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Du Prénom au Comte de Monte-Cristo, en passant par Papa ou maman, Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière imposent leur style unique, piquant, avec des mots percutants et des messages profonds.
Un duo unique
Depuis quinze ans, Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière appartiennent au club très fermé des grands dialoguistes français. Les mots, ils les maîtrisent à la perfection ! Une réputation acquise grâce à leur pièce Le Prénom, mise en scène en 2010 par Bernard Murat au Théâtre Édouard-VII, qu’ils adaptent au cinéma deux ans plus tard.
Chaque réplique fait mouche dans cette comédie portée par Patrick Bruel et Valérie Benguigui. « C’est sûr que les morceaux de bois, ça n’a pas dû te ruiner. – C’était un mikado, connard ! » ; « Elle a tellement peur de déranger que ça en devient dérangeant » ; « Mais c’est effrayant ce que tu peux être Suisse ! » Le théâtre ? Un univers où ils peuvent s’en donner à cœur joie dans l’exercice du tac au tac, loin des contraintes cinématographiques. Nul doute que les auteurs d’Un dîner d’adieu, Tout ce que vous voulez et Par le bout du nez y reviendront toujours.
L’école Canal+
Un style à part, aussi piquant dans le registre de l’humour que dans celui de la gravité, qu’ils apprennent jadis à l’école Canal+ sous l’impulsion de Karl Zéro ou Dominique Farrugia. On leur commande des sketchs, parfois dans l’urgence. Ils en écrivent à la volée, faisant l’apprentissage de l’excellence et de l’humilité au sein de la chaîne cryptée. « Le problème, ce n’est pas la page blanche – tout le monde a des idées –, c’est plutôt la page grise sur laquelle vous inscrivez des choses moyennes », confie Matthieu Delaporte.
À l’époque, il nourrit une même passion qu’Alexandre de La Patellière, fils du réalisateur Denys de La Patellière (Le Tatoué et Du rififi à Paname), pour le 7e art. Les deux trentenaires se lancent avec Les Parrains de Frédéric Forestier, sorti en salles en 2005. Ils élaborent alors une méthode bien précise, à laquelle ils n’ont jamais dérogé au fil des années.
Une méthode bien précise
« On n’écrit pas à quatre mains, on se partage le travail à chaque étape, » indique Matthieu Delaporte. « On établit d’abord une structure détaillée, puis on s’attaque à la partie dialoguée sur la base de 4-5 pages par jour. Elle représente environ un tiers du projet et constitue pour moi un moment jubilatoire. » Objectif de ce processus créatif : ne pas laisser les scènes prendre la narration en otage – ce qui ne signifie pas qu’elles sont secondaires. Bien au contraire…
« Tu crois que ta vengeance te rendra libre ? Elle ne fera que te consumer, Edmond. – Peut-être. Mais avant cela, elle te détruira. » « Le Comte de Monte-Cristo », 2024
Le chef-d’œuvre « Le Comte de Monte-Cristo »
La recette s’avère payante. Grâce à la justesse de leurs mots percutants et de leurs messages profonds, ils contribuent au carton de Papa ou maman (2015), de Martin Bourboulon, qu’ils retrouveront lors de la préparation des Trois mousquetaires. Une superbe réussite, mais sans commune mesure avec le chef-d’œuvre Le Comte de Monte-Cristo, écrit et réalisé par leurs soins, avec Pierre Niney dans le rôle-titre. Des séquences, servies par des citations fortes, ont marqué les esprits. On revoit par exemple le comédien, vêtu d’une capuche noire, se dresser dans une église et asséner : « À partir de maintenant, c’est moi qui récompense et c’est moi qui punis. »
Une phrase de leur cru ? « En l’occurrence, je crois que celle-ci est d’Alexandre Dumas, » sourit Matthieu Delaporte. « On travaille tant et tant les dialogues qu’on ne sait plus à l’issue de la période d’écriture, Alexandre et moi, qui est l’auteur de telle ou telle réplique. » Une adaptation si bien ciselée qu’elle a fait l’unanimité (ou presque). Y compris auprès des inconditionnels de l’écrivain. « L’objectif était de rester fidèle à l’esprit du roman, en réunissant des reparties qui ressemblent à celles de Dumas sans être identiques. » Tout un art, comme celui de travailler à deux en toute intelligence…