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Crise électrique à Aden: une ville plongée dans l’obscurité en Yemen

by Sara
Crise électrique à Aden: une ville plongée dans l'obscurité en Yemen
Yemen

Une ville plongée dans l’obscurité

À Aden, dans un quartier populaire surpeuplé, Mansour Sofiane, 45 ans, se tient devant sa maison plongée dans l’obscurité. Entouré de ses trois enfants, il cherche désespérément une bouffée d’air pour atténuer la chaleur accablante de l’été dans cette ville que le gouvernement yéménite reconnu internationalement considère comme capitale temporaire du pays.

Ce tableau n’est pas une exception, mais reflète la souffrance quotidienne des habitants d’Aden, écrasés par une crise électrique sévère qui transforme leur vie en un enfer insoutenable. La ville, déjà épuisée, se dirige vers une catastrophe humanitaire imminente.

Vivre dans la chaleur et le silence électrique

Mansour vit dans le district de Sheikh Othman avec sa famille de cinq personnes. Ils alternent entre les nuits étouffantes à l’intérieur de la maison et sur le toit infesté de moustiques. Comme des milliers d’autres habitants, ils sont contraints de passer leurs nuits à l’extérieur ou sur les toits pour fuir les pièces devenues de véritables fours à cause de la chaleur et des coupures d’électricité, privant de sommeil et d’air respirable.

Manifestants bloquant une route en signe de protestation contre les coupures d'électricité

Des manifestants ont bloqué les routes pour dénoncer ces interruptions répétées d’électricité.

Une crise électrique sans précédent

Aden subit un effondrement quasi total de son système électrique, avec des coupures dépassant 22 heures par jour. Cette crise est considérée comme la plus grave de l’histoire de la ville, qui fut pourtant la première à bénéficier de l’électricité dans la péninsule arabique dans les années 1920.

Mansour décrit sa réalité : « Dormir est devenu un rêve lointain… la nuit est un enfer à cause de la chaleur et le jour est encore plus dur. » Il ajoute, avec un ton empreint de désespoir : « Nous vivons un enfer insupportable, personne ne nous écoute… c’est comme si nous étions complètement oubliés par l’État. »

Les souffrances ne se limitent pas à la chaleur ou à l’insomnie. La crise menace la vie même des habitants, impactant tous les aspects de la vie quotidienne, notamment les services essentiels comme l’eau, l’assainissement et les soins de santé. Ces défaillances constituent les pires difficultés que la ville ait jamais connues.

Ces derniers jours, les coupures ont provoqué une vague de colère populaire, avec des manifestations incluant des incendies de pneus et la fermeture des rues, en protestation contre la dégradation des services publics, en particulier l’électricité.

Le lundi précédent, un drame a frappé Aden : un homme et son épouse sont morts asphyxiés au monoxyde de carbone dans leur voiture, où ils s’étaient réfugiés pour échapper à la chaleur extrême.

Bien que la crise électrique soit récurrente chaque été, la ville n’a jamais connu auparavant une coupure aussi totale et prolongée qu’aujourd’hui, menaçant la vie des habitants et paralysant les infrastructures vitales.

Aden plongée dans l'obscurité lors de la crise électrique

Les causes profondes de la crise

Selon les autorités, la principale cause de l’aggravation de la crise est la dégradation des infrastructures et la baisse de la capacité de production par rapport aux besoins réels. Cette situation est aggravée par un manque chronique de carburant, de pièces de rechange et par les coûts élevés d’exploitation.

Aden dépend d’un mélange de centrales fonctionnant au mazout, au diesel, au pétrole brut, ainsi que d’un champ d’énergie solaire.

Sur 17 centrales électriques, seules 5 fonctionnent actuellement. Les 12 autres sont arrêtées faute de carburant et d’entretien, selon les responsables du secteur.

Le gouvernement yéménite indique que le coût d’exploitation de l’électricité à Aden s’élève à environ 55 millions de dollars par mois, soit 1,8 million par jour. Les revenus mensuels ne couvrent même pas le coût d’une seule journée, compliquant davantage la situation financière et des services.

Centrale électrique arrêtée à Aden par manque de carburant

Selon l’ingénieur Ghassan Alzammaki, adjoint au gouverneur chargé des projets, la crise est « catastrophique et tragique » en raison des températures élevées et de l’effondrement quasi total du système énergétique. Il souligne que la crise affecte directement les services d’eau et d’assainissement, appelant à une intervention urgente pour éviter une aggravation de la situation.

Un déficit énergétique majeur

Alzammaki explique que la crise remonte à l’arrêt des raffineries d’Aden après la guerre de l’été 2015. Ces raffineries étaient la source principale de raffinage et de distribution des dérivés pétroliers pour les centrales électriques. Cette situation a forcé le gouvernement à importer du carburant à des prix très élevés, notamment le diesel, qui est l’un des carburants les plus coûteux.

Le projet de la « centrale présidentielle », fonctionnant au pétrole brut avec une capacité de 64 mégawatts, a partiellement atténué la crise. Cependant, l’approvisionnement en pétrole brut est irrégulier en raison de l’arrêt de la production dans les champs de Hadhramaut, Shabwa et Marib à cause des attaques des Houthis, ce qui complique davantage la situation.

Aden a besoin d’environ 600 mégawatts par jour pour répondre à la demande et sortir de la crise. Or, la capacité de production actuelle ne dépasse pas 138 mégawatts dans le meilleur des cas, créant un déficit important et accentuant la souffrance des habitants.

Cette crise est aggravée par la dégradation des services publics, l’effondrement économique brutal et la dévaluation continue de la monnaie locale, qui font grimper les prix et étendent la pauvreté. L’utilisation de générateurs privés ou l’achat de carburant deviennent un luxe inaccessible pour la majorité des familles déjà épuisées.

Manifestants protestant contre les coupures d'électricité à Aden

Risques sanitaires et humanitaires croissants

Les risques d’épidémies et de maladies augmentent, notamment après l’annonce mi-avril du bureau de surveillance épidémiologique faisant état de plus de 50 000 cas suspects de paludisme, 1 000 cas confirmés de dengue et 12 décès.

Les observateurs craignent que la persistance de la crise sans intervention rapide pour fournir du carburant et réhabiliter les infrastructures électriques n’aggrave davantage la situation humanitaire, rendant la situation plus complexe.

Conséquences économiques et sociales dévastatrices

Le journaliste et analyste économique Majed Al-Daari met en garde contre les conséquences catastrophiques de la crise électrique. Il souligne que son impact dépasse la sphère de la vie quotidienne pour toucher l’économie, la santé et la dimension humanitaire de manière globale.

Il explique que l’absence d’électricité paralyse toutes les activités économiques, depuis les commerçants dont les denrées périssent dans les réfrigérateurs, jusqu’aux ateliers, restaurants et cantines dont les activités sont arrêtées, sans oublier les familles privées des conditions minimales de confort.

L’utilisation croissante de générateurs privés accroît les charges financières, car les coûts d’exploitation dépassent les revenus possibles, dans un contexte d’effondrement économique et de dépréciation continue de la monnaie locale.

source:https://www.aljazeera.net/ebusiness/2025/5/8/%d8%b9%d8%af%d9%86-%d9%81%d9%8a-%d9%82%d8%a8%d8%b6%d8%a9-%d8%a7%d9%84%d8%b8%d9%84%d8%a7%d9%85-%d9%88-%d8%a3%d8%b2%d9%85%d8%a9-%d9%83%d9%87%d8%b1%d8%a8%d8%a7%d8%a1-%d8%aa%d8%ae%d9%86%d9%82

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