aux sujets culturels, reflétant une tendance à privilégier l’identité au détriment d’un dialogue ouvert.
Critiques de la manipulation politique
Stephens a reconnu qu’il avait compris à ce moment-là qu’il y avait une grave erreur, réalisant que deux valeurs de l’université moderne, la diversité et la liberté d’expression, étaient en forte opposition. Certaines opinions sont désormais censurées parce qu’elles offensent un groupe ou contredisent des croyances politiques traditionnelles, ou parce qu’elles proviennent d’individus d’origines raciales ou ethniques différentes.
Cependant, Stephens a critiqué Trump, notant que l’exploitation par l’administration de ces questions à des fins politiques menace les fondements intellectuels des universités.
Tracy a ajouté que les critiques conservatrices des universités amplifient souvent des événements individuels pour les faire paraître comme des reflets d’une situation généralisée, arguant que de nombreuses institutions d’enseignement supérieur ne font pas partie de cette élitisme ciblé, mais offrent des services éducatifs à la communauté sans les ressources adéquates.
Des défis au-delà des universités
Elle a conclu que les problèmes vont au-delà de Trump, soulignant qu’il existe une crise économique et culturelle plus large affectant les universités, illustrée par la diminution de la promesse de l’enseignement supérieur de réaliser la mobilité sociale, comme cela était le cas dans le passé.
Masha Gessen a décrit les attaques contre les universités comme faisant partie d’une campagne plus large contre tout ce qui est intellectuel et scientifique dans la société américaine. Elle estime que le problème ne se limite pas aux politiques de Trump et des conservateurs, mais s’étend à une crise sociale plus profonde liée aux inégalités de classe et à la division culturelle, affirmant que les universités ont participé pendant des décennies à la création de ces fractures sociales par leur élitisme et leur isolement.
Symbolisme et discours politique
Le débat a révélé que les universités sont devenues un symbole de « l’ennemi élitiste » dans le discours politique. Les conservateurs estiment que les discussions culturelles dans les universités, telles que les questions de race et de genre, contredisent les valeurs traditionnelles. En effet, les politiques universitaires ouvertes aux étudiants internationaux et des thèmes comme la justice sociale sont devenus des outils utilisés par Trump et ses alliés pour exacerber les divisions.
Dans ce contexte, les participants ont mis l’accent sur l’arrestation de l’étudiant palestinien Mahmoud Khalil, organisateur de manifestations pro-Palestine à l’Université de Columbia. Ils ont considéré que son arrestation, justifiée comme une action légale, faisait partie d’une tentative plus large d’instaurer la peur et de réprimer l’opposition au sein des universités. Tracy et Masha ont affirmé que la question ne concernait pas Khalil en tant qu’individu, mais représentait un « test pour contrôler les limites du discours politique ».
Le dialogue s’est achevé sur le constat que les attaques contre les universités ne sont pas de simples disputes politiques superficielles, mais font partie d’une lutte plus profonde concernant l’identité culturelle et sociale des États-Unis. Cela ne se limite pas à l’enseignement supérieur, mais s’étend à une crise de confiance plus large dans les institutions publiques. Par conséquent, un leadership audacieux de la part des présidents d’universités et une action collective sont nécessaires pour faire face à cette menace qui pourrait redessiner la société américaine pour les années à venir.