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Depuis vendredi, les accrédités du Festival de Cannes – presse, protocole, festival – se retrouvent dès 7 heures chaque matin sur la plateforme de réservation des billets, pour tenter d’accéder aux projections qui rythmeront douze jours intenses, de 8h30 jusqu’à minuit. La cérémonie d’ouverture, programmée mardi soir, sera animée par Laurent Lafitte, reconnu pour son humour subtil et caustique. Au programme : un discours de la présidente Juliette Binoche, une palme d’honneur remise à Robert De Niro pour l’ensemble de sa carrière, ainsi qu’une performance « exceptionnelle » de Mylène Farmer. Le déroulé précis de la soirée reste pour l’instant confidentiel.
Un Festival entre renaissance et enjeux géopolitiques
L’actualité géopolitique particulièrement chargée a quelque peu éclipsé l’étonnante résilience du Festival de Cannes après la période Covid. La première édition post-pandémie en juillet 2021 avait laissé entrevoir un déclin possible, mais les éditions 2023 et 2024 ont démontré un regain d’énergie, malgré une redistribution des forces sur le marché du cinéma mondial. Contrairement à Venise, Cannes refuse toujours d’admettre des films destinés à contourner la projection publique, préservant ainsi une exception culturelle française qui valorise la salle de cinéma.
Cette position, certes lourde de contraintes, a renforcé la prééminence de Cannes face à la montée en puissance des plateformes. Le Festival a su connecter son influence à la dynamique renouvelée des Oscars, plus jeunes et inclusifs, à travers des parcours marquants comme ceux de Justine Triet, sacrée pour Anatomie d’une chute, Jacques Audiard cette année avec Emilia Pérez ou encore le succès d’Anora de Sean Baker, Palme d’or puis Oscar du meilleur film.
La 78e édition s’annonce pleine de surprises, à l’image de l’année passée avec la révélation inattendue d’Anora. Le Festival demeure un lieu d’épiphanies, un rempart contre la logique purement commerciale de diffusion et de flux. Toutefois, cette confiance retrouvée est fragile : les récentes menaces de Donald Trump sur des taxes hypothétiques visant les films non tournés aux États-Unis ont semé l’incertitude parmi les professionnels, dans un contexte où la visibilité de l’administration américaine semble aussi floue que le trajet du Titanic avant sa collision fatale.
Une sélection en mouvement et des auteurs à l’honneur
Depuis la conférence de presse d’avril, le délégué général du Festival a continué d’affiner la sélection, intégrant plusieurs films et cinéastes en dernière minute. Parmi eux, le nouveau long-métrage de la réalisatrice britannique Lynne Ramsay, Die, My Love, porté par un casting prestigieux avec Jennifer Lawrence, Robert Pattinson et Sissy Spacek. Ce film explore le combat d’une femme contre la folie.
Autre ajout tardif, Woman and Child de Saeed Roustayi, figure montante du cinéma iranien, déjà remarqué pour La Loi de Téhéran et Leila et ses frères (compétition 2022). Enfin, Resurrection, projet longtemps retardé du Chinois Bi Gan, est attendu en fin de Festival, après une longue post-production.
La sélection 2025, qualifiée de « glamour grave », promet ainsi une diversité de regards et de styles, fidèle à l’esprit de découverte et d’excellence qui caractérise Cannes.
Juliette Binoche, présidente du jury : une carrière en miroir
Juliette Binoche, habituée du Festival depuis 1985 – année où sa carrière a décollé avec la projection officielle de Rendez-vous d’André Téchiné – prend cette année la présidence du jury. En compagnie de 22 films à évaluer, elle sera entourée de noms prestigieux : Halle Berry (actrice et cinéaste américaine), la réalisatrice indienne Payal Kapadia, l’actrice italienne Alba Rohrwacher, la romancière franco-marocaine Leïla Slimani, le réalisateur congolais Dieudo Hamadi, le cinéaste coréen Hong Sang-soo, le producteur mexicain Carlos Reygadas et l’acteur américain Jeremy Strong.
À quelques jours du début du Festival, Juliette Binoche a évoqué ses premiers chocs cinématographiques, l’importance de Cannes dans sa carrière, ainsi que son engagement pour un cinéma d’auteur exigeant, défendant une création affranchie d’une simple logique financière.
Mylène Farmer en performance d’ouverture
Déjà membre du jury en 2021, Mylène Farmer a accepté la proposition de se produire lors de la cérémonie d’ouverture 2025, avec une prestation qualifiée d’« exceptionnelle ». Connu pour son mystère et son silence, elle a néanmoins répondu à un questionnaire cinéphile, évitant toutefois les questions trop personnelles. Son manager, Thierry Suc, a confirmé son accord et ses réponses sont arrivées rapidement, révélant ses influences, entre La Leçon de piano, King Kong et l’univers de David Lynch.
Depuis les années 2010, le jury cannois s’est féminisé et tend régulièrement vers la parité, témoignant d’une évolution notable dans l’équilibre des genres au sein des membres et de la direction artistique.
Un Festival au cœur des débats sociaux et culturels
La couverture du Festival sera assurée par les envoyés spéciaux de Libération, qui partageront critiques, portraits, interviews et reportages au fil des journées. La photographe Marie Rouge, attitrée pour cette édition, dévoilera régulièrement ses clichés des coulisses, des stars et des instants marquants de la Croisette.
Par ailleurs, la programmation fera place à des débats sociaux, notamment sur les mobilisations du secteur cinéma pour attirer l’attention sur la situation à Gaza. La dimension politique et sociale, mêlée à la glorieuse tradition cannoise, confère au Festival une richesse unique.
Enfin, pour animer les esprits, un quiz cinéphile proposera de deviner l’identité d’un film à partir d’une critique marquante, offrant un clin d’œil à l’histoire récente du cinéma français.
Film d’ouverture et ambiance politique
Le film d’ouverture, Partir un jour, réalisé par Amélie Bonnin, est une adaptation de son court-métrage, avec Juliette Armanet et Bastien Bouillon dans les rôles principaux. Cette bluette romantique promet une légèreté bienvenue, même si la critique s’annonce mitigée. La cérémonie d’ouverture, sur fond d’un « moment géopolitique grave » évoqué par le président Emmanuel Macron, sera diffusée avant son allocution à 20 heures, renforçant l’aspect politique de cette 78e édition.