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Des analystes estiment que le gouvernement israélien, soutenu par le courant national‑religieux, avance résolument vers l’annexion de larges portions de la Cisjordanie, en premier lieu la vallée du Jourdain. Ils soulignent que cette politique bénéficie d’un soutien américain implicite et repose sur des motifs à la fois idéologiques et sécuritaires.
Selon ces observateurs, l’annexion constituerait une violation flagrante du droit international, porterait un coup fatal au principe des deux États et placerait l’Autorité palestinienne dans une impasse existentielle. Elle imposerait également des charges lourdes à l’institution sécuritaire israélienne.
Contexte politique et manœuvres en coulisses
Le premier ministre Benjamin Netanyahu aurait demandé à ses ministres de ne pas évoquer publiquement la volonté d’imposer la souveraineté israélienne sur la Cisjordanie et de garder la démarche confidentielle, par crainte d’un retrait de soutien du président américain Donald Trump.
Selon le quotidien Maariv, un sommet politique et sécuritaire devait se tenir au bureau de Netanyahu pour étudier l’éventualité d’imposer la souveraineté sur la Judée et la Samarie et de décider de mesures de riposte contre l’Autorité palestinienne et les pays soutenant la reconnaissance d’un État palestinien. La réunion a ensuite été reportée sans date annoncée.
Soutien implicite et objectifs affichés
Le site israélien Walla rapportait que le ministre des Affaires étrangères, Gidéon Sa’ar, a informé son homologue américain Marco Rubio lors de leur rencontre à Washington que l’État hébreu progresse discrètement vers l’imposition de sa souveraineté sur la Cisjordanie.
Le chercheur en politiques israéliennes Imad Abu Awad indique que le gouvernement cherche l’approbation du cabinet restreint (le « Cabinet ») pour annexer la vallée du Jourdain, qui représente environ 30 % de la superficie de la Cisjordanie.
- Selon Abu Awad, une approbation américaine tacite signifierait un contrôle israélien sur près de 90 % du territoire si l’annexion s’étendait aux principaux blocs d’implantation.
- Les motifs avancés sont surtout idéologiques et sécuritaires : la vallée du Jourdain et les grands blocs de colonies sont considérés comme des zones stratégiques jugées non négociables.
- Objectif déclaré par les promoteurs : empêcher la reconfiguration politique et territoriale nécessaire à la création d’un État palestinien viable.
Violation du droit international
Le professeur de droit international Raed Badwiya, à l’Université arabo‑américaine, considère que l’annexion constituerait « une violation flagrante du principe d’interdiction de l’acquisition de territoires par la force », en contradiction avec la Charte des Nations unies et les résolutions du Conseil de sécurité, notamment la résolution 242.
Badwiya avertit que toute initiative en ce sens exposerait Israël à des responsabilités sur la scène internationale et à des procédures devant la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale.
Par ailleurs, alors même que les discussions sur l’annexion s’intensifient, le bilan du conflit reste lourd selon les autorités palestiniennes :
- Plus de 1 016 Palestiniens tués.
- Environ 7 000 blessés.
- Plus de 18 500 détenus.
Badwiya estime qu’au-delà des responsabilités juridiques, plus de trois millions de Palestiniens pourraient se retrouver dans une « zone d’incertitude existentielle », avec un risque accru de politiques de déplacement forcé, tant par la voie militaire que par des pressions économiques et administratives.
Impact sur l’Autorité palestinienne
Les analystes consultés par Al Jazeera s’accordent à dire que le projet d’annexion plongerait l’Autorité palestinienne dans une crise existentielle, la réduisant d’un acteur politique à une entité administrative aux prérogatives limitées.
- Imad Abu Awad affirme que l’Autorité joue déjà un rôle essentiellement administratif en assumant des tâches de gouvernance au service de l’occupation, notamment dans la santé et l’éducation.
- Selon Raed Badwiya, ses responsabilités se limiteraient à la gestion civile quotidienne, sans dimension politique ni souveraine, ce qui fragiliserait son projet national.
- Le spécialiste en sécurité Osama Khaled estime que l’Autorité se trouverait de fait « dans l’état d’une entité disloquée », placée sous supervision du commandement militaire israélien si les plans d’annexion allaient à leur terme.
Conséquences sécuritaires pour Israël
Osama Khaled met en garde contre les coûts sécuritaires qu’entraînerait l’annexion pour Israël. Selon lui, l’armée ferait face à un épuisement des ressources humaines et matérielles.
Les charges supplémentaires pèseraient sur :
- La gestion des opérations de sûreté et de maintien de l’ordre sur un territoire élargi.
- Les plans d’urgence et les niveaux de mobilisation, surtout dans le contexte de la guerre à Gaza et d’éventuels fronts supplémentaires.
- La pression sur le recrutement et la disponibilité des forces armées.
Khaled souligne que, malgré ces coûts, la classe politique israélienne semble faire preuve d’une « indifférence politique », profitant du soutien implicite américain et du silence international pour instaurer progressivement une nouvelle réalité sécuritaire et politique.
En juillet, la Knesset a adopté un projet de loi en faveur de « l’imposition de la souveraineté » sur certaines parties de la Cisjordanie, où vivent près de 700 000 colons israéliens, renforçant ainsi la dynamique vers une annexion effective.
Éléments clés à retenir
- L’« annexion Cisjordanie » est présentée par ses promoteurs comme une mesure stratégique et idéologique, ciblant en particulier la vallée du Jourdain.
- Des juristes internationaux qualifient toute annexion de violation du droit international et anticipent des recours devant les juridictions internationales.
- Le projet menace l’existence politique de l’Autorité palestinienne et risque d’imposer des coûts sécuritaires importants à Israël.
- La dynamique politique interne israélienne, couplée à un soutien international implicite, maintient la perspective d’une annexion au cœur des décisions à venir.