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À l’heure où la souveraineté numérique est au cœur des débats, il ne suffit plus de sécuriser l’hébergement des données sur notre sol. Pour que l’intelligence artificielle (IA) soit véritablement souveraine, elle doit intégrer nos différences culturelles, nos langues, nos valeurs et nos histoires, pas uniquement celles imposées par la Silicon Valley.
La souveraineté numérique ne se limite pas à l’hébergement des données
La souveraineté numérique est souvent réduite à la question de l’hébergement des données sur le territoire national. Pourtant, face aux géants du cloud américains que sont Google, Amazon et Microsoft, cette quête semble de plus en plus complexe. Même certaines administrations françaises recourent aujourd’hui aux clouds américains. Mais la véritable souveraineté ne réside-t-elle pas ailleurs ? À l’ère des intelligences artificielles, ce sont les données, ce « big data », qui nourrissent les modèles comme ChatGPT ou Gemini. Peu importe où ces IA sont hébergées, ce qui compte, c’est leur contenu et leur capacité à refléter nos réalités.
Des intelligences artificielles sous influence américaine
Nous avons besoin d’IA souveraines, capables de représenter nos pensées, nos croyances et nos cultures. Or, les modèles actuels montrent clairement un biais marqué en faveur des États-Unis, plus précisément de la côte ouest américaine, berceau d’OpenAI, Google et Amazon. Ces modèles, tout comme Internet dont ils dépendent, sont majoritairement imprégnés d’une culture anglophone — entre 50 et 70 % des contenus sur la toile le sont.
Ce biais linguistique et culturel se manifeste dans les réponses fournies par ces IA. Par exemple, lorsque l’on demande qui a inventé l’aviation, il est fort probable que l’IA mentionne les frères Wright en 1903, alors que les Français savent que Clément Ader avait réalisé un vol dès 1890, treize ans plus tôt.
Le mythe de l’IA parfaite et neutre
De nombreux experts en intelligence artificielle aspirent à créer un modèle parfait, exempt de tout biais. Cette quête utopique est non seulement irréaliste mais aussi potentiellement dangereuse. En cherchant à éliminer tous les biais, on risque de croire que l’IA offre la vérité absolue, ce qui peut masquer des erreurs historiques ou sociétales.
Par exemple, une IA utilisée dans le secteur bancaire pour évaluer les crédits accordait systématiquement aux femmes la moitié du montant destiné aux hommes, à situation équivalente. Ce biais reflétait simplement les données historiques, où les femmes avaient effectivement moins de crédit accordé.
Osons les biais culturels pour une IA à notre image
Au contraire, il faut assumer pleinement les biais et les intégrer volontairement dans la conception des IA. Il s’agit de choisir avec soin les données qui reflètent nos valeurs, nos opinions et nos cultures. Ainsi, les modèles d’IA deviendront pertinents et fidèles à nos réalités.
Ces IA seront plurielles : françaises, européennes, africaines, elles représenteront la diversité du monde, et non seulement le prisme de la Silicon Valley. En ces temps où la vérité est souvent manipulée par des dirigeants sans scrupule, ces IA nous encourageront à douter, à exercer notre sens critique et à réfléchir par nous-mêmes.
Il est temps d’oser « biaiser » sans complexe pour conquérir une véritable souveraineté numérique.