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Accusations de corruption, sanctions internationales et tentative d’extension de son influence sur des secteurs stratégiques : la figure controversée de Delyan Peevski a embrasé la rue bulgare ces dernières semaines. Des milliers de manifestants, conduits notamment par des jeunes de la génération Z, ont réclamé la fin de ce qu’ils qualifient de « mafia » au pouvoir, provoquant la démission du gouvernement de coalition le 11 décembre.
Le déclencheur : un projet de budget et des privilèges contestés
La colère est née autour du projet de budget 2026, porté sans large concertation et perçu comme un moyen de consolider le pouvoir de certains acteurs. Parmi les mesures les plus controversées figuraient l’attribution d’un privilège sur le monopole du tirage au sort national à un proche de Peevski et des dispositions visant la nationalisation partielle d’une grande raffinerie de la région.
Ces propositions ont alimenté l’idée que Delyan Peevski cherchait à accroître son emprise sur les institutions et les ressources économiques du pays, comme le loto d’État et une raffinerie majeure.
Pourquoi Peevski concentre la colère
Pour de nombreux manifestants, Peevski symbolise une oligarchie qui mêle médias, affaires et influence politique. Des slogans tels que « Sortez la mafia du pouvoir » ou « Peevski et Borisov — ne nous gouvernez pas » ont été visibles lors des rassemblements.
Les jeunes ont aussi utilisé des symboles satiriques autour de Peevski et du chef de l’ancien parti dominant, exprimant un rejet de la collusion perçue entre pouvoir politique et intérêts privés.
Allégations, enquêtes et sanctions internationales
Delyan Peevski est dans le collimateur depuis plusieurs années. Il apparaît dans les « Pandora Papers » pour l’usage de sociétés offshore, et la communauté internationale lui reproche des pratiques d’influence et de corruption.
Les États-Unis ont inscrit Peevski sur une liste de sanctions en application d’une loi dite « Magnitsky », le qualifiant d’oligarque impliqué régulièrement dans des actes de corruption, y compris le versement de pots-de-vin et l’utilisation de son influence pour s’assurer une protection politique et judiciaire.
- Pandora Papers : détention de sociétés offshore non déclarées pendant son mandat parlementaire.
- Sanctions américaines et britanniques étendues en 2021 et 2023 pour des activités présumées de corruption.
- Accusations répétées de contrôle des médias et de manipulation d’appels d’offres publiques.
Parcours politique et ancrage local
Né en 1980, Peevski a tissé son ascension entre postes publics, activités commerciales et médias. Il a été député, membre du Parlement européen et dirigeant du parti des minorités muçulmanes, le Mouvement pour les droits et libertés (MRF).
Sa nomination controversée en 2013 comme prétendant au poste de directeur des services de renseignement avait déjà déclenché de fortes mobilisations populaires et forcé le retrait de sa candidature, montre que sa trajectoire politique suscite régulièrement des résistances.
Stratégie politique : achat de voix et contrôle local
Critiques et observateurs dénoncent une pratique clientéliste au sein du parti dirigé par Peevski, reposant selon eux sur l’achat de voix et la distribution de ressources à des municipalités ciblées.
Des figures locales ont quitté le parti ou dénoncé publiquement ce modèle, tandis que des voix au sein de la communauté turque et musulmane ont appelé à ne pas soutenir les manifestations en faveur de Peevski.
Tensions ethniques et instrumentalisation
Peevski a tenté de mobiliser des considérations identitaires en se présentant comme le défenseur des Turcs et des musulmans bulgares, affirmant qu’il n’accepterait pas que « l’on insulte son peuple ». Cette posture a été perçue par ses adversaires comme une tentative d’instrumentaliser les tensions ethniques pour consolider son soutien.
Cependant, plusieurs responsables et organisations de la communauté turque ont publiquement refusé de l’appuyer, et des dissensions internes au MRF ont émergé, contribuant à l’élargissement des protestations antigouvernementales.
Position sur les affaires internationales et réactions communautaires
La position pro‑israélienne affichée par Peevski sur certains dossiers internationaux, notamment au sujet du conflit à Gaza, a provoqué stupeur et rejet dans une partie de l’électorat musulman du pays. Des dirigeants locaux ont pointé l’incohérence entre la représentation supposée des intérêts des musulmans et des prises de position étrangères qui heurtent leurs opinions.
Cette fracture a renforcé la défiance à son égard et contribué à isoler politiquement Peevski, notamment dans des zones où le MRF détenait traditionnellement une assise électorale solide.
Conséquences politiques et perspectives
La crise a mis en lumière la fragilité des majorités parlementaires et le poids qu’un petit groupe de députés peut exercer dans la formation de coalitions. Malgré ses 29 sièges, le MRF et son leader ont joué un rôle décisif dans l’équilibre politique national.
Les manifestations récentes ont relancé le débat sur la transparence, l’indépendance des institutions et la lutte contre l’impunité. Elles posent la question de la réforme du système politique et du rôle des réseaux d’influence dans la vie publique bulgare.