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La Haute Autorité de Santé (HAS) a rendu mardi un avis crucial sur la législation relative à la fin de vie, à la veille de la reprise des débats à l’Assemblée nationale prévue le 12 mai. Elle souligne l’impossibilité de définir des critères précis pour bénéficier d’une aide à mourir en se basant uniquement sur un pronostic vital à moyen terme ou une phase terminale de la maladie. L’accent doit être mis sur la qualité du temps restant à vivre plutôt que sur sa durée.
Hans Lucas via AFP / © Antoine Boureau / Hans Lucas
Un débat divisé en deux volets législatifs
L’avis de la HAS, attendu avec attention, a été sollicité par le ministère de la Santé pour nourrir les discussions parlementaires sur l’évolution de la législation concernant la fin de vie. Ce sujet sensible a été fragmenté en deux propositions de loi distinctes : l’une dédiée aux soins palliatifs, l’autre à l’aide active à mourir, conformément à la démarche du gouvernement Bayrou.
Selon la HAS, il n’existe actuellement aucun consensus médical permettant de définir clairement un pronostic vital engagé « à moyen terme » ni même la notion de « phase avancée » dans une approche personnalisée. Le président de la HAS, le Pr Lionel Collet, précise que si le court terme a été défini par la loi Leonetti, il est impossible de prédire avec exactitude l’espérance de vie au-delà, chaque situation devant être examinée individuellement.
Un accompagnement collectif au cœur du processus
Les experts consultés par la HAS ont analysé la littérature scientifique, les législations internationales, ainsi que les avis d’experts français et étrangers. Aucune alternative satisfaisante n’a émergé pour définir un critère fiable quant à l’octroi d’une aide à mourir fondée sur un pronostic strict.
Face à cette incertitude, la HAS insiste sur la mise en place d’un processus d’accompagnement et de délibération collective, centré sur la personne malade, avant toute demande d’aide à mourir. Ce dialogue continu, impliquant le patient, ses proches et les soignants, permettrait de reconnaître la souffrance dans ses dimensions existentielles et sociales, et d’explorer la signification de ce qui est vécu et de ce qu’il reste à vivre.
La formation de tous les professionnels de santé à l’écoute et au dialogue sur la fin de vie est également soulignée, afin d’éviter toute obstination déraisonnable menant à une impasse pour les patients.
La difficulté de définir un pronostic à moyen terme
Le pronostic vital repose sur de nombreux paramètres évolutifs et complexes. Les outils d’évaluation actuels présentent une fiabilité insuffisante et un degré d’incertitude élevé. La HAS considère qu’établir un pronostic individuel précis serait une erreur, car cela nierait les facteurs personnels et thérapeutiques qui influencent fortement l’évolution de la maladie.
Par ailleurs, aucun pays européen n’a retenu un critère temporel précis pour définir le « moyen terme » ; certains, comme le Québec, ont même abandonné cette notion après une période d’application.
La notion de « phase avancée » ou terminale d’une maladie incurable est plutôt définie par la HAS comme un processus irréversible marqué par une aggravation de l’état de santé affectant la qualité de vie du patient, indépendamment du délai avant le décès.
La HAS recommande de privilégier l’anticipation et la prédiction de la qualité du temps restant à vivre, plutôt que sa quantité, quelle que soit l’issue parlementaire. Pour le Pr Lionel Collet, c’est la dimension subjective de la qualité de vie telle que perçue par le patient qui doit primer.
Un cadre législatif strict adopté en commission
La proposition de loi d’Olivier Falorni, du MoDem, a été approuvée en commission des Affaires sociales vendredi dernier. Elle institue un « droit à l’aide à mourir » pour les patients souffrant d’une affection grave et incurable, engageant le pronostic vital en phase avancée ou terminale, et ne supportant plus leurs souffrances. Cette aide pourrait se matérialiser par la réception ou l’auto-administration d’une substance létale.
Malgré cette avancée, la HAS appelle à la prudence concernant l’aide active à mourir et ses critères. Yannick Neuder, ministre chargé de l’Accès aux soins, souligne qu’il ne faut pas précipiter un changement sociétal majeur alors que les soins palliatifs ne sont pas encore pleinement développés sur tout le territoire français.