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Dans la région du Nord-Darfour au Soudan, les habitants d’El-Fasher, dernier centre urbain contrôlé par l’armée dans la région, font face à une famine dévastatrice et à une grave épidémie de choléra. Le siège imposé par les Forces de soutien rapide (RSF), un groupe paramilitaire, bloque l’accès à la ville et aggrave une crise humanitaire déjà critique.
Une famine extrême sous siège
Les habitants d’El-Fasher sont contraints de survivre en consommant des fourrages pour animaux, notamment l’ambaz, un aliment fabriqué à partir de coques d’arachide. Othman Angaro, réfugié dans un camp de déplacés à El-Fasher, a expliqué à Al Jazeera la gravité de la situation : « Nous souffrons, monde. Nous avons besoin d’aide humanitaire – nourriture et médicaments – que ce soit par largage aérien ou par ouverture des routes terrestres. Nous ne pouvons pas survivre dans ces conditions. »
De son côté, Zulfa Al-Nour, vétérinaire, témoigne que sa famille dépend uniquement d’un service de cuisine caritative appelé « Matbakh Al-Khair » pour un seul repas quotidien, dans un contexte où l’aide internationale est totalement absente. Elle appelle à une intervention urgente, notamment via des largages aériens de vivres, soulignant que même les réserves d’ambaz s’épuisent.
La classification intégrée de la sécurité alimentaire (IPC) a alerté la semaine dernière sur la famine dans la région d’El-Fasher, plaçant la situation au niveau 5, la phase la plus sévère indiquant une famine totale. Le siège, qui dure depuis deux mois, complique considérablement la distribution de l’aide. Les RSF bloquent l’approvisionnement en nourriture et les convois humanitaires sont régulièrement attaqués. Le coût des biens de contrebande dépasse cinq fois la moyenne nationale.
Épidémie de choléra aggravant la crise
Une épidémie de choléra s’est déclarée dans l’État du Nord-Darfour, dont El-Fasher est la capitale, accentuant encore la détresse des populations. Selon un responsable gouvernemental, le nombre de décès dus à cette maladie hydrique a atteint 191 dans la région, marquée par des affrontements prolongés entre l’armée soudanaise et les RSF.
Adam Rijal, porte-parole de la Coordination générale pour les déplacés et réfugiés au Darfour, a indiqué que 62 personnes sont mortes de choléra à Tawila, à environ 60 km à l’ouest d’El-Fasher. Près de 100 décès supplémentaires ont été recensés dans les camps de Kalma et Otash situés à Nyala, dans l’État du Sud-Darfour. Au total, environ 4 000 cas ont été signalés dans la région.
Depuis plusieurs mois, plus d’un demi-million de personnes ont trouvé refuge à Tawila, alors que la quasi-totalité de la région du Darfour est sous contrôle rebelle, excepté El-Fasher.
Conditions sanitaires déplorables et besoins en soins
Avec la saison des pluies en cours, les mauvaises conditions de vie et l’insalubrité accentuent la propagation du choléra. L’épidémie, identifiée dès juin à Tawila, s’est rapidement étendue aux camps de réfugiés, selon l’ONG Avaaz.
Dans la région de Jebel Marra, dans l’ouest du Darfour, près de 40 décès supplémentaires liés au choléra ont été enregistrés. Médecins Sans Frontières (MSF) gère deux centres de traitement du choléra à Tawila, dotés de 146 lits, coordonnant ainsi la quasi-totalité de la réponse médicale à l’épidémie.
Le mois dernier, MSF a souligné la nécessité d’améliorer considérablement l’accès à l’eau potable, à l’hygiène et aux soins médicaux pour contenir la propagation du choléra, particulièrement en pleine saison des pluies.
Samir, un ancien enseignant déplacé à El-Fasher avec sa famille, a décrit la situation comme « catastrophique » dans un témoignage à Avaaz, expliquant que la malnutrition généralisée aggrave la vulnérabilité face à l’épidémie. « Les gens meurent parce qu’ils sont trop faibles pour survivre. Leur système immunitaire est compromis par une malnutrition sévère. Les populations affamées dans les camps de déplacés sont en grand danger. »
Violence persistante et appel à la paix
Parallèlement à la crise humanitaire, les combats se poursuivent dans et autour d’El-Fasher. Un habitant a confié à l’agence Reuters que « l’artillerie et les drones des RSF bombardent El-Fasher matin et soir ». Le nombre de décès augmente quotidiennement et les cimetières s’agrandissent.
Le lundi précédent, Emergency Lawyers, une organisation de défense des droits humains, a rapporté qu’au moins 14 personnes fuyant El-Fasher ont été tuées et des dizaines blessées lors d’une attaque dans un village sur leur route.
Les Nations unies avaient appelé à une pause humanitaire dans les combats à El-Fasher au début de la saison des pluies, mais les RSF ont refusé cette demande.
Le conflit armé a débuté en avril 2023 dans la capitale Khartoum et s’est étendu à plusieurs régions du pays, opposant le chef de l’armée et dirigeant de facto Abdel Fattah al-Burhan au chef des RSF Mohamed Hamdan « Hemedti » Dagalo. Ce conflit a tué des dizaines de milliers de personnes et déplacé près de 13 millions, provoquant l’une des pires crises humanitaires au monde.