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Alors que le plan du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou visant à occuper la bande de Gaza se précise, avec une durée potentielle de six mois voire plus, le gouvernement israélien renforce ses capacités militaires. Le ministre de la Défense, Israël Katz, se voit ainsi doté du pouvoir de mobiliser jusqu’à 430 000 réservistes, préparant ainsi une extension du conflit et un contrôle accru sur la région.
Cependant, malgré l’apparente détermination de cette mesure, des cercles militaires et médiatiques israéliens expriment de forts doutes quant à la faisabilité d’une occupation totale. Beaucoup la considèrent surtout comme une manœuvre politique destinée à gagner du temps, notamment face à la pression internationale croissante, dont la décision allemande de suspendre les exportations d’armes vers Israël.
Du point de vue économique et juridique, des analyses avertissent que l’occupation de Gaza pourrait coûter à Israël des dizaines de milliards de shekels chaque année. Cette situation expose également Tel-Aviv à des risques juridiques importants liés au droit international, qui impose à toute puissance occupante des obligations envers la population civile locale.
Ces prévisions suggèrent que les conséquences de ce choix dépasseront les sphères décisionnelles, impactant la vie quotidienne des Israéliens à travers l’inflation du coût de la vie, les difficultés de déplacement et de voyage, amplifiant ainsi le climat d’inquiétude populaire face à la prolongation de la guerre.
Des forces israéliennes patrouillant dans une zone en ruines à Gaza
Montée des protestations en Israël
Sur le plan interne, Israël connaît une hausse notable des manifestations contre la guerre. Elles se traduisent par des affrontements physiques entre policiers et manifestants à Tel-Aviv, des blocages de routes principales et des incendies de pneus. Les familles des prisonniers engagées dans des protestations massives appellent à une grève générale dans les secteurs économiques pour faire pression sur le gouvernement afin d’arrêter les combats et de conclure rapidement des échanges de prisonniers.
Dans ce contexte, certains analystes estiment que le plan d’occupation promu par Netanyahou – inculpé par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre à Gaza – fait partie d’une stratégie politique visant à renforcer sa position électorale. La création d’une image d’« attaque d’envergure » justifierait la poursuite des opérations militaires tout en détournant l’attention de la nécessité urgente d’un accord d’échange de prisonniers.
Yossi Yehoshua, analyste militaire pour Yedioth Ahronoth, décrit ce plan non pas comme un véritable projet d’occupation de Gaza, mais comme une tactique pour gagner du temps en vue d’un échange partiel de détenus. Il souligne que Netanyahou présente ce plan à sa base électorale comme une offensive majeure, bien qu’il y soit en réalité opposé au moins en partie. Selon lui, c’est la société israélienne elle-même qui paiera le prix de cette division interne.
Le chef d’état-major de l’armée israélienne qualifie le plan de piège stratégique irréalisable
Un piège stratégique difficile à réaliser
Yehoshua cite le chef d’état-major de l’armée, Eyal Zamir, qui considère ce plan comme un « piège stratégique » impossible à mettre en œuvre en raison de la forte densité de population dans la bande de Gaza et de l’absence de solutions humanitaires pour évacuer près d’un million d’habitants.
Le rapport de Zamir met en garde contre l’épuisement des forces, l’augmentation des blessés ainsi que la perte de légitimité internationale, renforçant ainsi la difficulté d’exécuter ce plan. Ces avertissements témoignent de la complexité à gérer un tel conflit sur le terrain.
Amos Harel, analyste militaire pour Haaretz, souligne l’écart considérable entre la décision prise par le cabinet restreint israélien (le « kabinett ») d’occuper Gaza et ce qui est réellement réalisable sur le terrain. Il explique que la formulation de la décision reporte la mise en œuvre effective d’au moins deux mois, si jamais le plan est appliqué.
Harel identifie deux défis majeurs pour Netanyahou : la pression américaine pour initier des mesures humanitaires telles que l’entrée d’aides, la création de centres de distribution et l’évacuation progressive des populations, ce qui nécessite du temps et une coopération internationale ; et la difficulté de mobiliser un grand nombre de réservistes alors que leur réponse est en baisse.
Il note également que le communiqué du kabinett évite de mentionner le mot « occupation », se limitant au terme « contrôle », sans aborder l’idée d’« émigration volontaire » ou de « ville humaine », et sans clarifier si la stratégie vise un échange global ou partiel de prisonniers.
Netanyahou serre le chef d’état-major Zamir lors de la validation du plan
Un fardeau économique considérable
Sur le plan économique, Ram Aminoch, ancien conseiller économique du chef d’état-major, met en garde contre un piège coûteux et dangereux sans horizon temporel. Le droit international impose à Israël de fournir des services civils complets à près de deux millions de Palestiniens, ce qui représente une charge énorme pour un budget déjà fortement endetté, avoisinant 1,35 trillion de shekels.
Aminoch explique à The Marker que ces services destinés aux habitants de Gaza pourraient entrer en concurrence avec ceux offerts aux Israéliens, pouvant entraîner la fermeture d’hôpitaux, une hausse des taxes ou un recours accru à l’emprunt. Il met en garde contre tout manquement qui exposerait Tel-Aviv à des accusations internationales d’« négligence délibérée ».
Dans une analyse pour Calcalist, l’économiste Adrian Paylot estime que le coût annuel pour fournir aux Gazaouis des services équivalents à ceux des citoyens israéliens s’élèverait à environ 61 milliards de shekels (17,5 milliards de dollars). Même en divisant ce montant par deux, la charge resterait de l’ordre de 30 milliards de shekels (8,6 milliards de dollars), sans compter les dépenses militaires et sécuritaires.
Paylot souligne que la reconstruction de Gaza, la région la plus densément peuplée au monde, est quasiment mission impossible dans le contexte actuel de crise humanitaire sévère. Il considère que le scénario le plus réaliste est la proposition de Zamir, consistant à encercler la bande de Gaza et à isoler les forces israéliennes de la population locale, tout en alertant que cette option entraînerait également des coûts annuels de plusieurs dizaines de milliards de shekels.