Table of Contents
Découvrez notre sélection de livres incontournables pour mai 2024, allant d’un roman de début prometteur à une biographie remarquable. Plongez dans des récits fascinants mêlant fiction, histoire et portraits littéraires captivants.
Portrait complexe de Mark Twain
La vie complexe de Mark Twain, considéré comme le « père de la littérature américaine », est magistralement racontée dans la biographie exhaustive de 1 100 pages signée Ron Chernow, lauréat du Pulitzer, intitulée Mark Twain (Allen Lane). Les dernières années de l’auteur de The Adventures of Huckleberry Finn, avant sa mort en 1910 à 74 ans, sont particulièrement sombres. Twain, grand buveur et souffrant de toux bronchique, dénigre l’humanité : il qualifiait ses concitoyens de « simples tubes de déchets pourris ». Chernow livre une analyse équilibrée et perspicace, n’éludant pas les controverses autour des « habitudes de collégienne » de Twain, expression qu’il employait pour décrire son comportement ambivalent avec de jeunes filles qu’il appelait ses « poissons-anges ».
Pour une lecture plus légère, deux ouvrages de voyage originaux sauront séduire les amateurs d’escapades insolites : Shitty Breaks: A Celebration of Unsung Cities de Ben Aitken (Icon Books), et Final Destination: Riding Britain’s Trains to the End of the Line de Nigel Tassell (Mudlark), qui propose un guide de 16 trajets ferroviaires au Royaume-Uni, de Wick en Écosse à Penzance en Cornouailles.
En fiction, Sarah Moss signe avec Ripeness (Picador) une touchante histoire d’amour et d’appartenance entre l’Italie des années 60 et l’Irlande contemporaine, tandis que Leo Robson offre avec The Boys (Riverrun) une saga générationnelle ironique se déroulant lors des Jeux Olympiques de Londres en 2012.
Roman du mois : The Names de Florence Knapp
The Names retrace trois versions différentes d’une même vie, suivant les destins contrastés d’un garçon dont la sœur aînée, Maia, choisit des prénoms très différents : Bear, Julian ou Gordon. Sur 35 ans, Florence Knapp explore comment le simple choix du prénom influe sur le parcours du personnage principal.
Découpé en six parties s’étalant de 1987 à 2022, ce roman s’inspire des célèbres documentaires télévisés Seven-Up. Outre les destins de Bear, Julian et Gordon, le récit montre également l’impact de cette décision sur la mère Cora, Maia, et un large éventail de proches, amants et inconnus.
Le lien frère-sœur est magnifiquement dépeint dans chaque version. Un portrait saisissant se dessine aussi autour de Gordon senior, médecin respecté en apparence mais tyrannique et abusif au foyer. Knapp souligne habilement les failles sociales qui exposent les femmes aux violences domestiques, tant physiques que psychologiques.
Malgré une exposition parfois un peu appuyée sur l’origine familiale du père abusif, Knapp déroule une intrigue imaginative et cohérente, abordant des thèmes comme la misogynie adolescente, l’identité sexuelle et la force de l’amitié véritable. L’auteur, ayant déjà écrit un ouvrage sur l’art du patchwork, offre des descriptions riches des artisans d’art ponctuant le récit.
The Names est un roman captivant et un premier essai profond, où la cruauté côtoie une grande tendresse qui apaise la lecture. Publié chez Phoenix le 8 mai, à 20 euros environ.
Essai du mois : The Buried City : Unearthing the Real Pompeii de Gabriel Zuchtriegel
Au moment où paraissait The Buried City, de nouvelles découvertes ont émergé sur le site de Pompéi, enseveli sous les cendres du Vésuve en 79 après J.-C. Parmi elles, deux sculptures longtemps perdues, dont celle d’une prêtresse féminine intégrée dans un mur de la nécropole proche de l’entrée principale.
Gabriel Zuchtriegel, directeur général du parc archéologique de Pompéi, livre un guide passionnant et éclairant sur une cité figée dans le temps. Avec un enthousiasme communicatif, il invite à découvrir les fresques et merveilles architecturales du site, à travers un ouvrage traduit de l’allemand par Jamie Bulloch.
Zuchtriegel rappelle que la distinction moderne entre homosexualité et hétérosexualité était inconnue dans l’Antiquité, où la sexualité était fluide. Il dénonce également le sort dramatique réservé aux femmes, victimes fréquentes de violences sexuelles. Le célèbre lupanar de Pompéi reste à ce titre l’un des lieux les plus visités par les touristes, illustrant la persistance d’un regard ambivalent sur l’Antiquité.
Au-delà des faits, l’auteur évoque les enjeux contemporains liés à la recherche, tels que les comportements académiques, le sexisme envers les femmes chercheuses, le trafic illicite d’antiquités ou encore l’apport des technologies numériques, de l’intelligence artificielle et des drones en archéologie moderne.
« Pompéi est comme une déchirure dans l’écran derrière laquelle on peut entrevoir l’histoire officielle », résume Zuchtriegel, offrant une promenade instructive au cœur d’un monde ancien fascinant. Publié chez Hodder Press le 22 mai, disponible pour environ 26 euros.
Biographie du mois : Gertrude Stein : An Afterlife de Francesca Wade
Considérée comme la marraine du modernisme littéraire, Gertrude Stein était aussi une vantarde hors pair. Francesca Wade compile dans Gertrude Stein : An Afterlife ses nombreuses prétentions, telles qu’être « l’esprit créatif littéraire du siècle » ou affirmer que ses œuvres devraient être considérées comme des classiques.
Ancienne collègue de presse, Wade signe une biographie structurée en deux parties : une vie plus traditionnelle et un volet consacré à l’héritage culturel posthume de Stein. Elle est la première à exploiter les riches archives de Leon Katz, révélant la complexité d’une femme fascinante.
Stein divise les critiques : certains louent son œuvre, d’autres la jugent hermétique voire absurde. Wade la qualifie de mégalomane, mais propose un portrait équilibré, dévoilant aussi ses faiblesses. L’ouvrage explore la relation intense avec sa compagne Alice B Toklas, surnommée « Lovey », qui semble sacrifier sa vie pour Stein tout en exerçant une influence redoutable.
Le récit abonde en personnages hauts en couleur, dont Pablo Picasso, et décrit un cercle privé agité de rivalités, notamment avec Ernest Hemingway, que Toklas détestait.
Ce portrait invite à s’interroger sur la postérité littéraire de Stein, dont le style expérimental et la syntaxe volontairement subversive peuvent rebuter. Pourtant, selon Wade, « l’humour de Stein traverse le temps », plus de huit décennies après sa mort en 1946. Un détail touchant : Stein adorait le son du hibou qui hulule.
Publié chez Faber le 22 mai, le livre est proposé aux alentours de 24 euros.