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Le récit est un outil ancien de changement personnel ; ici, nous présentons des techniques pour construire un récit de transformation fondé sur la métaphore, les personnages et l’atmosphère, afin de susciter émotion, apprentissage et déplacement de perspective.
Structure et but : pourquoi utiliser un récit de transformation, métaphore, personnages et atmosphère
La légende du « camélon numéro 40 » illustre la force d’un récit : les quatre fils d’Alí-Babá doivent répartir l’héritage de 39 chameaux selon des fractions — la moitié, une quatrième partie, une huitième et une dixième — ce qui paraît impossible. Un vieux bédouin prête son chameau et, sur un total de 40, la division devient : 20, 10, 5 et 4, soit 39 ; le bédouin reprend ensuite son animal. Cette histoire montre que le support narratif peut être l’élément facilitateur qui permet de rendre le compte acceptable et opérant, même s’il n’est pas nécessaire en soi.
1. Choisir la métaphore
Commencez par le but souhaité : quelle transformation voulez-vous susciter chez l’auditeur ? La technique de l’alpiniste consiste à partir de la « cime » — l’état désiré — et à planifier la descente vers le point de départ. Parfois la personne énonce clairement sa solution ; parfois la métaphore doit réinterpréter une souffrance apparente (par exemple, une angoisse prolongée comme besoin inconscient de repos).
Parmi les objectifs que peut viser un récit :
- récupérer des états agréables, créatifs ou satisfaisants ;
- abandonner des états dominés par la peur, l’angoisse ou l’anxiété ;
- placer le problème dans un contexte où il n’est plus central ;
- faire évoluer des croyances vers des visions plus adaptées ;
- déclencher petits changements qui se stabilisent ensuite ;
- faire renaître des capacités oubliées ou les transférer à d’autres domaines ;
- provoquer émotions nouvelles ouvrant d’autres chemins de pensée ;
- imaginer la vie sans la difficulté.
2. Choisir les personnages
Le personnage active l’identification : le récepteur se déplace momentanément hors de sa position pour explorer d’autres perspectives. La sélection doit tenir compte non seulement de la similitude, mais aussi de la valeur symbolique et suggestive du personnage.
Typologies utiles :
- archétypes : le Roi, le Héros, l’Hada, représentant respectivement la raison, l’émotion et l’action ;
- Virginia Satir : l’Apaciguador, l’Acusador, le Superrazonable, le Distraidor ;
- types jungiens fondés sur pensée, sentiment, sensation, intuition ;
- personnages de récits mythiques (par ex. Iron John : le Roi, le Mage, l’Amant…) ;
- animaux et éléments naturels.
Règles essentielles pour la création des personnages :
- les personnages ne sont pas l’auteur ;
- ils servent l’histoire : choisir ceux qui sont nécessaires ;
- présentez-les tôt, et, dans la mesure du possible, limitez leur nombre ;
- ils doivent posséder une motivation unique et claire ;
- ils doivent évoluer (arc dramatique) et provoquer une émotion chez le lecteur ;
- ils doivent avoir un objectif désirable et un caractère distinct ;
- ils doivent être soumis à un conflit (interne, externe ou social).
Classes de personnages :
- Protagoniste : décide l’action par ses choix ;
- Coprotagoniste : partage une trajectoire tout en réagissant différemment ;
- Antagoniste : fait obstacle et rehausse le protagoniste ;
- Interest émotionnel (love interest) : représente le registre affectif ;
- Secondaires : miroirs et soutiens ;
- Incidentaux : présence ponctuelle nécessaire.
Questions pour construire un personnage : Que veut-il ? Pourquoi ? Est‑ce suffisant pour lutter ? Qu’est‑ce qui l’en empêche ?
3. Définir le récit et l’atmosphère
Il faut esquisser la narration et créer un isomorphisme entre événements réels et métaphoriques. Tout contexte peut devenir matrice d’une métaphore si l’équivalence est cohérente.
Choisir l’atmosphère est central : elle conditionne l’attitude de l’auditeur face au problème et prédispose à voir la solution comme possible ou difficile. L’atmosphère transmet l’état que l’on souhaite rendre désirable ou indésirable.
4. Construire l’histoire et proposer une fin
Rédigez le récit en mobilisant métaphores, personnages et atmosphères. Laissez ensuite une place à l’inconscient : si l’imagination est riche, l’histoire apparaîtra, parfois non linéairement.
Éléments stylistiques à privilégier :
- imprévisibilité : situations anormales ou ruptures de routine ;
- raconter les faits, non l’interprétation personnelle ;
- opposer une volonté à une résistance réelle ;
- respecter les lois psychologiques plausibles des personnages.
Types de narrateur :
- omniscient : sait tout ;
- equiscient : sait autant que le personnage, en même temps ;
- déficient : découvre l’histoire avec le lecteur.
Perspectives possibles : première personne (autobiographique), deuxième personne (épistolaire), troisième personne (distanciation). Chacune a une force selon l’effet recherché.
Il est important de proposer une fin, mais sans imposer une morale unique : chaque auditeur projette son propre dénouement. L’objectif est que le récit modifie la perception de la réalité et permette de la voir autrement ; il faut croire que les personnes disposent déjà des ressources nécessaires, parfois simplement momentanément déconnectées d’elles‑mêmes.
Basé sur l’œuvre de Pedro Uris. Excellent analyste de cinéma et créateur d’histoires cinématographiques et de roman.