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Le bombardement américain des sites nucléaires iraniens n’a surpris personne véritablement averti. Lors de sa conférence de presse, en matinée du raid, le ministre américain de la Défense a indiqué que l’opération avait nécessité des mois de préparation. Cela signifie que la décision d’attaquer avait été prise bien avant le retour de Donald Trump à la présidence. De plus, les frappes aériennes israéliennes sur l’Iran, survenues environ une semaine plus tôt, étaient en réalité une préparation ciblée, approuvée voire ordonnée par Washington. L’objectif était d’éviter que le raid ne porte préjudice à Trump, à l’inverse de ce qui était arrivé à l’ancien président Jimmy Carter lors de l’échec de l’opération « Aigle Griffu » visant à libérer les otages américains à Téhéran en avril 1980.
Maintenant que le cessez-le-feu est en place, la question demeure : tiendra-t-il ? Ou bien Washington et ses alliés occidentaux exigeront-ils de nouvelles concessions iraniennes, proches de l’abandon total, comme la reprise des inspections des installations nucléaires, dont le Parlement iranien avait annoncé la suspension, décision rejetée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ?
Ce pourrait être un prétexte à des exigences plus drastiques, allant jusqu’à la remise complète du programme nucléaire iranien, comme le réclame le ministre britannique de la Défense, ou la démilitarisation totale des infrastructures nucléaires et du programme de missiles balistiques iraniens.
Sans prétendre deviner l’issue finale, de nombreuses interrogations sont soulevées dans les médias et chaque analyste se fait expert ou initié des coulisses. Le débat sur Gaza et son bain de sang semble relégué au second plan, tandis que l’attention se concentre massivement sur les conséquences de ce conflit avec l’Iran.
Face à ces conjectures, il est essentiel de ne pas négliger certains détails fondamentaux, dont la compréhension pourrait offrir aux peuples arabes et musulmans des leçons indispensables afin d’éviter d’être pris au dépourvu par des événements soudains et dévastateurs, semblables aux chocs israélo-occidentaux récents.
Une faille majeure dans la sécurité et le renseignement
L’Iran a invité ses citoyens collaborant avec le Mossad, les services de renseignement israéliens, à remettre drones et équipements utilisés dans les frappes contre Téhéran et d’autres villes, en échange d’une amnistie. Des centaines d’espions auraient été arrêtés, selon les annonces officielles. Un fourgon transportant une cargaison de drones a également été saisi à Téhéran.
Les autorités iraniennes affirment que certains militaires et scientifiques assassinés ont été ciblés chez eux ou sur leur lieu de travail par des agents infiltrés. Israël continue d’annoncer la neutralisation de responsables clés. Par ailleurs, des ateliers de fabrication et d’assemblage de drones ont été découverts, ce qui semble incroyable sans confirmation iranienne.
Cette pénétration sécuritaire résulte d’années de planification et de préparation, avec complicité humaine à l’intérieur des services iraniens mais aussi à partir du tissu social du pays. Sans ces éléments, les renseignements israéliens et occidentaux n’auraient pu infliger de telles pertes à des figures sécuritaires suprêmes.
Pourquoi une telle faille ? Les raisons sont multiples et difficiles à élucider sans données fiables, mais il est utile de rappeler les relations historiques entre Israël et l’Iran du temps du Shah.
Relations entre Israël et l’Iran avant la révolution
Après le retour du Shah en 1953, à la suite du coup d’État contre Mossadegh, l’Iran a reconnu Israël. Les deux pays ont entretenu une coopération étroite, notamment entre le SAVAK, la police secrète iranienne de l’époque, et le Mossad.
Le Shah plaçait tous ses espoirs dans l’alliance américano-israélienne. Le Mossad avait une liberté quasi totale en Iran jusqu’à la chute du régime en 1979, lors de la révolution islamique.
Le nouvel ordre iranien s’est ensuite concentré sur ses intérêts dans la région, ses conflits idéologiques et religieux, ainsi que sur ses défis internes, dont une guerre avec l’Irak, dont certaines initiatives ont contribué au déclenchement. Aujourd’hui, Israël et ses agents internes mènent une guerre sur le sol iranien, provoquant une grave instabilité.
L’avance technologique d’Israël joue également un rôle clé dans ces infiltrations secrètes, non seulement contre l’Iran mais contre d’autres États environnants et pays musulmans, comme le Pakistan. La Turquie, avec ses services de renseignement efficaces et son progrès technologique croissant, constitue l’exception.
Le rôle de l’environnement géopolitique régional
Le régime iranien a peut-être commis une erreur stratégique en laissant l’Irak tomber sous contrôle américain après la chute de Saddam Hussein, espérant que les gains sectaires compenseraient la présence américaine à ses frontières. Cependant, aujourd’hui, l’espace aérien irakien est largement ouvert aux avions israéliens, sans opposition réelle des autorités locales.
Malgré ces difficultés, l’Iran a su rétablir son équilibre après les premiers jours du conflit, infligeant des pertes lourdes à Israël. Les images de destruction à Tel Aviv, où des quartiers entiers se sont retrouvés en ruines, sont sans précédent dans les conflits antérieurs au Moyen-Orient. Il est remarquable que l’Iran ait pu frapper aussi durement, alors même que la guerre venait de commencer.
Le contexte des pays arabes
Quelle différence avec la situation des pays arabes ? Ceux-ci ont aussi placé tous leurs espoirs dans l’alliance américano-occidentale depuis l’époque du Shah et jusqu’à aujourd’hui. Il est impossible d’ignorer la coordination totale entre leurs services secrets et la CIA, sous ses ordres directs.
Leurs territoires sont donc ouverts à une influence américaine puis, par conséquent, israélienne, dans le cadre d’une coopération étroite tant au niveau du renseignement que des opérations. Depuis que les barrières psychologiques et physiques sont tombées, et que plusieurs pays arabes ont normalisé leurs relations avec Israël, un rapprochement intime s’est opéré sur les plans politique, économique, sécuritaire, et même social.
Nous constatons des Arabes reniant leur identité arabe et religieuse, adoptant des positions pro-israéliennes et prêts à soutenir Israël en cas de crise.
La différence notable avec l’Iran est que ce pays a rompu avec l’héritage du Shah, bien qu’il n’ait jamais complètement nettoyé son appareil d’état de ses anciennes influences, ce qui explique en partie cette profonde infiltration que l’histoire moderne peine à égaler. Les pays arabes, quant à eux, restent fidèles à leurs anciennes alignements depuis la création des États modernes après la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd’hui, ni le Mossad ni la CIA n’ont besoin de déployer un grand effort dans ces pays, car leurs homologues locaux remplissent parfaitement leur mission, sans oublier que certaines économies arabes s’appuient sur une main-d’œuvre étrangère issue de pays dont les services collaborent intimement avec les renseignements israéliens.
La confiance en l’alliance avec les États-Unis et l’Occident
Certains pourraient soutenir que les bonnes relations historiques entre la plupart des pays arabes et l’Occident, ainsi que les États-Unis, diffèrent de celles qu’entretient l’Iran, et qu’il est donc légitime de se sentir en sécurité quant à l’avenir.
Toutefois, l’histoire récente montre une réalité plus nuancée. Que se passerait-il si, dans un moment critique, ces mêmes pays arabes, y compris ceux qui ont normalisé avec Israël, décidaient de développer un programme de missiles balistiques comparables à celui de l’Iran ? Ou même un programme nucléaire, qui semble aujourd’hui hors de portée pour ces États ? Accepteraient-ils qu’Israël et l’Occident laissent faire ?
La même interrogation s’applique aux autres pays musulmans. Par exemple, la Turquie, membre de l’OTAN, bénéficie historiquement d’une confiance militaire occidentale. Pourtant, elle est aujourd’hui la cible de campagnes médiatiques occidentales, accusée de menace par son éventuelle coopération nucléaire avec le Pakistan, qui subit le même traitement.
Cette hostilité n’est pas nouvelle : en 2011, Benjamin Netanyahou déclarait à une chaîne britannique que la Turquie et le Pakistan, tout comme l’Iran, menaçaient l’existence d’Israël et devaient être contrés pour remanier le Moyen-Orient selon sa vision.
Il est vital pour les pays arabes de ne pas suivre le même chemin que celui de “Moujir Oum Amer”, une figure légendaire à qui le poète attribuait ce vers : « Celui qui fait le bien en dehors de ses proches, subit le même sort que celui qui héberge Oum Amer (le hyène). »