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C’est un paradoxe saisissant : la zone démilitarisée Corée, biodiversité, sanctuaire écologique se présente aujourd’hui comme l’un des espaces naturels les mieux préservés de la péninsule, alors même qu’elle est un symbole durable de la division entre la Corée du Nord et la Corée du Sud.
Zone démilitarisée Corée, biodiversité, sanctuaire écologique : un havre au cœur des tensions
Instaurée en 1953, la zone démilitarisée (DMZ) longe la frontière intercoréenne sur environ 250 kilomètres et s’étend sur une largeur moyenne de 4 kilomètres. Loin de l’urbanisation, cette bande de terre fortement militarisée a, paradoxalement, servi de refuge à la faune et à la flore : selon l’Institut national d’écologie sud‑coréen, près de 6 000 espèces y ont été recensées.
Parmi elles figurent plus d’une centaine d’espèces menacées, citons notamment les grues à cou blanc, le porte‑musc de Sibérie et l’ours noir d’Asie. La DMZ abriterait 38 % des espèces menacées de Corée du Sud et plus de 30 % de la faune et de la flore nationales.
Chiffres clés : 250 km, 6 000 espèces et 38 % des espèces menacées
Les relevés menés par des équipes indépendantes et des institutions publiques ont permis de documenter la diversité exceptionnelle de ce territoire. L’Institut national d’écologie a recensé près de 6 000 espèces ; une proportion importante d’entre elles est protégée ou menacée.
La présence d’espèces rares et d’habitats préservés dans cette bande frontalière découle principalement de l’absence d’urbanisation et des restrictions d’accès liées au contexte militaire. Les mines terrestres et les installations de défense ont, de fait, limité l’impact humain direct sur ces milieux.
Travaux de terrain et documentation scientifique
Kim Seung‑ho, directeur de l’Institut de recherche écologique de la DMZ, et son équipe de bénévoles documentent cet écosystème depuis vingt ans. Leurs cartographies et bases de données servent de référence scientifique et, selon eux, dépassent parfois les relevés officiels en précision et en exhaustivité.
«Les mines terrestres font plus pour la conservation que quiconque»
Kim Seung‑ho relate aussi la reconnaissance implicite de la qualité de leurs données :
«Dans certaines réunions gouvernementales, les chercheurs hésitent à prendre la parole quand nous sommes présents, ils savent que nos données sont plus complètes et plus précises que les documents officiels.»
Les chercheurs utilisent notamment des caméras de surveillance animale pour capturer la présence d’espèces discrètes. Une image prise par une caméra le 12 octobre 2018 et fournie par le ministère sud‑coréen de l’Environnement le 10 mai 2019 montre un jeune ourson noir d’Asie dans la province de Gangwon.
Accès, tensions politiques et enjeux pour la conservation
L’accès au terrain dépend fortement du climat politique entre le Nord et le Sud ; un regain de tensions suffit à bloquer l’entrée dans certaines zones tampons. Cette contrainte rend parfois difficile la continuité des études et la mise à jour des inventaires biologiques.
Si la guerre et la militarisation ont paradoxalement contribué à préserver la biodiversité de la DMZ, la perspective d’un apaisement durable soulève des inquiétudes parmi les scientifiques : un accord menant à un développement de la zone pourrait mettre en péril les habitats actuellement protégés par l’isolement.
«La génération actuelle ne devrait pas décider du sort de la DMZ. Cela devrait revenir à une génération qui valorise la biodiversité»
En attendant toute décision politique, les équipes poursuivent l’observation des espèces migratrices et des populations captées par leurs dispositifs, accumulant des données qui documentent l’importance écologique de cette bande frontalière.