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Kennedy, crise de la rougeole, CDC, vaccination, politique de santé : le secrétaire à la santé montre cette semaine jusqu’où il entend aller avec ses prérogatives, suscitant critiques et démissions au sein des agences sanitaires fédérales après la gestion de l’épidémie de rougeole au Texas et ses prises de position publiques.
Kennedy, crise de la rougeole, CDC, vaccination, politique de santé — conflits précoces avec les scientifiques
Au printemps, quelques mois avant une série de départs spectaculaires au sein du CDC, Robert F. Kennedy Jr. s’est trouvé en conflit avec les scientifiques de l’agence lors du premier grand incident sanitaire de son mandat. Alors que la rougeole se propageait dans une communauté reculée de l’ouest du Texas, Kennedy a hésité sur le vaccin et fait la promotion de remèdes alternatifs, comme la vitamine A. Le CDC a répliqué publiant une fiche d’information rappelant que la vitamine A avait prouvé son efficacité contre la rougeole dans des pays souffrant d’une forte carence en vitamine A, situation différente des États‑Unis.
Demetre Daskalakis, qui a démissionné la semaine dernière de son poste de directeur du National Center for Immunization and Respiratory Diseases au CDC, a expliqué que l’agence avait délibérément publié ce document pour contrecarrer Kennedy :
“We had to put up that PDF to subtly counter it, because providers were like, *What the hell is actually happening?*” Daskalakis said.
Depuis, la tendance s’est inversée : en juin, Kennedy a limogé tous les membres du comité consultatif vaccinal du CDC et les a remplacés par des personnalités comprenant des contestataires, des militants anti‑vaccins et des théoriciens du complot. La semaine dernière, il a poussé à la sortie la directrice du CDC après moins d’un mois en poste, et trois dirigeants supérieurs, dont le médecin en chef, ont démissionné par protestation.
Propagation de l’épidémie au Texas et bilan national jusqu’en août
La gestion de l’épidémie alimente les critiques contre la communication et l’intervention fédérales. Contrairement à l’affirmation de Kennedy selon laquelle l’intervention au Texas aurait “mis fin rapidement” à l’épidémie, celle‑ci a duré de janvier à août et a contribué à une recrudescence de la rougeole dans 41 États, la pire depuis 1992.
Le CDC a documenté 1 431 cas à l’échelle nationale, même si les autorités sanitaires estiment que de nombreux cas n’ont pas été testés et n’ont donc pas été comptabilisés. Plus de 100 enfants et adolescents ont été hospitalisés. Deux fillettes non vaccinées, membres d’une même communauté mennonite, sont décédées ; la mort de la première, une fillette de 6 ans nommée Kayley Fehr, constituait le premier décès lié à la rougeole aux États‑Unis en une décennie.
Malgré l’envoi de chercheurs sur place début mars après le premier décès, des reportages documentent une confusion et un silence précoces de la part du gouvernement fédéral. Le 5 février, le directeur de la santé publique de Lubbock, Texas, écrivait dans un courriel :
“My staff feels like we are out here all alone.”
Dans un éditorial publié dans The Wall Street Journal, Kennedy a présenté la réponse comme une preuve que, sous sa direction, le CDC “peut agir rapidement avec précision quand il est guidé par la science et libéré de l’idéologie.” Il a écrit :
“When measles flared this year in Texas, we brought vaccines, therapeutics and resources to the epicenter. The outbreak ended quickly, proving the CDC can act swiftly with precision when guided by science and freed from ideology,” Kennedy wrote. “That response was neither ‘pro‑vax’ nor ‘antivax.’ It wasn’t distracted by ‘equity outcomes’ or politically correct language like ‘pregnant people.’ It was effective.”
Beaucoup de ces affirmations sont contestées par des éléments factuels : l’épidémie a duré plusieurs mois, s’est étendue largement et les autorités locales ont fait état de difficultés à mobiliser des ressources au début.
Messages contradictoires sur la vaccination et promotion de traitements non prouvés
Kennedy a aussi semé la confusion sur la vaccination en envoyant des messages mitigés et en valorisant des traitements non validés. Après avoir présenté la décision de se faire vacciner comme “personnelle” en mars, il a reconnu peu après, de façon plus nuancée, que “the most effective way to prevent the spread of measles is the MMR vaccine.” Lors d’un hommage à Seminole pour la seconde fillette décédée, Daisy Hildebrand, 8 ans, il aurait déclaré lors d’une réunion après les obsèques : “You don’t know what’s in the vaccine anymore,” selon le père de la fillette.
Il a également évoqué favorablement deux médecins du Grand Ouest texan qui prônaient des traitements non prouvés contre la rougeole, tels que l’huile de foie de morue et un stéroïde inhalé, les qualifiant d’“extraordinary healers.” Dans son éditorial, Kennedy a indiqué que le CDC avait envoyé des “therapeutics” — apparemment pour désigner des éléments comme la vitamine A, des stéroïdes et des antibiotiques — à Seminole. Mais des reportages et des confirmations ultérieures indiquent que les prestataires locaux n’avaient pas demandé ces traitements et que le CDC n’a envoyé sur place que des vaccins selon un porte‑parole du département d’État de la santé.
Par ailleurs, fin mars, l’hôpital Covenant Children’s de Lubbock a signalé avoir traité un petit nombre d’enfants non vaccinés atteints de rougeole qui présentaient aussi une toxicité à la vitamine A.
Au sein de Seminole, l’auteur de l’enquête rapporte avoir observé des familles et une communauté mennonite méfiantes envers le vaccin, ce qui a compliqué les efforts de santé publique pour convaincre les habitants de se faire vacciner. Avec le départ de nombreux scientifiques en position de responsabilité au CDC, il reste désormais moins d’experts pour rédiger des fiches d’information, encourager les visites dans les communautés touchées et tempérer les orientations de politique publique de Kennedy.