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La cour administrative d’appel de Paris a condamné mercredi 3 septembre l’Etat à réexaminer ses procédures d’autorisation pesticides, biodiversité, France, estimant que les méthodes d’évaluation des produits phytopharmaceutiques étaient insuffisantes pour garantir la protection de la biodiversité et de la santé humaine.
Réexamen demandé : autorisation pesticides, biodiversité, France
Dans l’affaire dite « Justice pour le vivant », la cour ordonne un « réexamen des autorisations de mise sur le marché déjà délivrées » afin de réparer, selon elle, un « préjudice écologique résultant de l’usage des produits phytopharmaceutiques », notamment envers « la santé humaine ». Les associations environnementales à l’origine de la procédure ont salué l’arrêt ; Pollinis a qualifié la décision de « victoire historique ».
La cour reproche aux services de l’Etat de ne pas avoir tenu compte du « dernier état des connaissances scientifiques » dans l’évaluation des risques, en particulier en ce qui concerne « les espèces non ciblées ». Elle estime que ces lacunes constituent une méconnaissance des exigences du règlement européen de 2009 qui encadre la commercialisation des pesticides et prohibe tout « effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine ou animale » ainsi que des « effets inacceptables sur les végétaux ou sur l’environnement ».
Décisions de la cour et délai imposé de 24 mois
La cour administrative d’appel demande explicitement que « Il est enjoint à l’Etat de mettre en œuvre une évaluation des risques présentés par les produits phytopharmaceutiques à la lumière du dernier état des connaissances scientifiques, notamment en ce qui concerne les espèces non ciblées ». Elle ordonne également « de procéder, le cas échéant, au réexamen des autorisations de mises sur le marché déjà délivrées et pour lesquelles la méthodologie d’évaluation n’aurait pas été conforme à ces exigences, dans un délai de vingt‑quatre mois ».
Sur le fond, la décision va au‑delà de celle du tribunal administratif, qui en première instance, en juin 2023, avait « enjoint au gouvernement de prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique ». Les associations, partiellement satisfaites à l’époque, avaient fait appel pour obtenir précisément l’obligation de combler les failles méthodologiques de l’évaluation des risques des pesticides.
Rôle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire et constat de faute
La cour cible l’Agence nationale de sécurité sanitaire dans son raisonnement. Elle estime que l’agence, chargée d’évaluer et d’autoriser la mise sur le marché des pesticides, « a commis une faute en ne procédant pas à l’évaluation des produits phytopharmaceutiques au vu du dernier état des connaissances scientifiques ». Cette constatation motive l’obligation de réexamen imposée à l’Etat et aux services compétents.
La formulation de la cour indique que les autorisations déjà délivrées pourraient être remises en cause si les méthodologies antérieures s’avèrent non conformes aux exigences européennes et scientifiques actuelles. Le délai de vingt‑quatre mois fixe une échéance procédurale claire pour ces réévaluations.
Portée de l’arrêt et suite procédurale
L’arrêt marque une étape judiciaire importante dans la mobilisation des associations pour la protection des écosystèmes et de la santé. Il ne se contente pas d’ordonner des mesures générales mais prescrit des actions précises : évaluer à la lumière des connaissances récentes, identifier les produits dont l’évaluation était défaillante et, si nécessaire, réexaminer leurs autorisations.
Les associations à l’origine de l’action judiciaire avaient demandé à pouvoir contraindre l’Etat à améliorer ses méthodes d’évaluation des risques. La cour a repris ces demandes et les a formalisées dans son ordonnance, ce qui inscrit juridiquement l’exigence d’une prise en compte renforcée de la biodiversité et des espèces non ciblées dans les procédures d’autorisation.
Contexte et implications réglementaires
Le jugement s’appuie sur le règlement européen de 2009 relatif à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, qui fixe des critères stricts pour éviter des dommages pour la santé et l’environnement. La cour reproche à l’administration française de ne pas avoir respecté pleinement ces exigences en laissant subsister des évaluations qui ne reflétaient pas nécessairement les avancées scientifiques.
Sur le plan pratique, cela implique que certaines autorisations devront être revues selon des méthodologies actualisées. La portée exacte des suspensions ou modifications d’autorisations dépendra des réexamens réalisés par les autorités compétentes dans les vingt‑quatre mois impartis.
Réactions et enjeux pour les parties
Du côté des associations, l’arrêt est perçu comme une victoire qui confirme la légitimité des préoccupations sur l’impact des pesticides sur la biodiversité et la santé. Les autorités publiques et l’agence chargée des évaluations devront désormais se conformer aux injonctions judiciaires et clarifier les modalités de réévaluation des produits concernés.
La décision fixe un calendrier juridique et technique, sans en détailler l’ensemble des conséquences opérationnelles. Elle devrait toutefois pousser les autorités françaises à aligner leurs pratiques d’autorisation sur les exigences scientifiques et réglementaires, afin de mieux préserver la biodiversité et la santé humaine visées par le cadre européen.