Journal d’un agriculteur : entre rêve et réalité du bien-être animal

Un rêve de bien-être confronté aux réalités économiques

« On a besoin de renflouer l’entreprise », confie Jérôme Caze. Après plusieurs erreurs de jeunesse et des factures en retard, il a décidé d’arrêter le maraîchage cette année, une décision fortement soutenue par sa femme, en congé sabbatique. Cette activité, bien que faisant partie de son héritage familial, représentait une dépense annuelle de 10 000 euros pour l’achat de graines, un coût désormais éliminé.

À ses débuts, Jérôme ambitionnait de créer une véritable « multinationale du bien-être », visant un modèle axé sur la qualité et le respect animal. Il imaginait un rôle de superviseur, donnant des directives à un chef de culture et à quelques salariés. Pourtant, il remarque que si beaucoup dénoncent l’utilisation de pesticides, peu évoquent la lourdeur du travail engendrée par leur suppression. Il souligne également son refus catégorique des conditions indignes imposées à certains saisonniers, logés parfois dans de petits bungalows à 600 euros par mois avec un loyer déduit de leur salaire.

Des compromis pour un équilibre durable

Jérôme explique que l’on lui a enseigné à percevoir l’exploitation comme un tabouret à trois pieds, stable et équilibré. Il maintient donc trois productions : des légumes en primeur, des poulets plein air, ainsi que des cochons de race Duroc, qu’il souhaite développer.

Le respect du bien-être animal est au cœur de ses pratiques. Les animaux sont élevés dans des conditions proches de leur milieu naturel : en plein air, nourris avec des déchets de légumes et des céréales, avec un point d’eau et un point de souille pour se baigner, les protégeant des coups de soleil et des moustiques.

« Avoir un objectif final de production ne doit pas empêcher de bien les considérer », affirme Jérôme, évoquant sa récente découverte des conditions d’abattage. Il décrit un petit corridor où les animaux descendent du camion doucement, où il est possible de les caresser et de les rassurer avant leur passage à l’abattoir, une méthode respectueuse qu’il souhaite promouvoir.

Son élevage compte actuellement deux mâles reproducteurs et quatre truies mères, avec l’ambition d’ajouter deux femelles adultes supplémentaires pour augmenter la production tout en assurant des rotations saines des portées. Ce choix, bien que s’inscrivant dans une logique industrielle, reste un compromis accepté.

Il constate que l’agriculture confronte souvent les rêves à une réalité dure : « tu arrives avec un rêve et souvent on te claque la porte ». Cependant, il insiste pour rester un petit acteur marginal tout en jouant le jeu du système, sans totalement s’y soumettre.

Une fierté fondée sur le respect des principes

Jérôme tient à garantir plusieurs mois de repos entre chaque portée pour ses truies, affirmant que le bien-être doit primer sur la quantité ou le profit financier. Il explique qu’une densité trop élevée d’animaux par parcours s’éloigne des conditions naturelles, telles que celles des sangliers, et il refuse de transiger sur cette règle, même dans l’optique d’augmenter le nombre de cochons.

Malgré une année sans versement de salaire, Jérôme et sa famille tiennent bon, convaincus de suivre la bonne voie grâce à leurs principes et leur ténacité. Il se réjouit des rencontres avec d’autres agriculteurs partageant la même vision, ainsi que des visites de partenaires et clients à la ferme.

Fièrement, il montre ses animaux, la nurserie et son mode de travail. Même si les week-ends sont rares, travailler au cœur de la nature, avec ses enfants qui l’aident ou s’amusent à côté, reste un privilège rare.

Jérôme est confiant : avec une augmentation progressive de son cheptel porcin, les débouchés suivront grâce au bouche-à-oreille. « On va y arriver », affirme-t-il avec détermination.