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« Ce jour-là, nous nous sentons emprisonnés, non seulement dans nos maisons, mais aussi dans la peur. Les routes sont bloquées, la police patrouille dans chaque ruelle, et les colons crient, chantent et nous provoquent avec des drapeaux israéliens. Nous sommes assiégés, interdits de bouger ou de vivre normalement… même l’air semble nous être refusé ce jour-là. »
Ce témoignage poignant d’une jeune habitante de la vieille ville de Jérusalem, identifiée par ses initiales L.A., révèle l’enfer vécu chaque année lors des célébrations israéliennes du « Jour de l’Unification de Jérusalem ». Pour les habitants palestiniens, l’approche de cette date est synonyme d’angoisse et de confinement, alors que les forces israéliennes resserrent leur contrôle.
La marche des drapeaux, symbole de la judaïsation de Jérusalem-Est
La « Marche des drapeaux », connue aussi sous le nom de « danse des drapeaux », est une manifestation annuelle qui rassemble des dizaines de milliers de colons et militants nationalistes israéliens. Elle se déroule chaque 28 du huitième mois du calendrier hébraïque, soit lundi prochain, à l’occasion du « Jour de l’Unification de Jérusalem ». Cette date commémore la prise de contrôle par Israël de la partie orientale de la ville lors de la guerre de juin 1967, connue dans le monde arabe sous le nom de « la Naksa ».
Cette marche traverse la vieille ville de Jérusalem et constitue une expression majeure des politiques israéliennes visant à judaïser cette partie de la cité.
Un climat de peur et d’agressions
L.A. décrit ainsi la préparation à ce jour redouté : fermer ses fenêtres, surveiller les enfants, et éviter de sortir. « Ceux qui réussissent à passer la journée hors de la vieille ville ont de la chance. Les autres restent chez eux, protégeant leur maison et leurs biens par tous les moyens, car en cas d’incident, personne ne vient à leur secours. »
Les agressions ne se limitent pas aux cris et injures racistes accompagnant la marche des colons. Elles incluent également des attaques physiques provoquant parfois des fractures, ainsi que des actes de vandalisme tels que l’arrachement de portes et la destruction de fenêtres.
La police israélienne, loin de protéger les habitants palestiniens, assume un rôle de protection des colons, ferme les voies de passage aux locaux, et pratique des fouilles dans les quartiers palestiniens. En situation d’urgence, comme le transport d’un malade, les autorités israéliennes entravent les secours, obligeant les familles à porter elles-mêmes les patients hors des murs historiques.
Une résistance ancrée dans l’attachement à la ville
Face à cette pression, L.A. exprime une détermination renforcée : « Voir des dizaines de milliers de drapeaux israéliens agités par des extrémistes à Bab al-Amoud et devant ma maison est une douleur indescriptible. Ces drapeaux ne sont pas qu’un morceau de tissu, ils symbolisent un message clair : ‘Nous sommes ici, et vous ne devriez pas exister’. Pourtant, plus ils agitent leurs drapeaux, plus nous nous accrochons à Jérusalem et à notre terre. Nous portons les clés de nos maisons dans nos cœurs, car Jérusalem est à nous, et même si des milliers de drapeaux sont levés, nous sommes partout, dans chaque recoin, chaque pierre et chaque souffle. »
Le parcours de la marche et les provocations
Le lundi 26 mai au matin, des centaines de colons convergeront vers la vieille ville pour défiler dans ses ruelles avec des drapeaux israéliens. Les festivités culmineront en fin de journée, avec la participation de dizaines de milliers de personnes qui scandent des slogans hostiles à l’islam et aux Arabes. Elles se livrent aussi à des actes d’intimidation contre les habitants et commerçants, que la police oblige chaque année à fermer leurs boutiques pour éviter toute responsabilité en cas de dommages.
Le cortège masculin partira de la rue Roi George, à l’ouest de Jérusalem, puis entrera dans la vieille ville par Bab al-Amoud (Porte de Damas). Le groupe féminin débutera devant le cimetière de Ma’man Allah, toujours à l’ouest, et pénétrera la vieille ville par Bab al-Khalil (Porte d’Hérode), traversant le quartier arménien pour terminer à la place du Mur des Lamentations, où se tient le rassemblement principal.
Violation accrue de l’espace sacré
Au-delà de la marche, des groupes extrémistes juifs liés au Temple préparent depuis plusieurs semaines une incursion massive dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa. Ils appellent à brandir des drapeaux israéliens dans la mosquée, lors des visites programmées aux heures matinales et en soirée.
Une vidéo incitative diffusée par l’Union des organisations du Temple rassemble 13 rabbins appelant la communauté sioniste religieuse à envahir la mosquée en masse lundi 26 mai, afin d’affirmer la souveraineté juive sur toute la ville et le site d’Al-Aqsa.
Un lourd tribut pour les commerçants
Les commerçants de la vieille ville et des rues commerçantes adjacentes paient un lourd tribut durant cette journée. Selon Hegazy Al-Rashq, secrétaire général de la chambre de commerce et d’industrie de Jérusalem, la ville se transforme en caserne militaire avec de nombreux barrages et patrouilles, notamment aux portes et dans les ruelles de la vieille ville.
- Les commerçants des quartiers de Tariq al-Wad, Al-Silsila, Al-Mujahidin et Souq Al-Aloun subissent le plus de dégâts.
- Les colons vandalisent les enseignes, jettent les marchandises au sol, et placent des bâtons de bois dans les serrures pour les endommager.
- Toutes ces agressions ont lieu sous le regard passif de la police israélienne, qui n’arrête aucun coupable.
Les colons insultent également les symboles religieux des habitants palestiniens, profèrent des slogans racistes tels que « Mort aux Arabes », crachent sur les passants et multiplient les provocations.
La police contraint les commerçants à fermer leurs boutiques ; ceux qui refusent sont punis par des mesures administratives, notamment des signalements aux autorités fiscales. Ces restrictions ne s’arrêtent pas aux murs de la vieille ville, elles s’étendent à des zones commerciales périphériques comme les rues Al-Misrara, Amr Ibn Al-As, Az-Zahra, Sultan Suleiman, Salahuddin Al-Ayoubi et Al-Rashid.
Au total, 1 684 commerces sont concernés, dont 664 en dehors de la vieille ville et 1 020 à l’intérieur.