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Sous un soleil de plomb et dans un mélange d’émotions mêlant colère, déception et détermination, des milliers d’anciens combattants se sont rassemblés vendredi au cœur de Washington, D.C. Cette manifestation, la plus importante du genre, visait à dénoncer les politiques de l’administration du président Donald Trump, qui promettent une réduction drastique du budget du ministère des Anciens Combattants.
Plus tôt cette année, le président Trump avait annoncé son intention de procéder à une « restructuration complète » du département dédié, incluant une baisse budgétaire d’environ 15 %, sous prétexte de « réduire les dépenses publiques et d’améliorer l’efficacité ». Il a justifié cette décision par la nécessité de combattre une « bureaucratie excessive » et de mettre en place une gestion plus fluide.
Cependant, cette initiative, qui pourrait entraîner la suppression de près de 83 000 emplois au sein du ministère, a suscité une vague de mécontentement. Ses détracteurs la considèrent comme une attaque contre les droits de ceux qui ont risqué leur vie au service du pays, une tentative insidieuse de démanteler le système de soins qui leur est destiné.
Le « Serment » américain
La National Mall, espace emblématique de Washington, s’est teintée des couleurs du drapeau américain. Les participants ont brandi des pancartes exprimant leur rejet des politiques de Trump à l’égard du ministère des Anciens Combattants. Le mouvement ne regroupait pas uniquement des vétérans ; des membres de leurs familles étaient également présents, arborant des slogans tels que :
- « Les soins ne sont pas un luxe, mais une dette »
- « Est-ce ainsi que vous dites merci pour notre service ? »
Dona, mère et grand-mère de vétérans, a insisté pour participer à la manifestation. Elle a déclaré : « Ceux qui risquent leur vie aux quatre coins du monde ne demandent pas grand-chose ; ils veulent seulement que la promesse qui leur a été faite soit tenue : soins, soutien et dignité. »
Cette « promesse » fait référence au serment national envers les anciens combattants, un engagement moral et officiel pris par le Congrès américain lors de l’adoption de la loi des anciens combattants en 1944, qui accordait aux soldats revenus de la Seconde Guerre mondiale des avantages en matière de santé, d’éducation et de logement.
Ce serment s’est depuis élargi pour englober un réseau complet de services supervisés par le ministère des Anciens Combattants, désormais la deuxième plus grande agence fédérale après le Pentagone.
Un sentiment de trahison
De nombreux manifestants ont évoqué l’impact des réductions budgétaires sur l’accès aux soins, particulièrement pour les vétérans souffrant de handicaps physiques ou psychologiques. Certains redoutent qu’il s’agisse d’un prélude à une privatisation progressive des services de santé destinés aux anciens combattants, qu’ils qualifient de « trahison flagrante » après des décennies de service et de sacrifices.
Ned, un vétéran ayant servi 14 ans en service actif et en réserve, a exprimé son inquiétude face à la dégradation des services essentiels consécutive aux coupes budgétaires :
- « J’ai pris rendez-vous pour un examen de mes yeux, qui perdent lentement la vue, il y a plus de quatre mois, et je n’ai obtenu un créneau qu’en décembre. Imaginez attendre plus de six mois pour une consultation sur un problème potentiellement aggravant. »
Il a également souligné que de nombreux amis, employés dans des secteurs fédéraux après la fin de leur service militaire, ont récemment perdu leur emploi suite aux vagues de licenciements gouvernementaux. Selon lui, ce système ne soutient plus ceux qui ont servi leur pays, abandonnant ces derniers au moment où ils en ont le plus besoin.
Sharon, venue de Louisiane, n’a pas caché son ressentiment vis-à-vis des politiques du Parti républicain, qu’elle a qualifié de « parti nazi ». Elle a affirmé :
- « Je suis vétérane, ma fille aussi, et mon frère a combattu au Vietnam. Mais je serais venue manifester même sans avoir servi, car ce qui se passe est une insulte collective. Ce que le gouvernement fait au ministère des Anciens Combattants est tout simplement dégoûtant. »
Une date symbolique
Le choix du 6 juin n’était pas anodin : cette date marque le 81e anniversaire du débarquement en Normandie, l’une des plus grandes opérations militaires de la Seconde Guerre mondiale. Ce symbole puissant rappelle l’histoire de sacrifice militaire à laquelle les vétérans modernes se réfèrent.
Parmi les figures politiques présentes, la sénatrice Tammy Duckworth et l’ancien membre du Congrès Adam Kinzinger ont affiché leur soutien aux manifestants. De son côté, le groupe de rock Dropkick Murphys a enflammé la foule avec des chansons engagées en faveur des travailleurs et des soldats, apportant une dimension artistique au mouvement.
Les organisateurs, menés par la coalition « United for Veterans », ont qualifié cette mobilisation de la plus vaste et la mieux coordonnée de l’histoire récente des États-Unis, tant par le nombre de participants que par la répartition géographique des actions.
Les protestations ont été organisées dans 43 États, incluant la Californie, le Texas, la Géorgie et New York, en plus de l’événement principal à Washington. De nombreux syndicats, organisations à but non lucratif et familles de vétérans ont pris part à cette mobilisation, espérant ainsi exercer une pression populaire significative sur l’administration américaine et le Congrès. Leur objectif : faire revenir à la raison les décideurs et préserver ce qu’ils appellent « le cœur même du pacte entre la nation et ses anciens combattants ».