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Trump annonce la levée totale des sanctions américaines sur la Syrie
Dans une décision qui a surpris les milieux diplomatiques et économiques à travers le monde, le président américain Donald Trump a déclaré son intention d’émettre un ordre de levée immédiate de toutes les sanctions américaines imposées à la Syrie. Cette mesure a été qualifiée par des analystes d’« extrêmement inhabituelle » et quasi sans précédent dans l’histoire récente de l’allègement des sanctions.
Selon des experts consultés par Al Jazeera, cette annonce repose sur une décision politique directe de l’administration américaine, sans conditions de négociations complexes. Cela contraste nettement avec la plupart des précédents cas de levée de sanctions, qui étaient généralement conditionnés et soumis à de longues négociations et des engagements internationaux stricts, comme ce fut le cas pour l’Iran, le Soudan ou Cuba.
Le communiqué a été fait à Riyad, lors d’une tournée dans le Golfe comprenant l’Arabie Saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis. Cette initiative a replacé la question syrienne au centre de l’attention internationale, soulevant de nombreuses interrogations sur l’avenir d’un pays déchiré par une guerre de plus d’une décennie et sur la manière dont ces promesses seront traduites en politiques concrètes sur le terrain.
Les spécialistes soulignent également que cette décision revêt une dimension sociale et humanitaire majeure, car elle pourrait redonner espoir aux Syriens en améliorant leurs conditions de vie et en rétablissant les services essentiels. Elle pourrait également inciter d’autres États et entités régionales ou internationales à alléger ou lever leurs propres restrictions vis-à-vis de la Syrie, à condition que Washington applique sa décision de manière complète et efficace.
Trump (au centre) a rencontré le président syrien à Riyad (Photo : SPA)
Les défis de la mise en œuvre
L’annonce de Trump a laissé place à un certain scepticisme quant à la capacité réelle de l’administration américaine à appliquer cette décision, notamment en raison de la complexité du dispositif des sanctions américaines.
Delaney Simon, analyste principale du programme États-Unis au sein de l’International Crisis Group, a exprimé sa surprise et sa satisfaction face à cette décision. Elle explique : « Je ne crois pas qu’un président américain ait jamais auparavant promis de lever toutes les sanctions imposées à un pays frappé par des mesures aussi sévères que celles infligées à la Syrie. »
Selon Simon, la plupart des levées de sanctions précédentes ont été conditionnées à des traités, concessions, programmes de surveillance et longues négociations. En revanche, la situation syrienne semble différente : « L’administration actuelle a ordonné la levée complète des sanctions sans conditions préalables claires. »
Cependant, elle souligne que la réalité est plus complexe qu’une simple annonce présidentielle. Les sanctions contre la Syrie sont variées et proviennent de plusieurs sources : certaines sont légiférées par le Congrès, d’autres imposées par les ministères du Commerce, des Affaires étrangères ou du Trésor. Chacune nécessite des procédures précises pour être levée.
Malgré ces obstacles, l’experte considère que la levée n’est pas impossible, affirmant : « Si le président Trump s’engage publiquement et sérieusement à faire avancer sa décision, en utilisant son poids politique pour inciter les agences américaines compétentes à passer à l’action, nous pourrions alors assister à des avancées réelles et significatives. »
Conséquences multiples
Outre les aspects économiques, Nanar Hawash, analyste principale pour les affaires syriennes à l’International Crisis Group, met en lumière de nouvelles dimensions liées aux implications sociales et sécuritaires. Elle affirme que « la levée des sanctions ne stimulera pas uniquement la reprise économique, mais s’accompagnera aussi de mesures susceptibles de briser le cycle de violence qui sévit en Syrie depuis plus de dix ans. »
Hawash insiste sur le fait que l’effondrement économique a été une des causes majeures de l’insécurité, de la dégradation des services publics et de l’augmentation des griefs locaux, poussant de nombreux Syriens vers des groupes armés. Elle conclut que la décision de lever les sanctions « envoie un signal fort aux acteurs externes et aux pays hésitants pour qu’ils renouent avec la Syrie ».
Sur le plan politique, Darin Khalifa, conseillère principale à l’International Crisis Group, qualifie cette décision de « progrès majeur pour un pays ravagé par la guerre » et de « pas stratégique dans les relations entre les États-Unis et la Syrie ».
Selon elle, l’enthousiasme affiché par le président américain ainsi que la clarté de ses déclarations accroissent la probabilité d’une mise en œuvre concrète, malgré des déséquilibres bureaucratiques et un calendrier incertain. Khalifa estime que « si les directives de Trump sont appliquées avec la même portée et l’esprit que ceux de l’annonce, cela ouvrira une nouvelle ère dans les relations économiques et politiques entre Washington et Damas, offrant à la Syrie une opportunité de sortir de son isolement prolongé ».
Un redressement économique immédiat
Du point de vue économique, les analyses prévoient que les effets les plus visibles de la levée des sanctions se manifesteront rapidement, notamment sur la livre syrienne, qui a connu une dépréciation massive ces dernières années.
Mohamed Afzaz, rédacteur en chef des affaires économiques à Al Jazeera, anticipe que « la levée des sanctions entraînera une reprise immédiate de la livre syrienne, qui a récemment franchi la barre des 9 000 livres pour un dollar, grâce à l’afflux d’investissements étrangers et aux transferts de devises ». Il précise que le secteur bancaire sera l’un des premiers bénéficiaires, grâce à la reprise des transferts financiers et au soutien de l’économie locale.
Afzaz souligne également l’importance des Syriens expatriés, au nombre de plusieurs millions dans le monde, qui contribueront à l’arrivée de devises étrangères, au renforcement des réserves de la banque centrale syrienne et à la stabilisation de la monnaie nationale. Il évoque aussi une transformation qualitative du secteur de l’investissement, avec le retour des investisseurs étrangers, des Syriens de la diaspora, et potentiellement des pays régionaux comme ceux du Golfe.
À moyen et long terme, Afzaz prévoit « un afflux massif de capitaux pour l’investissement et la reconstruction, puisque le coût de la reconstruction de la Syrie est estimé à au moins 150 milliards de dollars ». Cette dynamique offrirait à l’économie syrienne une chance d’expansion, d’accéder aux marchés financiers internationaux et de développer des secteurs clés tels que le pétrole, l’énergie et les infrastructures.
Les sanctions américaines et internationales contre Damas se sont intensifiées de manière sans précédent depuis le début de la révolution syrienne en 2011. Initialement limitées, ces mesures se sont rapidement étendues pour inclure une longue liste d’individus, d’entités gouvernementales et de secteurs vitaux comme les banques, l’énergie et les infrastructures, ainsi qu’une interdiction des importations, exportations et transferts financiers.
La « loi César » américaine, adoptée en 2016, a renforcé cet embargo économique autour du régime syrien et de ses partenaires, isolant presque totalement la Syrie des marchés mondiaux.
La décision du président Trump de lever ces sanctions représente donc un tournant historique dans la politique américaine envers la Syrie. Pour la première fois, elle ouvre la porte à une nouvelle phase d’ouverture économique et politique, ravivant l’espoir d’un processus de reconstruction et de la fin de l’isolement international que la Syrie a connu pendant plus d’une décennie.