Table of Contents
Au Forum de Doha 2025, des intervenants ont insisté sur la nécessité d’un travail collectif, à l’échelle internationale et intégrée, pour renforcer l’action humanitaire au-delà des aides ponctuelles. Ils ont appelé à des solutions durables centrées sur les aides monétaires multi-usages afin de préserver la dignité et d’accroître la résilience des populations vulnérables.
Les discussions ont souligné que l’aide en espèces donne aux bénéficiaires la liberté de décider et contribue à réduire la dépendance aux mécanismes d’assistance traditionnels. Les intervenants ont également alerté sur l’exclusion financière comme facteur central qui entrave la reprise et la participation économique des personnes affectées par les crises.
Contexte et défis actuels
Les crises humanitaires contemporaines sont plus longues et plus complexes, dépassant souvent la portée des modèles d’aide classiques. Si l’assistance d’urgence reste indispensable, elle peut aussi créer des cercles de dépendance qui portent atteinte à la dignité des personnes.
Les participants ont rappelé quelques chiffres clés illustrant l’ampleur du défi :
- 1,4 milliard d’adultes n’ont pas accès à des services financiers de base.
- De nombreux exclus se trouvent dans des zones de conflit et des contextes fragiles.
- Sans outils financiers sûrs, les populations ne peuvent ni recevoir l’aide en sécurité, ni épargner, ni participer pleinement à la vie économique.
Voix officielles : la position du Qatar
La ministre qatarie de la Coopération internationale, Mariam bint Ali Al Misnad, a insisté sur l’importance d’un partenariat étroit entre les secteurs humanitaire, financier et technologique pour restaurer la dignité en période de crise.
Selon elle, les crises ne diminuent pas la dignité humaine ; c’est la manière dont on y répond qui la protège. Elle a appelé à penser au‑delà des solutions traditionnelles et à bâtir des partenariats incluant gouvernements, secteur privé, acteurs humanitaires, institutions financières et opérateurs de télécommunications.

Témoignages et besoins sur le terrain
Des témoignages directs ont mis en lumière l’écart entre ressources disponibles et besoins croissants. Wissam Hamada, mère de la Palestinienne Hend Rajab, a expliqué que l’écoute des expériences vécues révèle des manques criants, en particulier pour la nourriture, les médicaments et la répartition équitable de l’aide.
Elle a insisté sur la nécessité d’acheminer l’assistance de façon digne, par des mécanismes durables qui permettent aux déplacés et aux réfugiés de retrouver la capacité de décider de leur vie et de leurs moyens d’existence.
Initiatives et exemples concrets
Lisa Doughten, directrice de la section financement et communication au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a évoqué une initiative qatarie visant à offrir aux femmes et à d’autres populations la possibilité d’accéder à une autonomisation réelle grâce aux aides monétaires multi‑usages.
OCHA participe à la coordination mondiale des transferts en espèces et soutient les acteurs humanitaires dans leur mise en œuvre. Un exemple cité : un projet d’une valeur de 13 millions de dollars, soutenu en partie par le Qatar, pour fournir des aides monétaires et des bons d’achat aux déplacés du nord‑ouest de la Syrie.
- Coordination internationale des transferts en espèces par OCHA.
- Projet en Syrie : 13 millions de dollars pour aides monétaires et bons d’achat.
Rôle des réseaux financiers et technologiques
Sviatoslav Sinyuta, vice‑président des solutions gouvernementales chez Visa pour l’Europe centrale, le Moyen‑Orient et l’Afrique, a souligné le rôle unique des réseaux financiers mondiaux en période de crise. Ces réseaux complètent les solutions locales en permettant un déploiement rapide et sécurisé des aides.
Il a détaillé la portée de ces infrastructures :
- Plus de 150 millions de commerçants connectés mondialement.
- Environ 15 000 institutions financières intégrées.
- Présence dans plus de 200 pays et territoires, permettant des versements vérifiés via cartes, portefeuilles numériques ou codes électroniques.
Ces outils facilitent l’accès aux marchandises et services même en cas de déplacements transfrontaliers.
Approche des organisations humanitaires
Carl Skau, directeur exécutif adjoint et directeur des opérations du Programme alimentaire mondial, a rappelé que l’assistance en espèces s’est imposée comme une composante majeure de l’action du PAM. Là où, il y a quinze ans, les initiatives en espèces étaient limitées, aujourd’hui elles atteignent des dizaines de millions de personnes.
Chiffres cités :
- 60 millions de personnes aidées l’an dernier par des transferts en espèces.
- Près de 2 milliards de dollars déployés, soit environ la moitié des opérations du PAM.
- Soutiens numériques : environ 250 000 Palestiniens bénéficient actuellement de portefeuilles électroniques dans la bande de Gaza.

Droits humains et impératif légal
Mohammad Seif Al‑Kuwari, vice‑président de la Commission nationale pour les droits de l’homme au Qatar, a exprimé une vive préoccupation face à l’exclusion financière persistante de millions de personnes en environnements fragiles.
Il a rappelé que priver des individus d’un accès aux services financiers de base constitue une forme indirecte de violation de leurs droits au développement et à une vie digne. Pour y remédier, il a recommandé :
- L’intégration d’une approche basée sur les droits dans les politiques humanitaires et de développement.
- Le renforcement des cadres juridiques et réglementaires.
- La mise à disposition de plateformes financières sûres et fiables.
- La coopération étroite entre gouvernements, ONG et institutions financières.
Éducation, compétences et inclusion numérique
Selon Salah Khaled, représentant de l’UNESCO pour les pays du Golfe et le Yémen et directeur du bureau de l’organisation à Doha, l’inclusion financière ne peut être dissociée de l’éducation et des compétences numériques.
Les enfants et les jeunes touchés par les crises rencontrent des barrières doubles : accès limité à l’éducation et manque d’outils pour s’intégrer économiquement. L’UNESCO promeut des solutions durables fondées sur la technologie et la connaissance, en soutenant :
- Des programmes d’éducation numérique.
- Des initiatives de développement des compétences financières.
- Des partenariats régionaux pour assurer l’accès des populations vulnérables à des opportunités éducatives et économiques.

Appels à l’action concrets
Les participants au Forum ont convergé vers des priorités opérationnelles destinées à transformer l’assistance humanitaire :
- Adopter et étendre les aides monétaires multi‑usages pour restituer le pouvoir de choix aux bénéficiaires.
- Construire des partenariats intégrés entre acteurs publics, privés, humanitaires, financiers et technologiques.
- Renforcer les cadres juridiques et les plateformes financières pour garantir sécurité et fiabilité.
- Investir simultanément dans l’éducation, la formation numérique et les compétences financières.
- Intégrer systématiquement une approche basée sur les droits pour ne laisser personne derrière.
Ces recommandations visent à préserver la dignité des populations affectées et à leur offrir des voies durables vers la reprise et l’autonomie économique.