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Les troubles psychotiques et les substances psychoactives : comprendre l’essentiel
Les troubles psychotiques, souvent associés à des maladies psychiatriques comme la schizophrénie, peuvent également être induits par la consommation de substances psychoactives. Dans ces cas, les symptômes sont généralement réversibles. Mais quelles substances sont à risque et dans quelles conditions peuvent-elles provoquer des troubles psychotiques durables ? Le Pr Vincent Camus, psychiatre chef du Pôle de Psychiatrie-Addictologie au CHRU de Tours, et le Dr Maxime Bubrovszky, psychiatre chef de pôle à l’Etablissement Public de Santé Mentale de l’agglomération lilloise, apportent leur éclairage.
Qu’est-ce qu’un trouble psychotique ?
Un trouble psychotique est une affection psychiatrique caractérisée par une perte de contact avec la réalité. La personne concernée peut voir, entendre ou croire des choses inexistantes. Les troubles psychotiques peuvent être chroniques, comme dans le cas de la schizophrénie, ou ponctuels, notamment lorsqu’ils sont induits par des substances.
Dans les troubles psychotiques induits par substances, les symptômes sont souvent liés à la consommation ou au sevrage et disparaissent généralement avec l’arrêt du produit. La distinction entre un trouble psychotique induit et un trouble chronique repose sur l’identification de la cause principale des symptômes.
Symptômes d’un trouble psychotique induit par substances
Les symptômes d’un épisode psychotique aigu et transitoire comprennent :
- Une altération du comportement : apathie, agitation ou agressivité inhabituelle.
- Une désorganisation de la pensée et du langage : discours confus et incohérent.
- Des idées délirantes : croyances fausses et irrationnelles, telles que des idées de persécution ou de grandeur.
- Des hallucinations : perceptions erronées, comme des voix, des visions effrayantes ou des sensations physiques anormales.
Différences majeures avec d’autres troubles psychotiques
- Absence d’antécédents psychiatriques avant la consommation.
- Facteur déclencheur identifiable : consommation récente ou arrêt brutal d’une substance.
- Symptômes réversibles après quelques jours ou semaines de sevrage, contrairement aux troubles chroniques.
Substances à risque de provoquer des troubles psychotiques
De nombreuses substances psychoactives perturbent les neurotransmetteurs impliqués dans la perception et la pensée. Les plus fréquemment impliquées sont :
Substances récréatives
- Cannabis : peut provoquer hallucinations, anxiété et idées délirantes.
- Cocaïne et amphétamines : sont associées à des idées délirantes, hallucinations, hyperactivité et agressivité.
- LSD, kétamine et champignons hallucinogènes : induisent des épisodes dissociatifs et des hallucinations marquées.
- Héroïne, ecstasy et opioïdes : moins souvent liés à des épisodes psychotiques aigus, mais impliqués en cas de surdose ou de sevrage brutal.
Alcool, sevrage et médicaments
La consommation excessive d’alcool peut provoquer des épisodes avec anomalies perceptives, notamment le delirium tremens, qui ressemblent à une confusion mentale plus qu’à une psychose classique.
Certains médicaments peuvent aussi entraîner des troubles psychotiques :
- Corticoïdes à forte dose ou sur longue durée, pouvant induire euphorie ou confusion.
- Benzodiazépines : le sevrage brutal peut déclencher anxiété accrue, troubles du sommeil ou confusion.
Mécanismes neurobiologiques des psychoses induites par substances
Les substances psychoactives agissent en perturbant l’équilibre des neurotransmetteurs clés tels que la dopamine, la sérotonine et le glutamate.
Le rôle de la dopamine
Des substances comme la cocaïne et les amphétamines augmentent la libération excessive de dopamine dans le cerveau. Ce neurotransmetteur, impliqué dans le plaisir et la motivation, s’il est produit en excès, peut induire des symptômes psychotiques similaires à ceux de la schizophrénie.
Le cannabis, via le THC, influence également la dopamine. Une consommation régulière ou à forte dose peut accroître le risque d’épisodes psychotiques en perturbant la régulation des pensées et des émotions.
Impact des hallucinogènes sur la sérotonine
Le LSD, la psilocybine et la mescaline modifient la transmission sérotoninergique en se fixant sur des récepteurs spécifiques, provoquant des distorsions perceptuelles et émotionnelles pouvant aboutir à des épisodes psychotiques transitoires.
Le glutamate et la psychose
Le glutamate, principal neurotransmetteur excitateur du cerveau, est bloqué par des substances comme la kétamine et le PCP, perturbant la communication neuronale et engendrant des symptômes dissociatifs et psychotiques.
Personnes à risque de souffrir de troubles psychotiques induits par substances
Tous les consommateurs ne développent pas d’épisodes psychotiques. Plusieurs facteurs influencent la vulnérabilité :
- Prédisposition génétique et antécédents psychiatriques personnels ou familiaux.
- Environnement social et stress chronique.
- Consommation régulière ou importante de substances psychoactives.
- Historique d’épisodes psychotiques après consommation.
- Adolescents et jeunes adultes présentant un risque accru.
- Personnes en phase de sevrage, nécessitant une vigilance renforcée.
Substances psychoactives et schizophrénie : quel lien ?
La schizophrénie est une maladie multifactorielle, combinant facteurs génétiques, neurobiologiques et environnementaux. Aucune substance seule ne peut provoquer cette maladie, mais certaines augmentent le risque d’apparition ou de rechute.
Le lien le plus documenté est celui entre consommation précoce de cannabis et émergence ou aggravation de la schizophrénie. D’autres substances peuvent aussi contribuer, mais les preuves sont moins nettes.
Peut-on développer une schizophrénie sans prédisposition ?
Un épisode psychotique isolé peut survenir chez une personne sans facteur de risque, mais une consommation excessive et prolongée peut altérer durablement le cerveau et favoriser l’apparition de troubles psychiatriques chroniques comme la schizophrénie.
Traitements et prise en charge des troubles psychotiques induits par substances
Réversibilité du trouble psychotique induit
Dans la majorité des cas, ces troubles sont réversibles. La guérison dépend :
- De la durée et l’intensité de l’épisode.
- Du type de substance consommée.
- De la présence éventuelle de troubles psychiatriques sous-jacents.
- De la rapidité de la prise en charge médicale.
Que faire en cas d’épisode psychotique ?
- Consulter un professionnel de santé rapidement.
- Rassurer la personne sans chercher à raisonner son délire.
- Ne pas la laisser seule, appeler les secours si elle est désorientée ou agressive.
- Se rendre aux urgences en cas de symptômes sévères ou persistants.
Quand contacter les urgences ?
Tout épisode psychotique soudain est une urgence médicale. Il faut agir en cas de troubles du comportement dangereux ou si les symptômes durent plus de 24 à 48 heures après la prise de la substance.
Traitements pour retrouver un équilibre psychique
La récupération peut être spontanée mais nécessite souvent :
- Un environnement sécurisé.
- Une prise en charge ambulatoire si possible, avec repos et hydratation.
- Des anxiolytiques prescrits selon le besoin.
- Parfois une hospitalisation en cas de crises sévères.
- Un accompagnement en addictologie pour un sevrage progressif.
Psychose induite par médicaments : prise en charge spécifique
Le traitement repose sur :
- La prescription éventuelle d’antipsychotiques et d’anxiolytiques.
- Un suivi psychiatrique pour prévenir les récidives.
- Une approche addictologique visant à réduire les risques liés à la consommation.
Risques de séquelles après un épisode psychotique
Les symptômes disparaissent généralement après élimination de la substance. En cas de persistance, la consommation a pu révéler une pathologie psychiatrique sous-jacente nécessitant une prise en charge conjointe psychiatrique et addictologique.