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Brunello Cucinelli présente son modèle comme un « capitalisme humaniste » visant à « redonner leur dignité aux travailleurs », tout en dirigeant un groupe du luxe évalué à plusieurs milliards d’euros et confronté aux récentes tensions commerciales et aux incertitudes des consommateurs.
Brunello Cucinelli face aux droits de douane et au ralentissement du marché du luxe
La marque fondée en 1978 et portée par Brunello Cucinelli est aujourd’hui décrite dans l’article comme un « empire » d’environ 7 milliards d’euros. Cotée à Milan depuis 2012, l’action du groupe a progressé de près de 900 % depuis l’introduction en bourse il y a treize ans, et le groupe a annoncé un chiffre d’affaires en hausse de 10,7 % au premier semestre par rapport à 2024.
Interrogé sur l’impact des mesures américaines, M. Cucinelli réagit avec philosophie : « C’est comme les droits de douane de Trump… Que puis-je faire contre quelque chose que je ne peux pas changer ? Acceptons-les de bonne grâce. » Depuis avril, les États‑Unis ont imposé des droits de douane initiaux de 10 % sur les exportations de l’Union européenne, relevés ensuite à 15 % par un accord. Les consommateurs américains pèsent environ un cinquième des dépenses de produits de luxe au plan mondial ; pour la maison Cucinelli, les États‑Unis représentent environ 35 % des ventes.
Le secteur traverse un contexte difficile : une baisse des dépenses de luxe en Chine de 18 à 20 % l’an dernier, l’inflation et des taux d’intérêt élevés en Europe et aux États‑Unis, et des scandales liés aux conditions de travail dans la chaîne d’approvisionnement italienne. Plusieurs maisons ont fait l’objet de mesures judiciaires récentes, dont Loro Piana et Valentino Bags Lab, après des enquêtes sur l’exploitation de sous‑traitants.
Un capitalisme humaniste, conditions de travail et responsabilité sociale
Brunello Cucinelli est connu pour prôner une approche centrée sur le bien‑être des salariés plutôt que sur la seule recherche du profit. Il reverse chaque année 20 % de ses profits à des initiatives caritatives et affirme avoir imposé à des fournisseurs l’installation de la climatisation ou de fenêtres pour améliorer les conditions de travail. Selon l’article, les salaires des employés du groupe sont environ 20 % supérieurs à la moyenne italienne du secteur.
« Les entreprises se plaignent de ne pas trouver de main‑d’œuvre aujourd’hui, mais pourquoi quelqu’un accepterait‑il de travailler à plein temps dans un environnement étouffant, souvent sans fenêtres, pour un salaire médiocre ? », dit‑il. Plus loin, il ajoute : « Est‑il juste de réaliser des bénéfices en sous‑payant les travailleurs et en réduisant les coûts ? Non, ça ne l’est pas. »
L’entreprise emploie aujourd’hui environ 3 000 personnes dans le monde, dont la moitié à Solomeo. La famille Cucinelli contrôle toujours le groupe à hauteur de 50 % via un trust ; deux de ses filles, Camilla et Carolina, et leurs époux travaillent dans l’entreprise. Brunello Cucinelli supervise encore les collections aux côtés d’Alessio Piastrelli.
Positionnement commercial, production et perception du luxe
La maison se positionne sur un « luxe discret », sans logos ostentatoires, aux côtés de maisons comme Hermès ou Loro Piana. M. Cucinelli souligne les risques d’une croissance obtenue par une course aux volumes et à la sous‑traitance à bas coût : « Or vous ne pouvez le faire qu’en sous‑traitant la production à des entreprises chinoises qui ont la capacité de fabriquer des milliers de sacs à main et de les vendre 50 euros pièce… Mais cela finit par être relayé dans les médias et nos riches clients se sentent floués et cessent d’acheter… Peut‑on le leur reprocher ? »
Malgré un PER jugé élevé par certains analystes, M. Cucinelli considère le ralentissement comme « inévitable » après des années d’« excès de profit ». Il rappelle que son objectif a toujours été de « réaliser des bénéfices équitables » et de ne pas « tirer profit des gens » lors de l’introduction en bourse.
La stratégie commerciale du groupe a évolué : le nombre de boutiques monomarques est passé de 107 en 2020 à 130 aujourd’hui, un site e‑commerce a été lancé en 2017 et la marque est présente sur plusieurs plateformes multimarques en ligne. M. Cucinelli cite l’exemple de la manufacture horlogère Vacheron Constantin, qui produit environ 20 000 pièces par an et maintient ainsi un niveau d’exclusivité.
Origines, valeurs personnelles et défis pour l’emploi en Italie
Né dans une famille d’agriculteurs, Brunello Cucinelli raconte son désir de « redonner leur dignité aux travailleurs » après avoir vu son père humilié au travail. Il évoque sa jeunesse à la ferme, puis l’amélioration de vie du foyer familial à la fin des années 1960, et l’impact des expériences familiales sur ses choix sociaux et professionnels.
Il s’inquiète du manque d’intérêt des jeunes pour les métiers manufacturiers et cite des données d’Altagamma selon lesquelles, entre 2024 et 2028, 276 000 professionnels supplémentaires seront nécessaires dans plusieurs secteurs italiens — automobile, alimentation, hôtellerie, mode et design — sans que la demande puisse être entièrement satisfaite. « Chaque famille espère que l’ouvrier d’usine finira par être l’enfant d’une autre famille », observe‑t‑il, insistant sur l’importance de donner leur chance aux jeunes générations.
Note sur le repas partagé lors de l’entretien à Da Cesarino (Pérouse) : Antipasti x2 : 24 € ; Rigatoni x2 : 26 € ; Crème glacée x2 : 10 € ; Verre de vin blanc x2 : 10 € ; Supplément : 4 € ; Total TTC : 74 €.
La fortune personnelle de Brunello Cucinelli est indiquée dans l’article à environ 4,1 milliards d’euros (estimée depuis 4,5 milliards de dollars dans la source). Il recevra en décembre un prix d’excellence aux British Fashion Awards et participe à des initiatives internationales pour une mode durable.