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Un voyage inattendu se dessine entre la Chine et les États-Unis, illustré par le parcours de quelques litres d’huile de cuisson usagée. Ces résidus des populaires fondues chinoises, notamment dans la province du Sichuan, sont collectés par des entreprises spécialisées. Après un traitement dans des usines locales, cette huile traverse le Pacifique pour rejoindre la Californie, où elle est transformée en biocarburants pour alimenter des avions américains. Sichuan Jinshang Environmental Protection Technology, une entreprise active à Chengdu, résume ce processus avec le slogan : _Let gutter oil fly_.
La Chine, premier exportateur mondial d’huile de cuisson usagée
Ce n’est pas un hasard si la Chine est devenue le premier exportateur mondial d’huile de cuisson usagée. Chaque année, environ 3 millions de tonnes d’huile sont récupérées dans des restaurants et cantines. Selon Ryan Standard, analyste des biocarburants chez Fastmarkets, les infrastructures de collecte se sont développées, mais le secteur demeure opaque.
La montée des importations américaines
Depuis 2022, les importations américaines d’huile de cuisson usagée ont connu une forte augmentation, en grande partie grâce à l’Inflation Reduction Act (IRA) du président Joe Biden, qui a alloué 3,3 milliards d’euros pour promouvoir la production de carburants durables. Les États-Unis manquaient de matières premières nécessaires à cette production, ce qui a conduit à une dépendance accrue envers l’importation de cette huile, alors qu’elle était auparavant principalement utilisée en Chine.
Une faible teneur en carbone et un marché attractif
Pékin est désormais le principal fournisseur d’huile de cuisson pour les États-Unis, qui l’utilisent pour produire du biodiesel. De janvier à août, plus de 680 000 tonnes d’huile usagée en provenance de Chine représentaient plus de la moitié des importations américaines. L’huile de cuisson usagée est prisée en raison de sa faible teneur en carbone, qui permet d’obtenir des subventions élevées pour les biocarburants. Manish Marwaha, fondateur de Byufuel, souligne son bon rendement comparé aux huiles végétales traditionnelles.
Des inquiétudes pour l’industrie américaine
Malgré l’intérêt croissant pour l’huile usagée, l’industrie américaine des biocarburants exprime des préoccupations. L’association de producteurs Nopa, incluant Cargill, souhaite que les crédits d’impôt de l’IRA profitent uniquement aux producteurs américains. Un groupe de sénateurs républicains a également appelé à un contrôle plus strict de la composition de l’huile de cuisson chinoise pour éviter que l’argent des contribuables ne finance des produits potentiellement frauduleux.
La coopération entre les États-Unis et la Chine
Malgré les tensions internationales, une coopération existe entre les États-Unis et la Chine, où chaque partie joue un rôle complémentaire. Toutefois, une éventuelle restriction des importations d’huile d’origine chinoise pourrait se produire, en particulier si Donald Trump remporte les élections présidentielles. Ce risque existe également du côté chinois, où le gouvernement pourrait envisager de taxer ses propres exportations pour développer le secteur en interne.
Un marché en évolution en Europe
En Europe, des barrières douanières sur le biodiesel chinois ont été mises en place suite à des enquêtes antisubventions. Les risques de fraude concernant la composition de l’huile sont également soulevés. À l’avenir, l’Europe pourrait envisager d’importer ses carburants durables des États-Unis, surtout à l’approche des objectifs de durabilité pour le secteur aérien.
Vers un avenir prometteur pour les biocarburants
Les États-Unis prévoient d’ouvrir une trentaine d’unités de production de biocarburants dans les cinq prochaines années. La Chine pourrait répondre à cette demande croissante, avec un potentiel de collecte d’huile usagée dépassant 5 millions de tonnes par an. Cependant, Cian Delaney de Transport & Environnement rappelle que cela ne suffira pas à décarboner l’ensemble du secteur aérien.