Le train s’élance à travers le Haut-Jura, sa voix enregistrée égrenante les stations comme un refrain familier : Mouchard, Champagnole, Champagnole-Paul-Emile-Victor, Chaux-des-Crotenay. À bord du TER de 10 h 14 ce mardi de fin mars, une quinzaine de passagers – retraités, salariés, lycéens et étudiants – s’installent pour un voyage de deux heures trente et une minutes en direction de Saint-Claude. Ce train, qui à Andelot devient la ligne des Hirondelles, traverse la vallée isolée de la Bienne sur 73 kilomètres de voies uniques, serpentant entre 450 et 948 mètres d’altitude, franchissant 36 tunnels et 18 aqueducs.
Un trajet à travers des paysages variés et une histoire industrielle
Au fil du parcours, les fenêtres dévoilent une succession de panoramas : d’abord des feuillus encore dénudés, puis des forêts d’épicéas et de sapins, suivies de prairies habitées par des vaches montbéliardes. Le train longe ensuite d’anciens bâtiments industriels témoins d’une époque d’usinage et de fonderie prospère. Dans sa cabine, Sébastien, conducteur d’une quarantaine d’années au fort accent franc-comtois, garde un œil vigilant sur les rails. Tenant sa commande comme un joystick d’antan, il prévient d’un coup de klaxon dès qu’il aperçoit des équipes d’entretien en train d’élaguer les abords.
« La dégradation, je l’ai vécue petit à petit. Cela fait au moins trois ans qu’il n’y a pas eu de gros travaux sur cette voie », confie-t-il, exprimant aussi ses craintes quant à la possible fermeture de cette ligne ferroviaire du Haut-Jura, compte tenu de son état préoccupant.
Une infrastructure vieillissante en grand danger
La voie ferrée, qui a plus d’un siècle, n’a pas bénéficié d’une rénovation complète depuis soixante-dix ans. Ses ouvrages d’art – ponts, tunnels et viaducs – sont nombreux mais souffrent d’une vétusté marquée. Les traverses sont usées, les versants fragilisés par les intempéries, et certains tunnels conservent encore des rails du siècle dernier, avec des voûtes fortement corrodées.
Les versants nécessitent une réhabilitation urgente, mais ce sont surtout les effets du réchauffement climatique qui aggravent la fragilité de cette petite ligne. Les événements météorologiques extrêmes, de plus en plus fréquents, accentuent les risques sur les infrastructures ferroviaires de cette région.
La direction régionale de SNCF Réseau, gestionnaire de l’infrastructure, reconnaît la gravité de la situation : « Trois quarts des ouvrages d’art, quatre versants sur huit et 25 % de la voie sont à traiter ».